Le championnat de France réserve des duels impitoyables entre la 5ème place et le premier « futur » relégué. Lors de la dernière journée, Solène Barbance a assommé Saint-Etienne avec un but à la 89′. (1-0 pour Rodez). C’est un autre championnat encore plus intéressant. Celui des clubs de la 5ème à la 10ème place, qui en fin de saison, ne sont séparés que de quatre points. Si la prochaine journée va mettre en avant l’opposition entre le Paris Saint Germain et Montpellier Hsc qui vient au Camp des Loges pour confirmer ou infirmer son excellent début de saison avec sa deuxième place acquise à la différence de buts .. Il est très révélateur d’entrer dans le monde de cet autre championnat, fait de joueuses de talents, souvent pris par d’autres environnements.
A cet égard, je me suis intéressé à la réalité ressentie par une joueuse de ces clubs qui, chaque dimanche, joue en sachant que certaines affiches sont essentielles à leur survie. Quel était le club le plus adéquat pour mettre en valeur cet état d’esprit que celui de Rodez (sixième saison en D1) ? Quelle autre joueuse que Solène Barbance pouvait être à même de nous faire vivre sa trajectoire, elle qui à 24 ans (depuis peu), après avoir connu beaucoup de clubs et les sélections françaises en jeune (championne d’Europe en 2010), joue ce championnat en y étant ambitieuse et heureuse.
Voyage au cœur de la performance et du double projet.
Bonjour Solène Barbance, vous avez fait beaucoup de clubs.
C’est vrai j’en ai fait pas mal et ce n’était pas forcément un choix de ma part, plusieurs fois je n’ai pas eu le choix en fait. J’ai débuté chez les petits pendant quatre ans où j’ai fait mes premiers pas après j’ai rejoint le RAF où j’ai joué pendant 8 ans (5 ans avec les garçons et 3 ans avec les filles) et j’étais en même temps à Clairefontaine dans le centre de formation et donc à la suite de la sortie de mon centre de formation, j’avais envie de jouer en D1 je suis allée au TFC où j’ai joué 1 an et demi tout en me blessant au genou.
Après ils sont descendus en D2, et donc plusieurs clubs m’ont appelé et j’ai fait le choix du PSG pour avant tout un choix médical car je savais que là-bas j’aurais les soins que je souhaitais. L’année a été un petit peu compliquée et je me suis rendu compte que ce n’était pas quelque chose qui me correspondait. Comme je terminais ma licence à Paris, j’ai choisi de partir à l’étranger en Irlande car je voulais apprendre l’anglais et parce que le club où j’allais aller avait joué en Ligue des Champions face à Paris et je savais que le niveau était intéressant malgré ce que l’on pouvait en dire.
Ce qui m’a mis dans la difficulté. Muret ne pouvant pas me proposer de contrats en D1 j’ai du partir et le seul club qui était à proximité, et qui pouvait me correspondre en jouant au football tout en continuant mon Master à Toulouse et en jouant une place intéressante en D2, c’était Albi.
L’année en D2 s’est bien passée. Puis l’année en D1 s’est moins bien passée avec un désaccord avec le coach et quelques joueuses, donc j’ai rejoué à Toulouse pour terminer mon master 2 et je n’avais pas le choix non plus, car je ne pouvais pas jouer deux fois dans la même saison en D1, et suite à cela j’ai rejoint cette année le RAF et j’y suis très bien.
Vous êtes spécialistes en droit des joueuses (rires). A chaque fois vous avez eu un obstacle, une contrainte liée à des règlements. Vous faites Master 1 et Master 2 en quoi ?
En management des organisations sportives, j’ai terminé et j’ai ma soutenance cette semaine.
Vous êtes l’exemple type d’une joueuse qui a des qualités et qui essaie de faire son double projet en tirant partie de la situation du football et du haut niveau. Vous allez en Irlande, vous bougez, vous vous adaptez, quel sentiment vous donne ce parcours là ?
