Vous êtes une future Sportive de haut niveau. Vous avez une fille, une sœur qui possède des qualités en football ? Au début, elle sera prise par le jeu, puis la voilà sollicitée pour aller plus loin et plus haut avec les Pôles Espoirs de la fédération. Partie le dimanche après son match avec le club, arrivée au Pôle dans une nouvelle famille, celle du sport, revenir le Vendredi suivant, pour ne vivre avec sa famille que le samedi.

Une jeune vie faite d’efforts qui doit se conjuguer avec un très bon niveau scolaire, et dont les points d’orgue sont les sélections nationales qui vous promènent sur la planète pour un Mondial, en Europe pour des Euros et sur les terrains de France pour les matches hebdomadaires.

Dans cet environnement cadré, le football est sa nouvelle famille, dans laquelle la joueuse doit vivre des moments intenses de bonheur comme doivent les vivre les jeunes de cet âge, en ayant cependant, comme objectif, la notion de performance et d’amélioration qui lient les pensées de toutes ces jeunes sportives de haut niveau.

Elise Legrout a déjà bien bougé à 22 ans

Un visage d’ange de première de la classe où on sent que les stigmates de la vie n’ont pas spécialement leur place. Une détermination sans faille. Un port altier sur une queue de cheval installée quand elle joue, Elise Legrout, 22 ans, championne d’Europe U19 avec les Bleues de Gilles Eyquem en 2016, normande, s’est testée à Juvisy en U19F juste après le bac (DUT), est allée à la VGA Saint Maur pour pouvoir suivre un cursus réussi de licence à l’IAE Gustave Eiffel, puis s’est envolée dans le championnat universitaire américain, afin de réussir dans ces deux dernières années, un bac+5 en marketing, management et Communication.

A 30 ans, il y a des Tanguy. Expression française pour qualifier les jeunes qui cherchent des formations et restent à la maison. Première porte à droite après l’escalier de la maison familiale. A 22 ans, la jeune Elise a vécu un beau parcours, fait de décisions réussies sur le plan scolaire.

Le football, full time au HAC

Aujourd’hui, elle pose ses jeunes valises au HAC qui vient juste de monter à l’étage de l’élite française pour se consacrer exclusivement au football. « J’ai un contrat 35h » me dira-t-elle, « mon objectif est de me focaliser sur les entraînements, bien récupérer et optimiser ma performance. ». L’aspect scolaire est maintenant mis de côté. La tête bien concentrée sur ce qu’elle pourra faire dans le domaine sportif.

Quand je pousse l’objectif au cours de notre entretien, la franco-américaine -tellement le style de vie en Floride lui a convenu- me confirme qu’elle a bien les pieds sur terre : »A juvisy, j’ai fait quelques bouts de matches. Ma connaissance de la D1F n’est pas acquise. Quand j’en discute avec Théa Greboval (Paris FC) qui joue depuis six saisons en D1F, elle me confirme que chaque année le niveau augmente et que chaque match peut potentiellement être un match piège quand auparavant, il existait une marge de manœuvre. Mon objectif individuel va donc être de faire une saison pleine au HAC et d’avoir participé au maintien du club ».

Un objectif SMART car réalisable, dit avec le sourire. La jeune femme a appris aux USA que les plus forts objectifs se vivent bien, en harmonie avec soi et les autres. Sereinement. Une jeune femme convertie à identifier les sensations « cool » de la vie et à les mettre en valeur.

Le HAC est-il armé pour se maintenir en D1F Arkema quand on voit les recrutements des concurrents contre Fleury FC 91 et Dijon, clubs montés récemment au plus haut niveau de l’élite féminine ?

La réponse est pleine de vérités. A l’américaine. L’expression d’un ressenti individuel qui ne peut que correspondre à une réalité, puisque vécu de l’intérieur. « Je m’épanouis totalement dans ce groupe qui est multi-culturel avec trois américaines et une canadienne. J’ai l’impression d’avoir un pied aux USA. C’est vrai que, de l’intérieur, nous avons l’impression d’être un groupe jeune d’autant plus avec l’arrivée de Lina Boussaha et Santana Sahraoui mais en fait, notre moyenne d’âge est de 24-25 ans. En fait, on vit avec un esprit jeune mais on a un groupe matûre. L’adaptation s’est si bien faite que j’ai le sentiment étrange d’être là depuis longtemps, comme si cela faisait plusieurs mois que l’on s’entraînait ensemble. Avec le Covid, on a plusieurs vestiaires à se partager, je suis avec les américaines. C’est une ambiance que j’aime. Et ca, c’est super cool comme sensation ! »

Voilà pour ses sensations individuelles sur elle et le groupe. Quant au niveau « On a aucune idée précise. On a repris le 2 Juillet. Pour l’instant, on travaille au maximum à huit. Aujourd’hui (samedi) on va faire notre première opposition interne à 11. On en saura plus aussi avec le match de préparation face à Orléans, mais on possède de vraies qualités athlétiques avec de gros gabarits, très grandes et dures dans le duel. A mon avis, en dehors de nos qualités techniques, c’est un point important en D1F. »

Quel a été l’apport des USA à tes qualités sportives ? 

La discussion vient automatiquement sur l’approche américaine du football féminin. Très axée sur l’athlétique avec, on l’a vu à la Challenge Cup qui décernera le titre NWSL 2020, des joueuses qui pourraient pratiquer et réussir dans d’autres sports. Elise a beaucoup appris dans ce domaine pendant ces deux années aux USA.

