Samedi soir 23 Juillet. En direct sur TF1 et Canal PLus.
La France ne va avoir à l’esprit que ce seuil des quarts de finale que les Bleues n’ont plus passé depuis 2012 (JO à Londres, 1/2 finaliste) alors que les joueuses et la coache Corinne Diacre, à l’image de Wendie Renard, lors de la conférence de presse, répondent qu’il faudra d’abord avoir les yeux sur le terrain.
On peut imaginer, un Samedi soir sur TF1, la première chaîne française, que le match sera suivi par un plus de cinq millions de français. Si on ajoute le million de Canal Plus et tout ceux, occupés à autre chose mais qui auront lu, entendu, pensé et discuté, non pas de cette rencontre, mais de ce quart de finale que les françaises ne passent pas, on va toucher les sept millions.
C’est beaucoup quand l’Espagne, éliminée dans le premier quart face à l’Angleterre (2-1) qu’elle avait bousculée en menant la rencontre (0-1, 56′) chez le pays hôte, a dépassé difficilement les deux millions, record espagnol pour un match de l’équipe féminine espagnole !
Je ne sais pas si la France, qui se plaint toujours, mesure l’audience du football féminin français en le comparant à celui des autres pays, leaders. Des chiffres que l’Allemagne, habituelle seconde mondiale, n’atteint plus depuis longtemps.
Il va donc y avoir du monde qui, demain, n’auront qu’une seule chose en tête après le quart de finale France – Pays-bas. « Encore éliminée, elles sont nulles. Il faut du changement ! »Ou, « enfin, voilà ce qu’il fallait, et maintenant le titre ! »
Mais, bon sang, d’où est venue cette attente française de gloire pour le football féminin ?
Il y a le football et il y a Roland Garros. Dans les deux cas, si on ne vas pas au titre, on le rabâche, et rabâche !
Un milieu royal
D’abord, le jeu pratiqué par les françaises jusqu’en 2015-2016 les rendant inaccessibles au niveau international. Les Camille Abily, Gaetane Thiney et Louisa Necib au milieu étaient incroyablement fortes, créatives, défensives, offensives. Si fortes que l’ensemble des joueuses montaient d’un cran quand ces trois là, jouaient plusieurs niveaux au-dessus.
Un jeu du milieu extraordinaire dans un pays où tous ses excellents joueurs sont venus du milieu. Michel Platini avec l’Euro 1984, Zidane avec la Coupe du Monde 1998 et la finale 2006. En France, historiquement, c’est le milieu qui fait gagner. Le milieu des Bleues de cette période était le meilleur du monde, il devait gagner.
La comparaison avec l’OL, jeune vainqueur
Il devait d’autant plus gagner que l’Olympique Lyonnais a commencé à gagner le titre de Championne d’Europe. En 2011 et 2012.
C’est à cette époque que l’association s’est faite entre les victoires de l’Ol et l’espérance de titre de l’équipe de France féminine. D’ailleurs Bruno Bini, qui maintenant est celui qui a porté au plus haut les couleurs des Bleues (Mondial 2011 et Jo 2012) est sorti en 2013 (quart de finale perdu face au Danemark), uniquement parce que dans l’esprit du Comex de l’époque, la France aurait du avoir une médaille ou un titre au Mondial 2011 et aux JO 2012.
Deux fois quatrième, la fameuse médaille en chocolat et portant c’est ce qui reste un record.
Ce résultat a été extrêmement attaqué. Bruno Bini a sauté, alors que dans la compétition, -de mémoire- il a été obligé de la quitter suite au décès de son beau-père. Mais personne n’en a fait fi. Les gens, la presse peu nombreuse mais bien plus, le football féminin français avait décidé qu’on aurait dû faire mieux.
Ce faisant, ils ont crée une brèche qui n’a fait que s’agrandir.
Les adversaires passent, pas les françaises.
En 2013 l’Olympique Lyonnais perd le titre européen en finale, sur une main de Laura Georges. L’Ol en finale, après deux titres. Le parallèle garde sa force. En 2014, l’OL est éliminé par Wolfsburg mais il n’y a aucune compétition pour l’équipe de France. En 2015, l’Ol est éliminé par le PSG qui ira en finale, l’attente redevient forte.
Au Mondial 2015, on saute en quart sur une main d’Amel Majri en fin de partie face à l’Allemagne. Prolongation, Gaetane Thiney rate l’immanquable pour le (2-1). Tirs au but. Elle réussit son pénalty et Claire Lavogez, cinquième tireuse, rate le sien. L’Allemagne passe, elle sort en 1/2 finale. Les USA l’emporte face au Japon (5-2).
Conclusion, on n’aurait rien fait face aux USA. La déception commence, bien qu’avec l’Allemagne, tout le monde se disait, « c’est quand même l’Allemagne ! »
2016, les JO à Rio. C’est le Canada qui nous puni une seconde fois. Après les JO de Londres (2012) où elles nous prennent le bronze à la dernière minute de jeu ; elles nous battent (1-0, 13 Août) à la 56′ quand en matches amicaux, moins d’un mois avant, le 23 Juillet, elles nous ont rendu raison (1-0 pour la France, Camille Abily) ainsi qu’en 2015 (1-0, Eugénie Le Sommer).
