D’habitude, l’équipe favorite ne perdait qu’à cause d’un manque de performances de ses couleurs voire gagnait en seconde mi-temps faute de moyens de l’adversaire, épuisé par un adversaire plus fort. Aujourd’hui, les choses sont en train de changer et la victoire de Montpellier sur le Paris Saint Germain illustre bien cette idée : le football féminin a maintenant « des adversaires ».

Montpellier prend le meilleur sur le Paris Saint Germain (2-1) après avoir été mené (0-1).

Lorsque la jeune Eve Perisset marque son premier but sous les couleurs parisiennes ; celle qui vient d’avoir vingt deux ans doit se dire que l’aventure parisienne est vraiment belle pour Elle.

Nous sommes à la 21′ et c’est à un nouveau poste de milieu de terrain qu’elle aligne Laetitia Philippe d’un tir croisé qui va chercher le poteau pour entrer au fond des filets. Là voilà avec une place de titulaire au PSG que la blessure de Laure Boulleau lui a donné (11 matches), avec deux récentes sélections en équipe de France A et un temps de jeu qu’elle n’avait pas eu à l’Olympique Lyonnais (2 matches) sur la saison 2015-2016.

Pour ses nouvelles couleurs, le Paris Saint Germain ouvre le score à Montpellier et tout semble s’écrire comme lors des trois dernières saisons qui avaient vu trois victoires parisiennes sur les terres de Louis et Laurent Nicollin.

Paris entre au vestiaire avec un but d’avance, des qualités de profondeurs en première mi-temps que Montpellier n’arrivera jamais à produire et une domination physique et technique nettes sur leurs adversaires.

Aux points, elles sont devant. Sauf qu’au tableau d’affichage, rien ne transparait réellement.

Le football féminin commence à avoir des adversaires !

C’est la nouveauté qui transparait cette saison. Les matches ne se perdent plus pour avoir été moins concentré ou apathique. Ils se perdent car les adversaires se rebellent et emportent le match. D’adversaires de nom ; ils deviennent adversaires de jeu. Renversent un match ou le maintiennent ; pour, si la différence n’a pas été faite, l’emporter.

Montpellier joue avec le vent.

Sakina Karchaoui et Marion Torrent bloquent les débordements parisiens qui font mal.

Face à des choix tactiques intéressants de Patrice Lair mettant Grace Geyoro soit en défense centrale, soit en sentinelle suivant la configuration de jeu et Laurence Ashley et Sabrina Delannoy en joueuses de couloir, on pouvait penser que les débordements feraient descendre la défense montpelliéraine et créer les moments de déconcentration qui prédisposent à des balles dans la surface adverse, lieu de tous les dangers et de buts.

Il n’en a rien été et Jean Louis Saez avait disposé très haut deux joueuses hargneuses au possible pour empêcher les montées des parisiennes avec Sakina Karchaoui et Marion Torrent.

Ce faisant, Véronica Boquete et Shirley Cruz se devaient de jouer avec précision dans les espaces et le vent portant augmentait considérablement la difficulté, faisant buter les parisiennes sur les montpelliéraines qui les attendaient à vingt cinq mètres, au centre. Un mur qui ne craquera qu’une seule fois.

Montpellier croit en ses chances quand Paris subit Montpellier et … le vent !

En seconde mi-temps, Montpellier eut les mêmes difficultés que Paris sauf que la fatigue commençait à se faire sentir du côté des franciliennes quand l’attrait d’une possible « remontada » et le vent poussaient les montpelliéraines à continuer d’avancer, leur donnant la possibilité de croire à une égalisation alors que, du côté parisien, la difficulté de remonter la balle face au vent, à chaque initiative, disait à ces dernières que le score n’évoluerait pas en leur faveur et qu’il fallait impérativement ne pas prendre de buts pour préserver la victoire.

Instinctivement, elles descendaient et chaque joueuse était sur le fil des nerfs, à vouloir défendre l’avantage comme on défend l’abordage de Pirates sur les mers des Corsaires du 18è siècle.

On le sait, au football, l’avantage dans ce genre de situations, revient toujours à celui qui agit et domine mentalement.

C’est exactement ce qui arriva. Sandie Toletti envoya un coup de semonce avec un superbe corner qui trouva la transversale d’une Katarzyna Kriedrzynek heureuse sur le coup, quand, sur un second coup de pied arrêté, Sandie Toletti trouva la tête de la brésilienne Cristiane, meilleure buteuse des JO de 2004 et 2008, venue défendre ; qui déposa le ballon sur la joueuse qu’il fallait exactement éviter : Sofia Jakobsson, la meilleure buteuse du championnat. Internationale suédoise, médaille d’argent aux derniers JO. Ni une, ni deux ; ou plutôt, une et deux ! Elle pulvérisa la gardienne parisienne,Katarzyna Kiedrzynek, d’un droit puissant et salvateur (61′, 1-1).

Là, les jambes parisiennes sont lourdes. Le constat est simple. Elles sont dans l’incapacité de pouvoir porter le jeu dans le camp adverse avec un vent qui empêche même les corners, et elles savent que va commencer l’Enfer. Paris se met en mode « commando de défense ».