Je n’y vois pas de côté négatif car cela m’a permis de me promener un petit peu partout, que ce soit à l’étranger ou dans plusieurs endroits en France, à Paris ou dans le Sud Ouest. Après cela ne m’a pas amusé d’aller deux mois à Muret et de rester très peu en D1, je n’ai pas vraiment eu le choix soit à cause de règlements soit en raison de gens qui ne correspondaient pas à mes valeurs après ce sont des expériences intéressantes surtout l’Irlande que je ne regrette pas du tout. Notamment apprendre l’anglais était super important pour moi et arrivée en master 2 cela a fait une différence sur mes notes et cela me permet de pouvoir écrire sur un CV que je suis bilingue.
On s’aperçoit que le football peut se marier avec les études de haut niveau à partir du moment où on s’adapte aux situations.
Voilà, j’ai toujours dit que ce n’est qu’une question d’organisation.
Quand je vous écoute, je vois que le cœur de votre détermination c’est la D1. A chaque fois, vous essayer de revenir en D1. Quand on est à Clairefontaine, et que l’on fait partie des meilleures joueuses de France, cela n’a pas l’air d’être aussi facile que de pouvoir continuer au même niveau. Les clubs ne proposent pas ou les places sont prises. J’ai un peu le sentiment qu’en football féminin, il n’y a pas beaucoup de concurrence dans les clubs. Qu’en pensez-vous ?
Quand il y a une jeune fille qui fait partie des quinze meilleures joueuses françaises sur 3 ans, on devrait la voir quatre ans plus tard en équipe de France. Or, cela arrive très rarement.
Les propositions ne sont pas si nombreuses non plus. Pour changer faut-il qu’il y ait un cadre qui soit favorable. Or à part le PSG, l’Olympique Lyonnais et Montpellier personne ne propose de situations qui permettent à une fille de dire : je mets en balance mes dix ans de vie professionnelle, mais en face j’ai un salaire conséquent.
Quand on est sur un terrain, qu’on a le parcours que vous avez et vous avez fait partie des meilleures joueuses françaises en étant à Clairefontaine (Pôle France), et qu’on est face à une équipe comme le PSG (5-0 face à Rodez lors de la J2). Quelle différence on voit ? Comment on s’évalue ? On a le sentiment que vous ne pouvez rien faire mais je suis sûr que sur le terrain, les sensations sont différentes.
Sur ce match, on a réussi à sortir proprement, à jouer au ballon sans fermer le jeu, sans renvoyer pour se prendre des vagues. On a essayé de faire des actions construites.
Cela à même tenu pendant 30 minutes. S’il n’y avait pas eu le pénalty peut-être que cela tenait jusqu’à la 42’ ou quelque chose comme cela.
(Reprenant de plus belle). En plus on perd notre numéro 6 qui se blesse et cela gâche un peu tout. Notre entraîneur nous faisait remarquer qu’en 60 minutes on n’avait pas pris de buts. On prend les buts dans les derniers quarts d’heure de jeu de chaque mi-temps.
Pour revenir sur vous, à un moment donné vous avez fait une belle transversale pour construire un contre sur votre milieu excentrée gauche. Elle avait l’occasion, mais elle était en bout de course et Jessica Haoura a réussi à revenir pour lui boucher l’angle. Elle n’en pouvait plus. Elle ne pouvait pas réussir cette action et revenir.
Ce qui est compliqué, c’est que l’on passe notre temps à défendre. On est dans les 30-40 derniers mètres de notre but et quand il y a une contre attaque à mener et que l’on a donné beaucoup d’énergies à défendre ; c’est compliqué d’apporter en plus l’apport offensif et d’arriver devant le but pour la mettre au fond.
