Comment les clubs professionnels vivent les difficultés de niveau de leur section féminine ? Philippe Hinschberger, coach de la Ligue 1 de Metz nous répond.
Avec huit clubs de Ligue 1 en D1 féminine, le rêve fédéral serait que les huit clubs soient premiers du championnat de France afin de mettre en valeur ce championnat ! Ce qui semble impossible. Raisonnablement … quand pour lesdits clubs de Ligue 1, les voilà à mettre leur maillot sur le dos de joueuses et d’équipes sans aucune garantie de ne pas prendre des cartons à chaque dimanche, soit pour avoir rencontré l’un des Top Four (OL, PSG, Montpellier, Juvisy), soit pour ne pas avoir réussi à compenser le manque de joueuses de l’élite sur le marché avec l’alchimie nécessaire à la réussite dans le football féminin : du temps passé à jouer ensemble.
Le coach de la Ligue 1 de Metz, Philippe Hinschberger est un personnage nature et naturel. Toutes les personnes qui l’ont contacté le savent. C’est du Lorrain. Brut de béton. Une question, la réponse. Sa prestation à l’émission J+1 de Canal + sur le football de Ligue 1 n’en est que l’exemple où il se prête aux jeux des mots et de la gratte pour reprendre, à sa sauce, l’état d’esprit indépendant des paroles et musiques de Jacques Dutronc.
Wow, on reste sans voix 😍
MERCI Philippe Hinschberger pour cette magnifique performance dans #Jplus1 ! pic.twitter.com/NujtHGDeuJ
— J+1 (@jplusun) September 25, 2016
Qui peut mieux que lui pour nous parler du FC Metz L1 et du FC Metz D1 Féminine ?
Il faut dire que le Fc Metz, en football féminin, connaît des turbulences dans ce début de championnat dont on ne sait pas exactement si elles sont dues à leur niveau ou si la raison revient à la qualité des oppositions : défaite face à Montpellier (0-5), face à l’Equipe de France des U20 (0-5), face au Fcf Juvisy Essonne à Bondoufle (6-0). On en est à 16 buts sans en marquer un seul.
Si l’intention n’est pas de juger le parcours, il était intéressant d’interviewer Philippe Hinschberger pour savoir ce qu’était la place d’une section féminine dans la Cour des Rois du football de la Ligue 1.
Le football féminin est-il Courtisan-e ? Aristocrat-e ? Ou simple roturièr-e ?
Le football féminin est encore à l’heure de la fraîcheur.
Lorsque Philippe Hinschberger parle du football féminin, il fait comme les autres. Le slogan est lancé : « C’est un football en plein essor. C’est quelque chose de rafraîchissant dans le football moderne. »
Je ne pense pas avoir vu quelque chose de rafraîchissant dans ce football, … c’est le moins que l’on puisse dire avec deux ruptures de contrats pour les sélectionneurs nationaux et des réseaux omniprésents qui nous ramènent au temps lointain des confréries de frères, là de sœurs qui ne dépareraient pas sur les vers d’un rappeur.
Pour autant, lorsqu’on le relance, sur le mot rafraîchissant, il précise « les filles arrivent avec un environnement moins compliqué. Le jeu se joue avec moins d’arrière-pensées, moins calculé quand même. C’est un football encore à l’heure de la fraîcheur. » Là, j’ai du mal. Je cherche mes mots. Comment aller plus loin pour dire des vérités sans blesser d’autres ?
Et puis la vérité tombe : « je ne regarde pas beaucoup de matches de football féminin. » Et là, je souffle. On est dans l’image. L’image du football féminin. C’est quand je l’interroge sur sa vision de coach de Ligue 1 que j’obtiens ses premières vraies réponses.
Pour les coachs de Ligue 1, les gardiennes sont les grandes différences.
Le propos est net. « Pour moi, il y a des différences fondamentales avec les garçons. Première différence : la gardienne. Je ne vois jamais de très bonnes gardiennes sur les matches que je vois. Cela manque de taille et de présence. Le reste, elles font comme les hommes ! » Le ton est respectueux. Les choses sont placées. D’accord, pas d’accord. On est dans la vision d’un coach. Il faut des vérités. C’est la sienne. Il continue sur sa lancée : « c’est un football intéressant. » Et quand je pousse pour parler du travail des coachs : « Je pense que c’est la même chose pour un coach de football féminin qu’avec les garçons. »
Je vais plus loin dans la conversation et lui demande si, à son avis, le BEPF (diplôme de coach professionnel) devrait intégrer un module spécifique « football féminin », en imaginant que le futur des diplômés pourraient passer par ce marché qui pourraient se professionnaliser si les clubs professionnels mettaient la barre à cette hauteur.