Le Canada obtiendra sa seconde médaille olympique, nous rien.
Philippe Bergerôo quitte la sélection pour avoir dit que « les Bleues avaient un problème psychologique ».
La France championne du Monde des matches amicaux.
Là, en France, on commence à entendre que la France est championne du monde des matches amicaux. Un qualificatif qu’on donnait aux hommes avant l’Euro 1984 et repris pendant la dissette jusqu’en 1998.
En 2017, l’Euro arrive, avec un OL-PSG en finale de la Women’s Champion League et une victoire des Bleues à la SheBelievesCup organisé par les USA en mars et qui réunit les quatre meilleures équipes mondiales du moment : USA, Allemagne, France et Angleterre. Vainqueur et boum ! on se fait sortir par l’Angleterre (1-0, 60′) qu’on avait gagné (2-1) en mars après avoir battu, dans cette compétition, les USA, première mondiale (3-0).
Là, c’est réglé. L’image des Bleues est une équipe qui a un problème psychologique en compétition et qui gagne les forts, uniquement dans les matches amicaux, ce qui lui donne ce classement FIFA avantageux. Olivier Echouafni, sort après une année de coaching.
Corinne Diacre vient comme le Jésus féminin après son succès à Clermont, en Ligue 2 masculine. Le Mondial 2019 s’écrira dans la même ligne : un superbe 1/8e face au Brésil, au bout du bout avec un but d’Amandine Henry et une sortie en 1/4 sur une défaillance psychologique initiée par Pinoe (2-1). Eliminée à ce stade, avec trois équipes européennes en 1/2, la France regardera les JO à la TV, et la Suède prendra l’argent pour une seconde fois (Rio, Tokyo).
Un plafond de verre qui a des bases solides
C’est la difficulté de le passer. D’abord dans l’expression « plafond de verre », il y a le verre pour dire qu’il est juste invisible et accessible mais aussi celui de plafond. Et pour qu’il y ait un plafond, il faut qu’il y ait des bases qui le soutiennent.
D’abord, la comparaison avec l’OL, huit titres de championne d’Europe (2011, 2012, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2022) en est un des piliers. Le club français gagne, donne des joueuses à l’EDF. N’importe qui se pose la question des échecs français en quart face à une telle réussite, d’autant que lorsque le club lyonnais se rate (2014, 2015, 2021), il revient.
Ensuite, l’orgueil français. Flagrant. On gagne un match important, et on doit gagner le titre mondial, les JO, l’Euro, tout. L’orgueil français ne tient pas compte des adversaires, du jeu produit, il attend d’avoir raison en ne se donnant aucune raison d’avoir tort. C’est la France.
Sans oublier que le niveau s’est considérablement amélioré et que les adversaires se fichent assez souvent des matches amicaux. On le voit, les joueuses ne sont plus que des joueuses à la technique léchée. Ces ont des athlètes. Aucune fille de 2015 ne serait titulaire dans ce onze de 2022. Il faut une condition physique extraordinaire. De plus, l’aspect mental et collectif prend une force nouvelle qui ne sont pas la première force des Bleues, dont on pourrait scinder les fans entre les « pour » face au « contre » à 50/50 quand chez les autres, les « pour » sont pour à 90%.
Et puis enfin, les autres avancent quand la France stagne : le Canada en est à 3 médailles olympiques depuis 2012 (Bronze, bronze en 2016 et Or en 2020). L’Angleterre, est arrivée 3e et 4e aux Coupes du monde 2015 et 2019. L’Allemagne prend l’Or en 2016. Les Pays-Bas gagne l’Euro 2017 et sont vice-championne du monde 2019. La suède prend l’Argent en 2016 et 2020 aux JO, 3e au Mondial 2019. Sans parler des USA. Le Brésil gagne à la Conmebol, et l’Australie a fini 4e aux JO de Tokyo.
Dans le Top 10, seul la Corée du Nord est bloquée (10e), mais elle ne joue pas les compétitions ! Et l’Espagne, 7e, vient juste d’y entrer.
Voilà les bases du plafond de verre.
Un Euro en quart qui demande des tripes.
Les adversaires, à l’Euro 2022, sont des véritables adversaires. Aujourd’hui les adversaires ont de vraies qualités. Voyez les quart de finale. Si vous regardez, un seul but a souvent été marqué. En deuxième mi-temps. Certains à la 86′ pour l’Angleterre (1er quart) pour égaliser, à la 89′ pour l’Allemagne (2e quart), à la 90’+2 pour la Suède (3e quart).
Pourtant l’Espagne jouait sans deux stars, l’Autriche est 21e mondial, la Belgique 19e. Toutes les qualifiées des demi-finale auraient pu passer à la trappe. Et ce sont des sacrés noms : Angleterre 7e mondial, Allemagne, 5e mondial. Suède, 2è mondial.
Les quarts, ce n’est pas un plafond de verre. C’est un plafond de vérités. D’ailleurs le 1/4 gagné par la France en 2011 face à l’Angleterre, c’est sur une égalisation française à la 89′ d’Elise Bussaglia et aux tirs au but.
Les quarts, le problème, c’est que tout le monde peut et veut les gagner. Il y a encore du jus dans les jambes et dans la tête.
William Commegrain Lesfeminines.fr