La Chine se prépare pour les JO en France.
Comme lors de sa préparation en France pour le tournoi qualificatif de la zone Asie, réussie avec le bonheur que l’on sait, et la seconde place prise au détriment du Japon, Bruno Bini a préparé son équipe pour les JO en Alsace, au même endroit qu’il avait choisi pour l’équipe de France des Jo de 2012 à Londres.
C’est en plein coeur du Ballon d’Alsace, là où les collines se baignent de forêts immenses donnant à l’oeil parisien le paysage oublié de la France du calme et de l’apaisement que l’équipe nationale de Chine, les Roses d’Aciers, se transforment en une ruche d’abeilles se préparant à aller chercher, chacune et toutes ensembles, le miel Olympique. Couleur Jaune. Celui de l’OR.
Les chinoises sont comme des abeilles, elles seront infatigables pour aller chercher la couleur Jaune du miel.
Il faut dire que les jeunes chinoises travaillent, sur ce stade de campagne, dans des conditions extraordinaires. Une pelouse à l’esprit alsacien, où on cherche le brin d’herbe récalcitrant et dont le célèbre « jardinier anglais du PSG », titulaire de la plus belle pelouse de L1 ne renierait en rien. La balle fuse sans qu’à un seul moment, elle ne se dévie de sa trajectoire rectiligne. Un billard.
Bruno Bini aime à s’entourer d’ami-es et Marilou Duringer-Eckert, ex-chef de délégation de l’EDF, venue passer la journée finira emportée par son émotion, devant le travail du groupe des Roses d’Aciers, regardée et applaudie par ces jeunes filles qui trouveront dans le coeur de cette dirigeante et femme du football, ce qui leur ressemble tant : le sens du mot féminin au verbe football. « J’ai les larmes aux yeux » soufflera-t-elle avant de partir.
Le matin est consacré à une opposition « onze-onze » décidée et organisée par les adjoints avec deux équipes qui mélangent les prochaines 18 sélectionnées et quatre remplaçantes qui connaîtront dimanche leur statut, impliquant que quatre autres rentreront en Chine quand les vingt deux choisies, s’envoleront pour Rio le 21, après l’opposition face au Canada du 20 à Charlety. « Je conserve tout le monde jusqu’au bout en cas de blessures » me dira Bruno « mais elles sauront demain qui partira ou ne partira pas aux JO ».
Dès qu’une équipe a le ballon, c’est un essaim de voix et d’intentions qui partent à gauche ou à droite, dans une volonté de profondeur, vers le but et qui déclenche, dans l’équipe adverse, les mêmes mouvements avec des intentions contraires : « récupérer ce ballon ». Alors, quand une ligne se déchire, on assiste à une attaque en règle et toutes les filles se proposent, dans un alignement réfléchi, pour n’avoir qu’une seule intention, non pas individuelle mais collective. « Que la balle aille dans la surface adverse et qu’on tire pour marquer ».
Les chinoises jouent très vite ensemble.
Collée et impliquée dans cet ADN collectif, les joueuses apportent chacune leurs qualités et on verra pour celui qui aime le jeu technique, un pied gauche incroyable de spontanéité ; la plus expérimentée dans un jeu de pivot, d’appui et de soutien de qualité ; une vivacité des excentrées qui cherchent à perforer ; des sentinelles qui ont acquit l’instinct de « faire tourner le jeu » et une défense qui trône à plus d’1m86, joueuses et gardiennes comprises. Une sensation vient vite à l’esprit : « la vitesse« . La vitesse dans le jeu, la vitesse dans la prise de décision. Ces filles aiment aller vite. Comme des abeilles. Vers le miel.
Après une heure trente d’opposition qui a vu l’équipe d’Eric Garcin l’emporter sur son homologue chinois (2-0), on comprend la réserve du « frenchman » car les filles se donnent à fond et justifient pleinement de leur « nickname » les Roses d’Aciers. Une, deux, trois, quatre, se roulent sur des duels. Fracassées. Puis se relèvent. Jamais les mêmes. Toutes avec la même intention. « Ce ballon, je veux ce ballon ».
Un lieu de villégiature unique en qualité et sérénité.