Bien sûr, c’est très difficile. Je reviens vers les sensations positives face à de telles équipes. Le dribble, le contre. Vous pensez que c’est la seule sensation positive que l’on peut avoir car vous pensez que collectivement c’est impossible de battre des équipes comme le PSG, Lyon, Juvisy ou Montpellier maintenant car elles s’entrainent tous les jours. Avez-vous d’autres sensations positives ?
On sait très bien que dans ce genre de match, on va passer notre temps à courir et à essayer de récupérer le ballon tant bien que mal. L’exploit est toujours possible. On voit qu’en coupe de France, il y a des petites équipes qui arrivent à battre des D1 (C’est rare en football féminin). Ponctuellement on peut arriver à accrocher Juvisy comme Montpellier l’année dernière, mais Montpellier cette année, le PSG et Lyon, à un moment donné, il faut bien rêver mais il faut être réaliste derrière, c’est très très compliqué.
C’est trop compliqué car physiquement, les féminines ne sont pas encore capables d’être dominées et d’apporter le contre qui tue quatre ou cinq fois dans une partie comme chez les garçons où à tout moment, cela peut arriver. Elles n’ont pas encore le coffre.
Après je ne sais pas si c’est bien de comparer par rapport aux gars. C’’est quand même rare qu’une équipe inférieure, chez les garçons puissent autant subir que nous face à des grosses équipes. Donc ils leur restent plus d’énergies. Ce n’est pas comparable.
Vous avez raison. c’est pourquoi on voit que les matches ont du mal à se retourner chez les féminines. Quand vous marquez, souvent vous enclenchez ensuite. On voit bien que l’idéal c’est d’être en D1 mais cette D1 est extrémement difficile pour le ventre mou du championnat. Rodez en est à sa 6ème saison, Saint-Etienne plus, puis tout les autres sont descendues pour remonter ou apparaissent ponctuellement. C’est difficile de se maintenir.
C’est un championnat a deux vitesses. Il y a plus ou moins le quatuor de tête qui est plus ou moins figé et après entre le 5ème et le premier relégable, cela se joue .. à quatre points, à rien. Une victoire de plus ou un match nul de plus c’est ce qui va vous faire passer de 10ème à 5ème.
Cela doit être très motivant ?
Ca c’est le bonheur de marquer à la 89’, j’imagine. Qu’est ce qu’il y a de mieux que de marquer pour son équipe à la 89’. (Rodez Saint-Etienne, 1-0, but de Solène Barbance à la 89′). C’est d’abord du sport, du plaisir, et donner une victoire à son équipe quand il en faut 7 à la 89’. Cela vous fait vivre pendant trois ou quatre matches cette histoire.
Après on ne veut pas s’arrêter là parce qu’on a un très gros mois de Septembre car on va à la Roche et on reçoit Albi et ce sont des matches qui sont très très importants pour nous et pour la confiance face à des concurrents directs au maintien. Il faut absolument que l’on prenne des points sur ces matches là. Saint-Etienne on sait que cela pouvait basculer d’un côté comme de l’autre et marquer à la fin, c’est à l’image de Rodez, de cette équipe, qui est capable jusqu’au bout de transformer un match et d ‘offrir un dénouement heureux.
On peut très bien gagner à l’extérieur comme à domicile en football féminin. Pourtant, il y a toujours des passionnés autour du stade, mais cela ne joue pas trop. Il sont objectifs.
Et quand on est à l’extérieur, il n’y a pas notre public mais à la fois, celui du club qui reçoit, n’est pas contre nous non plus. Donc finalement, si on est meilleur, on peut avoir le public avec nous.
Le public du football féminin est plutôt objectif. C’est particulier au football féminin et c’est tant mieux. Vous avez 24 ans, vous êtes jeune, C’est quoi votre futur ? Là, vous avez votre maitrise, M2, vous avez votre oral et je vous souhaite le meilleur, c’est quoi votre futur ? Vous imaginez quoi ?