Les ballons partent des deux côtés, programme, « dégage » pour Paris et « Revient » pour Montpellier. On ne sait pas qui va arriver à son objectif. Le football se transforme en jeu de quilles dans la surface parisienne avec cinq tentatives montpelliéraines contrées quand, quelques minutes plus tard, c’est Paris qui tape trois fois dans la surface adverse pour rencontrer un maillot montpelliérain.

Tout cela semble se terminer sur un score de parité (1-1) notamment après le superbe arrêt de Kriedrzynek qui se couche sur un coup de franc de Toletti que tout le monde voyait au fond. Sauf que, sur un corner de Marion Torrent qui prend, bizarrement un temps incroyable pour aller le taper alors que nous sommes à la 88′, cherchant son souffle certainement, tout basculera ! Elle fait traverser la surface à sa balle pour trouver la nouvelle recrue de Montpellier, Stina Blacksténius, venir couper la trajectoire et placer un plat du pied vainqueur (2-1, 88′) devant Grace Geyoro, fatiguée par tant d’impacts.

Nous sommes à la 88′ et le football a choisi son vainqueur. L’équipe offensive sur le jeu défensif parisien de la seconde mi-temps. Au coup de sifflet final, Montpellier explose de joie. Elles viennent d’atteindre un objectif difficile : vaincre le Paris Saint Germain. Elles prennent sportivement la seconde place du classement de la D1F et Jean-Louis Saez ne peut être que heureux de ses choix de recrutement à la trêve : Janice Cayman a qualifié Montpellier à la 96′ en Coupe de France la semaine précédente face à l’OM et Stina Blackstinius marque le but vainqueur face au PSG.

Du côté parisien, rien n’est terminé, encore plus si je me réfère à mon titre : le football féminin commence à avoir « des adversaires. »

Guingamp et sa gardienne Gignoux ont été des adversaires pour l’Olympique Lyonnais.

Qui a déjà vu le film de Darry Cowl « le Petit Triporteur » sait à quel point un goal peut être important dans un match de football ! La jeune Maryne Gignoux, 20 ans, gardienne de l’EA Guingamp avait en face d’elle, pour une grande première, la joueuse américaine Alex Morgan que jamais plus, elle ne devrait rencontrer à moins que la route de Guingamp ne croise celle de l’Ol en Coupe de France ou que la joueuse américaine reste au-delà d’une demi-saison en France, ce qui parait peu probable au regard des engagements contractuels qu’elle a aux Etats-Unis, avec ses sponsors qui interviennent très peu sur le marché européen (l’Equipe magazine).

Le nombre de parades de la gardienne guingampaise a été incroyable, tant à terre, en l’air, sur les côtés, à gauche, à droite qu’il a fallu deux actions malencontreuses, dignes d’un scénario de cinéma, pour que l’Olympique Lyonnais rentre aux vestiaires sur le score de 0-2 avec un doublé d’Eugènie Le Sommer (21′, 26′).

Le premier but lyonnais est venue de l’ex-joueuse de Saint Brieuc et bretonne sur un centre d’Alex Morgan déviée par la défense centrale de Guingamp qui donne une balle isolée à l’attaquante de l’Equipe de France, qui ne demandera qu’à être poussée dans les buts ouverts ; quand le second sera une partie de billard avec un contrôle poitrine d’Alex Morgan, défendue par une guingampaise qui, dans l’action, décide de dégager pour se faire contrer par Eugénie Le Sommer, renvoyant sur l’impact, la balle dans les buts de Guingamp.

Deux buts que tu ne peux pas imaginer. Le reste du temps, ce sera parades sur parades !

Il faudra une attaque d’Ada Hegerberg, rentrée à la 46′ à la place d’Eugénie Le Sommer, bien décidée à garder sa place de titulaire pour porter le score à 0-3. Elle prouvera sa détermination comme son objectif en marquant d’un tir croisé alors qu’au centre l’américaine aurait pu tout autant finir l’action.

Pour autant les deux joueuses se comprennent et quand l’américaine fut rappelée par Gerard Prêcheur pour faire entrer Claire Lavogez (73′), la norvégienne vint d’elle-même croiser la course de l’américaine pour la saluer.

Lyon prend donc les trois points de la victoire et se maintient clairement en tête du classement de la D1F avec en sachant que ses adversaires sont bien le Paris Saint Germain à qui les lyonnaises ont concédé une défaite et Montpellier qui, maintenant, se trouve second au classement. Une fin de championnat intéressante pour ces clubs compétiteurs.

Le football féminin commence à avoir « des adversaires ».

Pour la journée à venir, les rencontres entre le Fcf Juvisy-Essonne face à Albi ; l’Olympique de Marseille face à Rodez et Soyaux qui reçoit Bordeaux vont illustrer certainement le titre de cette journée : « le football féminin commence à avoir des adversaires ! »;

Aujourd’hui, les matches se perdent non plus sur des erreurs ou de négligences mais surtout pour avoir rencontré des adversaires qui s’opposent.

Avant, il n’y avait pas d’adversaires. Aujourd’hui, ce sont les adversaires qui décideront de la victoire. D’où les nouveaux impératifs qui imposent leurs marques dans ce championnat de l’élite : compétences et performances.

William Commegrain lesfeminines.fr