« C’est simple, je faisais 50 kgs avant mon départ. La balance affichait 57 kilos aux USA. J’ai pris 7 kilos de muscles ». Du plus, mais pas que ! Elle précise que la difficulté est d’équilibrer la puissance musculaire à prendre avec ce que son corps peut intégrer sans pénaliser son jeu. « A 57, j’ai senti que je perdais un peu de ce qu’était ma qualité première, l’endurance. Courir 40’ à un bon rythme et le répéter souvent pouvait être difficile. J’ai donc appris à trouver ce qui correspond à mon corps tout en améliorant l’explosivité des deux ou trois premiers appuis qui font la différence avec l’adversaire. Un équilibre à trouver qui m’a permis de prendre du poids dans les duels et de m’imposer. »

Revenue en mars 2020 pour cause de Covid, « j’ai perdu de cette masse mais je sais comment la récupérer sans souci. »

 Un apport seulement physique ou aussi mental ? 

Les USA lui ont appris, à 22 ans, à se gérer en fonction de ses objectifs et possibilités. Les joueuses regardent peu de matches féminins. Lorsque je lui décris la performance de Georgia Saint Georges, une canadienne de 22 ans, qui a elle-seule, en position latérale, a fait se qualifier en finale du titre NWSL 2020 son équipe (Chicago Red Stars) sans talent exceptionnel, avec un but et deux passes décisives, juste en jouant avec ses qualités et en les exprimant au maximum, Elise me confirme qu’aux USA « l’aspect positif est essentiel. Donne le meilleur de toi-même et personne ne sera déçue de toi, ni toi par toi. Je suis convaincue que l’aspect mental a une influence de 80 % sur la performance des SHN. C’est souvent dans notre tête et les USA m’ont appris à avoir confiance en soi pour améliorer cette performance. »

D’ailleurs, lorsqu’elle regarde les performances de certaines françaises, elle le dit : « des filles comme Kadi avec qui j’ai joué à Juvisy, Delphine Cascarino, Grace Geyoro, Marie-Antoinette Katoto savent maintenant gérer cet aspect mental. Elles sont capables de faire basculer un match en faveur de leur équipe » même au plus haut niveau.

Comment les USA voient le football en Europe ?

Être en D1F Arkema, cela a quel sens pour une jeune fille qui revient ? C’est un championnat décrié en interne, faute de voir les hiérarchies se bousculer. « Détrompez-vous ! les jeunes universitaires américaines et canadiennes savent que le football européen est le meilleur du monde. Pour elles, venir jouer en D1F, en Angleterre ou en Espagne, c’est flatteur. Elles peuvent en rêver comme Jessica Flemming que je ne connais pas et dont vous me dîtes qu’elle est allée à Chelsea plutôt que d’accepter d’être draftée aux USA. ».

Quand je lui fait remarquer que les joueuses ne connaissent pas les autres joueuses, du simple fait, qu’elles ne regardent pas les matches de football féminin ! Je perçois dans sa réponse une évolution. « J’ai hâte de voir la nouvelle Champion’s League féminine. L’intensité produite. C’est inspirant. On sent que les choses bougent en Europe avec l’Angleterre, l’Espagne. C’est très motivant et souvent, j’échangeais avec mes amies de Juvisy, en disant, celle-ci est partie en Espagne, l’autre en Angleterre ! la D1F Arkema est très attractive pour cela. Et puis Lyon s’est fait accrocher la saison dernière. Il y a aussi la D2F qui monte en niveau avec une limite de 5 contrats fédéraux qui a sauté. Ce n’est plus aussi mal de jouer en D2F avec des clubs qui ont de l’ambition. Tout cela, c’est Top pour les joueuses. »

Les joueuses ne regardent pas tout, mais le plus haut niveau, soit l’Europe, certainement. Notamment, pour la jeune génération en action.

Quel rêve as-tu, Elise ?

Elle me répond « jouer une champion’s League, revêtir le maillot des Bleues chez les A, jouer un Mondial, des JO ». Et quand je lui pose la question de Lyon ou du PSG, elle me répond : »pourquoi pas le HAC ? j’ai besoin d’être dans une équipe avec un bon état d’esprit, être quelque part où on a envie que je sois là, où je me sens bien d’être et avec un coach qui a envie de travailler avec moi et dont la philosophie me convient. S’épanouir ».

S’épanouir. C’est la phrase clé pour les féminines. D’ailleurs, tous les clubs vantent le mot « famille ». Une notion que l’on ne retrouve pas dans les clubs masculins de l’élite. Une notion de bienveillance que l’on trouve même aux USA. Ainsi l’OL Reign n’a pas manqué de souhaiter la meilleure des chances aux deux finalistes. « Famille, bienveillance » n’empêche pas la combativité lors des matches.

Et Elise se sent bien au Havre. « J’adore le bord de mer. J’aime l’approche multi culturelle du club. Le centre-ville du Havre est hyper convivial. C’est Top, il n’y a pas trop de voitures. » Terminant, « le maire Edouard Philippe a fait des choses bien dans cette ville. Je m’y sens bien. »

Voilà, pour les sportives de haut niveau, pour les parents, pour les frères et sœurs des sportives de haut niveau. Être SHN, c’est beaucoup d’efforts, mais c’est aussi de belles rencontres et une belle vie à vivre.

A 22 ans, dans un monde COVID-19, Elise dit, les yeux dans les yeux : « c’est cool de faire du football de haut niveau ! ». N’oubliant pas les efforts et sacrifices à faire pour y être.

William Commegrain Lesfeminines.fr