Anja Mittag. Interview. Le championnat allemand a connu un très long trêve car depuis le 18 décembre 2016 (11è journée), les allemandes sont au repos et ne reprendront que le 19 février, soit deux mois après. En interviewant Anja Mittag, nous vous proposons le regard d’une star européenne dans le football féminin mais plus encore, de mettre en valeur que les compétences des joueuses étrangères ont souvent été faites par des signatures avec des clubs étrangers. Là, d’abord le Turbine Potsdam puis le Fc Rosengard, ensuite le Paris Saint Germain et maintenant le retour en Allemagne avec le Vfl Wolfburg.
Je pense que c’est certainement une des raisons pour laquelle la France n’obtient pas de titres internationaux. Le manque de mobilité des joueuses françaises pour s’imprégner un peu plus, des forces culturelles étrangères.
En Allemagne, le Turbine Postdam mène les débats (30 pts) avec une avance confortable de 5 points, redonnant une superbe lumière européenne pour ce club historique exclusivement féminin qui avait quitté la scène européenne (champion d’Europe en 2010, finaliste en 2011) sous les coups de butoirs de ses trois poursuivants : Wolfsburg (double champion d’Europe en 2013 et 2014, finaliste 2016), Frankfurt (champion d’Europe 2015) et du Bayern de Munich (double et dernier vainqueur de la Bundesliga 2016).
Frankfurt est détaché (6è, 19è) et ne devrait pas postuler à la seconde place qualificative, occupée actuellement par le Bayern de Munich (25 points, 2è) sous la menace de l’inattendu Freiburg (23 points, 3è) et de Wolfsburg (23 points, 4è).
Le PSG et l’Olympique Lyonnais devant rencontrer lors des prochains quarts de finale européens (mars 2016) les deux clubs allemands en lice dans cette édition 2017, le Bayern pour les parisiennes de Patrice Lair et le Vfl Wolfsburg pour le champion d’Europe français, l’Olympique Lyonnais ; il était intéressant d’avoir le retour d’expérience d’Anja Mittag (PSG, ex-Rosengard de 2012-2015), joueuse historique de Potsdam (2007-2011), meilleure buteuse de l’histoire de la WCL, meilleure buteuse de la Coupe du Monde 2015 avec Délia Sasic et surtout médaille d’Or Olympique aux JO de Rio (2016) sous le dernier commandement de Silvia Neid.
La joueuse allemande a découvert la saison dernière le football féminin français en s’engageant pour deux saisons (2015-2017) avec le PSG sous le coaching de Farid Benstiti. En cours de contrat (fin de saison 2016) ), elle avait décidé de retourner en Allemagne (Vfl Wolfsburg) avec l’accord du club parisien et de Patrice Lair quand il a pris la succession de Farid Benstiti.
Sur le championnat allemand et le parcours de Wolfsburg.
Les féminines.fr Avec l’équipe du VFL Wolfsburg vous avez joué contre SGS Essen (cinquième du classement) en un match retard de la Frauen-Bundesliga. Qu’est-ce que cela vous a apporté?
Anja Mittag. En tout cas trois points, c’est le plus important. Avoir ramené trois points de ce match. Si nous gagnons le match en retard contre Jena [12 février 2017], nous nous retrouverons sur la deuxième place du classement, c’est très important pour nous en ce qui concerne la qualification pour la Ligue des Champions et en général nous avons été très heureuses après le match.
Les féminines.fr C’est Turbine Potsdam qui actuellement occupe la première place du classement. Est-ce que vous l’auriez attendu au début du championnat? Quelle est votre opinion?
Anja Mittag. Je ne l’aurais pas attendu, bien sûr. Peu de gens auraient attendu cela, les joueuses et l’entraîneur de Potsdam non plus, je crois. C’est un signe pour la ligue, que le championnat est équilibré et vraiment très fort, probablement un des meilleurs championnats du monde. C’est une bonne chose pour le foot féminin, qu’on voit qu’il y a un développement, surtout en Allemagne. Et c’est bien. Pas bien pour le VFL Wolfsburg, parce que nous voulions être sur cette première place, mais les joueuses de Turbine l’ont aussi mérité, elles jouent une bonne saison et c’est juste qu’elles se retrouvent en top.
Sur le parcours d’Anjà Mittag et ses choix.
Les féminines.fr. Comment avez-vous débuté le foot ?
Anja Mittag. J’ai deux frères dont un qui est mon aîné. Il a joué au foot, et bien c’est avec lui que j’ai joué dehors. C’était donc naturel que je suis allée jouer au foot. C’est comme cela a commençé. À l’âge de six ou sept ans j’ai rejoins un club de foot.
Les féminines.fr. Quand vous aviez 17 ans vous êtes allé jouer pour Turbine Potsdam? Qu’est-ce qui vous a amené là-bas?