Le repos se fait dans un cadre idyllique. Quelque chose d’inattendu. Là, dans des chemins de traverse, le car se perd à l’oeil humain pour aller dans un havre de paix secret, suivre les raies de lumière de cette journée ensoleillée qui transpercent les feuilles des arbres centenaires et donnent à cette route, la lumière de la différence pour nous faire découvrir un écrin, « Les Violettes ». Un immense quatre étoiles, 1000 m2 de spa. Seul au Monde. Face à la Nature. Le Koh Lanta du Luxe et du dépaysement.
Partagé. Par une congrégation. Une église orthodoxe pointe son clocher à quelques pas. Majestueuse. Silencieuse. Ce toit en arabesque et cette boule dorée qui pointe au ciel. Dorée, couleur jaune. Couleur de l’Or. Il suffit d’un rien pour y aller. Et les quelques pas qui vous y amènent vous montre la folie des hommes. Elle est immense en plein coeur de cette forêt et le silence, les portes fermées, les huis et les symboles usités montrent qu’elle est réalité. Une congrégation y pense, y vit. C’est le lieu de l’esprit et celui de l’Âme pour ceux qui y croient. Ouverte, de temps en temps, aux aventuriers humains. Sur le Chemin de Compostelle.
Pris par le chemin des douze stations de Jésus que j’ai décidé dé découvrir, j’entends l’appel de Bruno qui me dit : « 15h00, on part ». Je maudis cette dernière montée, heureux d’être là à une portée de vue du car, deux minutes en avance quand je vois un défilé de joueuses en rouge et noirs entrer sous les rires dans cet engin du diable. Il est 15h00 et elles ne sont pas en retard ! Il ne me reste plus qu’à courir sur ce 45° de pente et à maudire les différences culturelles qui ne tiennent pas compte de nos différences ! « Pourtant, j’étais là à 9h00 pile ce matin. Juste avant le car. » Voilà ce à quoi je pense », en prenant le volant.
Un travail sur l’offensif et une gestion technique des performances.
L’après-midi est consacrée à un exercice offensif spécifique. Le travail devant le but.
Quatre équipes s’opposent en deux confrontations croisées pour au final, trouver une équipe gagnante qui posera pour la photo. La Coupe gagnée ce matin par une des deux équipes ne sera remise en jeu que Lundi, dans une opposition « hardue » annonce Bruno afin que le petit club de Promotion d’Excellence qui les accueille puisse faire une « entrée payante ». Ils attendent un petit millier de spectateurs.
Les joueuses s’exercent à des mouvements offensifs croisés, qui mettent en musique trois joueuses pour finir par un tir d’environ seize mètres de distance. Quatre équipes. Quatre gardiennes. Le terrain partagé en deux. Vingt-six joueuses et deux, légèrement blessées qui font du gainage « CR7 » à côté.
Coup de sifflet, c’est parti. La ruche s’active et toutes les abeilles se mettent en mouvement, sans s’arrêter. Ca tire, Ca tire. Chacune a dû tirer 10 fois pour chaque opposition. Deux oppositions. 20 fois. 26 joueuses. 520 tirs. En deux fois trente minutes. Des cris quand le tir entre. De la rage quand le tir sort. Une ruche offensive qui bourdonne. Les joueuses se croisent. La difficulté des déplacements, l’ordonnancement nécessaire, la rapidité du jeu et de l’exercice, l’état d’esprit de la compétition des Roses d’Aciers, tout cela transforme le jeu en symphonie. Comme une musique. Il monte en puissance. Pour autant, rien ne se détracte. Elles se mettent au niveau de son évolution et elles adorent cela.
Les gardiennes se sont partagées 520 tirs. 125 chacune. Avec le sourire. Il fait chaud. Les joueuses sont à la récupération. Dans des bacs de glace. Sur les marches. Le corps s’est exprimé. Il se repose. Elles sont bien, c’est un entraînement. Pascal, ami de Bruno, venu d’Orléans, pose la bonne question. Le bracelet qu’elles portent toutes. C’est un GPS qui nous donne toutes les indications sur leurs pulsations, temps à l’effort, kms courus. Un ordinateur s’active à proximité. Les premiers chiffres arrivent. Ils sont enregistrés.
Un état d’esprit qui monte graduellement vers les Jeux Olympiques.