Je sais que je m’adresse à une personne qui fait partie du bureau de l’UNECATEF (syndicat des entraîneurs), qui a eu le courage et l’indépendance de démissionner de l’US Créteil plutôt que d’attendre une potentielle rupture de contrat et qui est resté une bonne année au chômage, constatant que les marchés d’emplois pour les coachs français n’étaient ni en Allemagne, Espagne, Angleterre mais plutôt dans des niches nouvelles : Chine, Asie, Moyen-Orient, Afrique.
« Pour l’instant, cela n’existe pas. Il y aurait pour moi deux directions : une première direction qui serait psychologique et mentale. Sur la personnalité, sur les traits de caractère, avec une femme c’est différent et il y a certainement quelque chose à faire par rapport à cela. Deuxièmement, c’est en terme de préparation athlétique. Les femmes sont différentes des garçons. Il y a moins de puissance mais il y a d’autres qualités qu’elles peuvent mettre en exergue. » A part ces deux-là, sur l’aspect du jeu, tactique et technique, je ne vois pas trop la différence. Le football c’est marquer des buts quand on a le ballon et c’est ne pas en prendre quand on n’a pas le ballon. C’est un petit peu la même affaire. «
Bon, on est face à un coach de Ligue 1 quand même. Préoccupé par son équipe, son équilibre, son alchimie. 25 ans de carrière en coach, 430 matches en D1, 74 buts, qui n’a jamais quitté le FC Metz en tant que joueur (15 ans). Deux Coupes de France (84 et 88) et une victoire historique à Barcelone (1-4) du FC Metz qui éliminait les espagnoles. Une 2CV avait renversé une Ferrari. C’était quasiment l’esprit de l’époque.
Les couleurs Grenats, il connait. Il n’est pas lorrain pour rien. Alors, il reste la question du résultat du Fc Metz actuellement ! Est-ce que c’est un problème pour le Club de Ligue 1 cette difficulté en D1F ? Une indifférence ? En plus, il est d’Algrange ..!!! Alors …
Un œil, pas tout le temps, mais un œil présent sur les féminines.
Vous êtes né à Algrange, je crois. « Je n’y ai jamais habité. Je suis monté directement à Metz. Pour les féminines, Algrange était monté en D1 et comme le club ne pouvait pas assumer financièrement cette montée, il a été crée le FC Metz-Algrange si je m’abuse, pour devenir maintenant, au bout de trois saisons, le FC Metz. » On ne peut pas dire qu’il ignore les féminines. D’autant plus qu’il a une fille sportive de haut niveau en athlétisme (100 mètres haies).
« On est monté ensemble et on voit que depuis le début de cette saison, c’est compliqué. Il faut se mettre au niveau. Je ne suis pas au courant dans le détail mais on voit souvent David Fanzel, avec qui j’ai joué et je sais que mon préparateur physique, travaillait avec les filles sous certains aspects (Hugo Cabouret passé par le PFC sous Mboma et l’USCL). Nous sommes bien dans un club professionnel. Il y a une certaine transversalité de compétences.
« On se croise avec David mais on n’a pas le temps. Vous savez, les coachs de Ligue 1, on est pris tout le temps. Le centre de formation, le coach de l’équipe réserve, les jeunes pros qui vont jouer en réserve ou ont des entraînements supplémentaires.
On a pas eu le temps de discuter avec précision du recrutement mais cela viendra certainement. Viendra le moment de la discussion. Qui recruter ? Pourquoi ? Avec quels moyens ? Et pour quelles finalités ?
Reste ma question. Comment un club de Ligue 1 vit le fait qu’en féminine, cela ne passe pas en D1 ? « L’équipe féminine du Fc Metz n’existe que depuis quelques années seulement. Elles sont descendues, elles sont remontées assez facilement (face à Arras +6 pts). Je ne me suis pas penché suffisamment sur les possibilités de recrutement que l’on a, les possibilités financières que l’on peut donner à cette équipe mais cela va venir. »
La réponse est là. La poche des féminines des clubs professionnels se remplira en vidant un peu plus celles des garçons. Laurent Nicollin (Président de Montpellier) ne nous disait pas autre chose la saison dernière. J’investis 1 million. C’est 1 million de ma poche. C’est beaucoup et cela devrait être à la fédération de le faire, car moi, des avantages, j’en ai aucun.
Position excessive quand on la regarde du côte féminin. Position pragmatique quand on l’examine du côté masculin.
C’est la problématique de la voie des clubs professionnels masculins. Ils investiront mais logiquement. Si elles doivent descendre, elles descendront. Si elles doivent se maintenir, elles se maintiendront. Tant que les clubs restent en D1F ou en D2F cela convient bien assez. A elles de faire leur résultat.
Il me vient alors l’idée : Et si la réponse c’était de mettre des coachs de renoms en D1F qui n’accepteraient pas de coacher des équipes trop faibles ? Imposant alors des recrutements.