Anja Mittag. À l’époque dans la région, Turbine Potsdam était le seul club connu qui évoluait en Bundesliga. C’est-à-dire sur le niveau le plus élevé. L’entraîneur [Bernd Schröder] m’a demandé si je voulais venir et c’était pour moi le bon moment pour faire le prochain pas. Tout allait bien et j’ai passé de bons moments à Potsdam.
Les féminines.fr. Depuis 2002 vous avez évolué pour le club de Turbine Potsdam, mais en 2006 pour une demi-saison vous avez joué pour un club de première division à Karlstad en Suède. Est-ce que c’était seulement une sorte de test?
Anja Mittag. C’était un test, j’ai essayé de faire quelque chose d’autre, de faire des expériences à l’étranger et autre chose. À ce temps-là j’avais une copine qui jouait aussi à Karlstad et cela me rendait plus facile d’aller à l’étranger. J’ai été malchanceuse, je me suis blessée et cela n’allait plus très bien. C’était vraiment dommage.
Les féminines.fr. Vous êtes retourné à Potsdam, avec de grands succès, entre autres la victoire en finale contre l’Olympique Lyonnais. Pourquoi êtes vous allé jouer pour le FC Malmö en Suède?
Anja Mittag. Après presque dix ans à Potsdam je pensais qu’il était temps de changer d’air. Ce qui est naturel après tant de temps. À cette époque, le FC Malmö cherchait une attaquante et les choses se sont développées. Je me disais, il faut que je leur donne une chance.
Les féminines.fr Dès la première saison, vous êtes devenu meilleure buteuse du championnat suédois et pendant trois ans vous avez évolué pour le FC Malmö qui plus tard est devenu FC Rosengard. Pourquoi en 2015 avez-vous changé de club et commençé à jouer pour le Paris Saint-Germain?
Anja Mittag. Je voulais voir autre chose, faire d’autres expériences, connaitre un autre pays, y gagner des titres. Le Paris Saint-Germain avait de grandes ambitions, de bonnes joueuses, une bonne équipe, et ainsi c’était pour moi une bonne alternative, d’essayer aussi quelque chose de nouveau et changer sur le plan sportif.
Sur la comparaison entre les pays.
Les féminines.fr Est-ce que les deux clubs Malmö/Rosengard et Paris Saint-Germain ont fait quelque chose de spécial pour l’intégration des joueuses venant de l’étranger?
Anja Mittag. En Suède on m’a donné la possibilité de suivre un cours de langue, à Paris aussi, mais là nous avions même un professeur privé qui nous a enseigné le français. Les deux clubs avaient grand intérêt à ce que les joueuses s’insèrent le plus rapidement et pour cela il est important qu’on apprenne la langue du pays.
Les féminines.fr Comment avez vous ressenti l’entraînement? Est-ce que l’entraînement était différent de l’entraînement en Suède ou en Allemagne?
Anja Mittag. À Potsdam, c’était relativement dur, mais j’ai déjà joué avec Sarah Gunnarsdottir [aussi VFL Wolfsburg] en Suède et là les exigences de l’entraînement souvent n’était pas très grandes. Au Paris Saint-Germain il n’y avaient pas de grandes différences comparé avec l’entraînement en Allemagne. Peut-être qu’il y avait quelques contenus différents. Si j’essaie de le généraliser, on peut dire qu’en France il y a beaucoup de joueuses qui sont bonnes sur le plan technique. En Suède les joueuses étaient plutôt athlétique, costaud, fort dans la situation de duel « un contre un », mais pas forcément les meilleures sur le plan technique.
Sur le championnat français.
Les féminines.fr Comment voyez-vous le championnat français par rapport au championnat allemand?
Anja Mittag. Ici en Allemagne le championnat est nettement plus équilibré qu’en France. En France, c’est toujours Lyon, l’équipe qui depuis 10 ans gagne toujours le championnat, cela montre le déséquilibre du championnat. C’est dommage que la plupart du temps le championnat soit dominé par deux clubs (Olympique Lyon et le Paris Saint-Germain). Parfois c’est Montpellier ou Juvisy qui arrivent à être parmi les tops.
Cependant, en Allemagne aussi, il y a eu cette période de développement. Cela a duré. Ce n’est pas venu d’un jour à l’autre. On peut espérer que les choses vont aussi se développer dans le championnat français.
Les féminines.fr Paris Saint-Germain avait de grandes ambitions quand Farid Benstiti était l’entraîneur. Les objectifs ont failli être atteints. Comment voyez-vous les chances du Paris Saint-Germain pour le championnat actuel et dans l’avenir?
Anja Mittag. Ce qui est important, ce sont les matches contre Lyon. Je le suis toujours, j’essaie de m’informer. Je crois que l’équipe est plus homogène maintenant, elles sont devenues une vraie équipe, ce qui peut-être n’était pas le cas avant. Tout ça, c’était bien, le changement venait au bon moment. Vraiment beaucoup de joueuses ont quitté le club après la saison dernière, le nouvel entraîneur, Patrice Lair, a fait venir quelques nouvelles joueuses, des joueuses françaises, moins de joueuses de l’étranger. Il semble que l’équipe se plaît et sur le plan footballistique on verra ce que cela donne et où elles vont se retrouver.