Les Roses d’Aciers se préparent pour les Jeux Olympiques. Dans 3 semaines. Quand je poserais la question de son plus beau souvenir à la jeune milieu de terrain, Tan Ruyin, elle me dira : « la victoire face au Japon pour le Tournoi qualificatif aux JO ». Il faut dire que le Japon a été Champion du Monde en 2011, vice-champion Olympique en 2012, champion d’Asie en 2014, vice-champion du monde en 2015 .. et que toute cela, dans les années 90-2000, c’était le patrimoine de la Chine. Alors éliminer le Japon, 4è mondial, chez eux alors que la Chine pointait à la 17è place. C’est une sacré performance.
Puis Bruno demande à la joueuse la plus expérimentée de se prêter au jeu de mes questions. Ma Xiaoxu. Elle confirme, avec son expérience. « Nous n’avons pas peur », même face aux meilleures du Monde, sans pour autant rappeler la victoire aux USA qui avait mis fin à onze d’années d’invincibilité et sur laquelle toutes les équipes du monde s’étaient cassées les dents. « Nous n’avons pas peur », comme une phrase sortie d’un personnage de film ou de Viking. Comme aurait pu le dire les islandais dans leur parcours. « Nous n’avons pas peur » car c’est ainsi.
Et puis, le regard franc et sans que cela ne soit autre chose qu’une réalité : « J’ai joué contre ces deux équipes. le Brésil et la Suède sont moins fortes qu’avant. »
Je ne sais pas parler le Chinois mais qui sait écouter la Chine peut la comprendre. Alors que nous cherchons l’émotion individuelle pour anticiper et comprendre, la Chine fait appel au collectif et à la masse pour agir. Daniel, qui me traduira, restera songeur quand je lui dirais que la Chine est devenue 1ère nation mondiale aux JO avec les médailles d’Or à Pekin en 2008 (seconde en 2012). La jeune milieu de terrain Tan Ruyin parlera de la victoire pour la « Chine et l’Etat ». L’attaquante, Ma Xiaoxu dira : « notre victoire est pour les autres« .
Les joueuses qui joueront face à la Chine joueront contre 1 milliard 600 millions de personnes. La joueuse chinoise est l’expression de ce milliard. Elle le sait et elle a une volonté ancrée au fond d’elle. Faire du mieux et au mieux pour respecter cette chance qu’elle a de représenter ce Monde auquel elle appartient.
Elles sont proches des Abeilles. Beaucoup de symboles les accompagnent.
La Chine est bien une ruche. Naturelle. D’abeilles. Qui a un objectif : le miel. Couleur jaune. Couleur de l’OR. Cette couleur qui s’impose à chaque regard quand, des chambres de l’Hôtel, surplombe, seule dans le ciel, au-dessus du fait des arbres : l’Or de la boule typique qui orne les églises orthodoxes.
Bruno Bini, accoudé à la rambarde du stade, finira notre interview avec ses mots : « puisqu’on est supposé être moins bons que les autres, alors on travaille plus. » L’objectif, c’est toujours 2019 ?. La réponse fusera : « Demain est un menteur. C’est Aujourd’hui qui est important. L’équipe que j’ai constitué, c’est pour les Jeux ». Mon objectif ? « Le top 8, au minimum, les quarts et plus si affinités.«
Dans le ciel bleu d’Alsace, soudain, pendant l’exercice, je vois un vol de deux cigognes qui survolent le terrain où jouent les Roses d’Aciers. Un vol long, tourbillonnant. Elles sont éclatantes dans ce ciel bleu. Et seules. Puis elles se posent. Un peu plus loin.
Les cigognes, en Alsace. C’est un signe de bonheur et de chance quand elles planent au-dessus de vos têtes. Dans l’imagerie populaire, elles représentaient celles qui apportaient le bébé naissant dans leurs becs. Source de bonheur pour une famille qui se constituait. A cette époque, on ne savait qu’au dernier moment, si c’était une fille ou un garçon.
C’est pas rien comme signe. Hier, au-dessus des Roses d’Aciers, qu’avaient-elles dans leur bec ?
William Commegrain lesfeminines.fr
Série 2/2 : ITW de deux joueuses chinoises et de Bruno Bini.