Est-ce qu’un entraineur professionnel de football masculin (BEPF) se verrait entraîner une équipe féminine avec une proposition intéressante ? « Cela peut-être une expérience. Olivier Echouafni l’a fait avec l’équipe de France. Cela dépend de l’équipe que l’on peut proposer. Sur un niveau élevé, avec les meilleures équipes de D1F, ce sont quand même des sportives de haut niveau et du sport de haut niveau. Il y a l’Europe. Cela peut-être une expérience très intéressante. Des réserves, j’en aurais sur le niveau, c’est tout. »
« Si on prend la période de Bruno Bini, ce qui prenait le pas si j’ai bien compris, c’était le groupe et les règles de vie. Ces choses qu’il a mise en place de manière accentuée. Est-ce que c’était volontaire par rapport aux femmes ? Est-ce qu’il ferait la même chose avec une équipe d’hommes ? C’est quelqu’un qui semblait attacher au fait que l’on est plus ensemble qu’avec tous les paramètres que l’on peut trouver au quotidien dans le jeu. A l’inverse, Philippe Bergerôo avec l’équipe de France, c’est quelqu’un qui a remis plutôt en place un fonctionnement de type masculin »
« Je ne sais pas trop mais cela serait certainement très intéressant de se plonger quelques jours dedans pour voir un petit peu comment cela réagit. Sur les aspects positifs comme négatifs que l’on peut trouver sur les entraînements et sur le jeu. »
Il y a de la nouveauté. Les coachs masculins professionnels dressent l’oreille. Il faut dire que Laurent Fournier s’était manifesté pour le PSG, (voir notre interview). Philippe Bergerôo a pris pendant 3 saisons l’équipe de France. Olivier Echouafni lui a succédé. mais les coachs de Ligue 1 ne viendront que pour les très grandes équipes.
Avant de se quitter, je souhaite échanger avec Philippe Hinschberger. C’est quand même une montée en L1 avec Metz, 25 ans de carrière. Un joueur de très haut niveau qui reconnait lui-même que ce n’est pas une crédibilité particulière pour devenir coach : Guy Roux et Gérard Houiller ayant bien réussi sans cela. Ma quête est là :
Quelle est la règle pour gagner, s’il en existe une ?
Le projet de jeu est essentiel ? « Sur le long terme, c’est ce que votre équipe doit faire globalement par rapport à ce que vous avez envie qu’elle fasse. Si vous avez un attaquant de deux mètres, vous pouvez jouer des longs ballons. » C’est la grande leçon que je retiendrais sur ce passage sur Terre. « le football, ce n’est pas que de la technique. C’est avant tout de la taille et de la vitesse. Des qualités athlétiques. »
« Il y a d’autres paramètres qui entrent en ligne de compte » continue le coach du FC Metz qui pointe à la 6è place de la L1 pour cette année de montée. « Il y a des matches où vous n’êtes pas dedans. D’autres où vous êtes très bon. Il y a les valeurs que l’on a voulu mettre en place autour de notre projet de jeu aussi. Les valeurs d’amitiés, de confrérie qui font que votre équipe va être plus forte et que vous ferez la différence sur un match ». Face au PSG par exemple : « nous aussi on aime bien le ballon, mais contre le PSG vous ne l’aurez pas. Alors, il faut bien utiliser autre chose. Il faut utiliser d’autres leviers. Bruno Bini, c’était le groupe. Il y a forcément un projet de jeu et des choses qui doivent entrer dedans, mais d’un match à l’autre, (il siffle), c’est très compliqué ! ».
Je termine en lui donnant mon opinion. C’est un fil de détails qui fait la victoire ou la défaite chez les gars. Une alchimie. Elle est là, tant mieux, il faut la préserver. Elle n’est plus là, il faut se retrousser les manches.
Philippe Hinschberger reprend :« c’est clair. Vous avez un adversaire, vous avez un arbitre, vous avez un public .. Entre ce que l’on voudrait voir et ce qui effectivement ressort, des fois, vous êtes aux antipodes. C’est pas tout le monde qui peut dire, comme le Bayern ou le PSG de l’an dernier : on entre sur le terrain et on a 60% de possession et on vous mettra trois buts. Barcelone, c’est trois matches sur quatre, ils en mettent trois jusqu’à six. »
Reste le jeu. Le plaisir c’est de prendre le bon joueur au bon moment et de s’apercevoir que l’on ne s’est pas trompé ?
Philippe Hinschberger : « Ca, c’est énorme ! ».
Le plaisir du coach. Commun aux deux footballs.
William Commegrain lesfeminines.fr
Le prochain match du FC Metz face à Rodez, à domicile, donnera une plus juste mesure. Les ruthénoises, présentes depuis maintenant sept saisons, ont réalisé deux matches nuls. Elles ont besoin de points. Elles viendront comme Saint-Etienne est allé aux Girondins de Bordeaux (autre club montant), avec un besoin de points. Cela s’est terminé par un 0-7 en faveur des amazones stéphanoises.
Il va falloir une performance des messines pour s’imposer. Leur premier vrai match de D1F