Les féminines.fr Vous aviez encore un an de contrat à Paris, mais vous avez décidé d’aller jouer pour le VFL Wolfsburg. Est-ce que cela ne vous plaisait plus à Paris ou est-ce que Wolfsburg était plus attirant?
Anja Mittag. C’était un peu des deux. Je voulais aussi rentrer en Allemagne. Et aussi je ne m’y plaisais plus tellement.
Sur les difficultés de maintenir son niveau.
Les féminines.fr Vous êtes une des joueuses de la sélection allemande qui a connu un énorme succès, mais en 2011 on ne vous a pas sélectionnée pour la coupe du monde dans votre propre pays. Après, vous avez connu de nouveaux succès, par exemple vous avez marqué le but décisif dans la finale de la Coupe d’Europe contre la Norvège. Comment peut on expliquer cette courte phase de faiblesse?
Anja Mittag. (En souriant) Oui, je crois , que c’était un signe d’usures. A Potsdam, j’avais joué beaucoup d’années pour le club de Potsdam, j’avais un peu perdu l’envie de jouer au foot. Alors je n’étais probablement pas suffisamment en forme pour que Silvia Neid puisse me sélectionner. C’était correct, je le sais moi-même. En Suède, cela allait mieux, j’ai redémarré de nouveau. Aller en Suède, en tout cas, c’était la bonne décision pour moi et ma carrière footballistique.
Sur l’Euro, l’Allemagne et l’Equipe de France.
Les féminines.fr Médaille d’Or aux Jeux Olympiques, nouveau sélectionneur [Mme Steffi Jones]. Comment voyez-vous les chances de la sélection de l’Allemagne pour l’Euro 2017?
Anja Mittag. Sans doute cela sera une tâche captivante. Avec notre nouveau staff nous avons trois séances. C’était bien, cela nous a donné du plaisir. Nous avons de grands projets mais on doit d’abord se connaître. Il faut du temps, il y a des choses qui ne fonctionnent pas toujours la première fois. Nous avons le potentiel vu l’Euro mais il y a beaucoup de choses que nous devons perfectionner. On ne peut pas mettre tout en application d’un jour à l’autre, mais nous avons de bonnes conditions requises pour jouer un rôle important lors de l’Euro. Ce qui est clair, nous avons gagné huit championnats d’Europe et sommes favorites. Cela sera intéressant.
Les féminines.fr La France aussi a un nouvel sélectionneur, Olivier Echouafni. Vous connaissez les joueuses françaises, vous connaissez le championnat français. La France a plusieurs fois manqué de gagner un titre. Comment voyez-vous les chances de la France pour l’Euro 2017?
Anja Mittag. J’en ai déjà parlé un peu avec Elise Bussaglia (seule internationale française à évoluer à l’étranger au Vfl Wolfsburg). Elle aime bien cet entraîneur, elle est aussi convaincue de lui, c’est déjà un bon signe. Je ne sais pas comment pensent les autres joueuses. J’espère qu’il pourra aider l’équipe, il ne vient donc pas du foot féminin, mais du foot masculin. On entend dire, que lors des derniers tournois les françaises ont échoué parce que comme équipe elles n’avaient pas la force mentale. Je crois qu’il leur faut tout simplement un tournoi qu’elles gagnent. Le fait qu’elles n’ont pas encore un titre, est un peu malheureux puisqu’elles jouent le meilleur foot.
Sur le quart de finale face à l’Olympique Lyonnais.
Les féminines.fr Au mois de mars l’adversaire dans la Ligue des Champions sera l’Olympique Lyonnais. Est-ce que vous-y pensez déjà?
Anja Mittag. Actuellement, avant tout il est important que nous gagnions nos matches dans le championnat pour nous qualifier de nouveau pour la Ligue des Champions. Bien sûr, on garde le tirage en tête. Lyon est un adversaire très fort, c’est bien, on veut aussi se mesurer avec les meilleures. Lyon est une des meilleures équipes de l’Europe, aussi parce qu’elles sont tenantes du titre. Nous voulons leur prendre ce titre et je crois que nous avons vraiment une bonne équipe et de bonnes conditions. Si on avait pu le souhaiter, on aurait préféré cette rencontre pour la finale, pour prendre une revanche, mais nous devons l’accepter comme le tirage l’a décidé et nous allons assumer cette tâche, donner tout et essayer d’atteindre la demi-finale.
Les féminines.fr Auriez-vous préféré le Paris Saint-Germain?
Anja Mittag. Oui, j’aurais bien aimé jouer contre le Paris Saint-Germain.
Les féminines.fr Comment-voyez-vous votre avenir personnel ici à Wolfsburg?
Anja Mittag. J’ai signé un contrat pour deux ans, il en restent maintenant un an et demi, naturellement j’espère que je pourrai remplir mon contrat.
Merci Anja !
Lesféminines.fr Gerd Weidemann