Honnetement, je me suis souvent projété et cela m’a souvent fait défaut. Aujourd’hui, je vais me concentrer sur les bonnes performances avec Rodez et ensuite « qui vivra verra ». Si les performances sont bonnes et que tout va bien je serais ravie de pouvoir porter le maillot de l’équipe de France. Après, voilà je pense que cela passe par beaucoup de travail et puis des bonnes performances avec Rodez.
Cela veut dire que le rêve d’une joueuse de D1, c’est d’être appelé en sélection ?
Oui, je pense que toute joueuse qui est un minimum compétitrice qui a envie de réussir dans le football féminin, pense forcément à l’équipe de France.
Mais Il n’y a pas assez d’équipes de France, pas assez de matches. Quand vous regardez, en club, vous n’échangez pas avec l’étranger. Sauf vous qui êtes allé à l’étranger pour voir ce qui se passe. Mais sinon, cela ne passe que par les sélections en équipes de France. Les joueuse de D1 française ne bougent pas de la région et de la France. C’est un peu frustrant. On a pas assez de matches internationaux ?
Cela bouge, cela fait découvrir des élèments nouveaux. Cela manque un peu dans le football féminin
L’équipe de France A bouge beaucoup. Elle fait pas mal de matches.
En dehors des A. les A c’est 23 joueuses, cela manque un peu. Il y aurait les joueuses dans pas mal de pays pour le faire.
Une équipe de France U23 ou ce genre de choses, ce serait super et il y aurait moyen de faire quelque chose pour faciliter les échanges.
A titre professionnel ?
Pour l’instant, je vais travailler pour le RAF. Je vais continuer mes études et après qui vivra verra. Je ne me pose pas trop de questions, j’ai mon Master. C’est ce que je voulais. Voilà, je prends de l’expérience, je continue à faire ce que je fais et on verra.
Au final, 24 ans, Master 2, un job, des maillots de l’équipe de France en jeune, en B, vous jouez en D1. C’est que du bonheur !?
Cela veut dire que vous pourriez être sollicité par un plus grand club ?
Je pense que c’est au mérité. Je ne ferme jamais les portes. Voilà. Pourquoi pas ?
Maintenant que l’essentiel est fait. Que vous avez construit votre petite maison personnelle avec vos diplômes, que vous avez envie d’avoir des sensations au football et au plus haut niveau. Avez-vous un exemple de joueuses ? un parcours que vous voudriez avoir. Est-ce que les filles ont des exemples de joueuses comme cela.
Je pense que mon parcours est super atypique. Trouver le même est super compliqué.
Sans avoir le même. Un parcours
Un salaire de 10.000 euros à 18 ans, ce n’est pas ce qui m’a intéressé. Car je pense que la fille qui a cela, si à 24 ans elle se blesse gravement et elle ne revient pas. Elle aura vécu de très belles années mais après il faut aller à l’école. Retourner à l’école quand on sort du bac à 25 ans, c’est trop dur. Pour moi, c’est inenvisageable.
Sabrina Delannoy l’a fait.
Voilà par exemple, c’est quelqu’un qui le mérite beaucoup. Qui a des valeurs et que j‘apprécie beaucoup.
Elle l’a fait en étant professionnelle. Pour les voir souvent jouer, elles se sont transformées en étant professionnelles.
Cela change la vie. La seule chose que tu as à faire c’est d’aller jouer au foot. La récupération est idéale.
Elles se sont aussi transformées sur les niveaux, tactique, physique et psychologique. Dans l’exigence. Quand vous regardez le PSG, il n’y en a pas beaucoup qui sont restées trois ans après.
Sabrina Delannoy, Laure Boulleau et Jessica Houara. Cela ne fait pas beaucoup sur un groupe de 17-18. Sur une bonne vingtaine.
Merci beaucoup. Beaucoup de réussites professionnelles et sportives. Le maintien en D1. Le tout en français et pour l’anglais, « Bye-Bye ». Voyez mon niveau ! (Éclats de rires)
William Commegrain lesfeminines.fr