Interview exclusif de Bernd Schröder, coach du FFC Turbine Potsdam depuis 1971 .. et qui a 72 ans, prépare sa dernière saison à la tête du club de l’ex-Allemagne de l’Est, qui a gagné une Champions League en 2005, finaliste en 2006 et à nouveau vainqueur en 2010 face à l’Olympique Lyonnais, pour redevenir finaliste en 2011 face au même adversaire, et voir l’olympique Lyonnais remporter son premier titre européen.
Comparé à Uli Hoeness (ancien grand joueur, Président du Bayern de Munich) et sa verve directe, appelé Outre-Rhin le « Bud Spencer » du football féminin pour son physique, l’Ours allemand, ancien gardien de but, épisodiquement sélectionneur de l’ancienne Allemagne de l’Est, berceau allemand du football féminin, possède dans les yeux et le visage, le livre de la Vie, la sienne, celle des Autres, de toutes les féminines qui sont passées à Potsdam, souvent des connues, voire des très connues.
Cet homme sait des choses. Dans le football féminin, ils sont rares et se respectent.
Gerd pour les féminines. En Ligue des champions, Turbine Potsdam a plusieurs fois joué contre des équipes françaises. Quelles ont été vos impressions ?
Bernd Schröder : Nous avons joué des matches de qualités différentes portés par nos succès contre Lyon et contre Juvisy. On a remarqué qu’il y a deux philosophies bien différentes au sein de ces clubs.
Juvisy étant plus proche de nos idées, tandis que Lyon était déjà porté par le grand club masculin de l’Olympique Lyonnais qui a développé une toute autre philosophie.
Lyon a vécu ces grands événements de la Finale de la Ligue des Champions en 2010 comme en 2011. A ce moment là, on a vu que les équipes de pointe en France étaient capables de tenir le coup contre chaque équipe allemande, bien que cela différait selon la saison, la forme du moment, mais je pense qu’avant, on n’avait pratiquement rien entendu des clubs français en ce qui concerne le foot féminin.
Cela a changé avec les matchs de Turbine Potsdam contre Juvisy et contre Lyon.
Q. : Les féminines. L’été dernier a eu lieu à Potsdam un match amical contre le FCF Juvisy, avec un match nul. Est-ce que vous préférez jouer contre des équipes françaises?
Turbine a déjà joué contre Malmö et Rosengard, comme contre beaucoup d’autres équipes européennes, notamment aussi contre des équipes de l’Europe de l’Est et je crois que l’on peut dire qu’en France, porté par les succès du foot masculin, on a développé pendant des années une certaine façon de jouer qui est intéressante pour nous.
En plus il est important de voir où nous sommes, où nous devons encore nous développer et pour cela actuellement ce sont les équipes françaises à qui on doit se mesurer.
Q. : En France il y a beaucoup de gens qui attendent qu’après la Coupe du Monde en 2011, les Jo en 2012 et l’Euro en 2013, l’équipe tricolore va enfin devenir championne du monde. Comment voyez-vous les chances de l’équipe de France au Canada ?
Je pense que pendant ces dernières années et notamment pendant les deux dernières années, l’équipe de France s’est bien développé et s’est approché des meilleures équipes du monde.
Q. : Quel rôle jouera le fait de jouer sur synthétique ?
En premier lieu, cela sera un changement pour les équipes qui ne connaissent pas bien le synthétique.
Pour les autres équipes venant par exemple de l’Australie, de la Thaïlande ou de la Corée du Sud, cela pourrait leur poser des problèmes, tout simplement parce que dans leurs pays elles n’ont pas tant de possibilités de jouer sur un gazon synthétique. Je crois que le synthétique pourrait être un avantage pour les équipes européennes.
Q. : Au Canada il y a parmi les 23 joueuses allemandes, 3 joueuses qui évoluent actuellement à Potsdam. Cinq autres joueuses ont lors de leur carrière déjà joué pour Potsdam. Comment voyez-vous le fait que Potsdam ait contribué au succès du foot féminin allemand ?
Depuis des années nous avons le fait d‘avoir un nombre important de très bonnes internationales qui jouent pour Potsdam. Si Lira Alushi (Bajramaij) ne manquait pas (maternité), cela aurait été une joueuse de plus.
Turbine a six ou sept joueuses qui participent à l‘Euro U17 féminin, trois joueuses qui participent à l‘Euro U19, lors de la coupe du Monde U20 au Canada en 2014, il y avait aussi trois joueuses de Potsdam. Je crois que pendant des décennies notre club a contribué énormément au développement du foot féminin.
Q. : Cinq joueuses allemandes ont évolué au Paris Saint Germain lors du dernier championnat. Est-ce que vous croyez qu’il y aura encore d’autres qui suivront ?
Il y a des motivations très différentes pour que des joueuses quittent l’Allemagne et évoluent dans d’autres clubs. Nous savons qu’il y a, en ce qui concerne Lyon ou le PSG, des raisons différentes qui incitent les joueuses à jouer pour un des ces deux clubs. Les permières auprès du Paris Saint Germain étaient Linda Bresonik et Annike Krahn.
Au début on ne savait pas comment cela allait se développer. A un moment quand les premières joueuses vont dans des clubs qui ont du succès on ne peut pas empêcher qu’il y en ait bien d’autres qui suivront, tout comme le foot masculin.
On sait que les clubs français, pendant ces dernières années, étaient toujours parmi ceux qui ont joué en première position dans la Ligue des Champions, et on veut naturellement évoluer vers une équipe de pointe où il y a d’autres très bonnes joueuses.
Mais je crois que cela va se régler d’une façon d’une autre, parce qu’il y aura aussi des joueuses qui reviendront et qui diront : « Ce n’était pas comme je l’avais imaginé ». Cela va se régler, il y aura une sorte d’équilibre, comme dans le foot masculin. Ce qui m’étonne un peu, c’est que c’est seulement maintenant qu’il y a des joueuses qui viennent de la ligue française pour jouer en Bundesliga, car à mon avis la Bundesliga est en somme plus forte que la ligue française.
En France on a deux ou trois équipes, en Allemagne il y a un nombre plus élevé d’équipes de qualité. Lara Dickenmann qui évoluera à Wolfsburg n’est pas une joueuse de nationalité française. Le problème : « Où sont les joueuses françaises qui décideront de jouer en Bundesliga ». Nous ici, on aimerait bien d’en avoir quelques-unes.
En 2005 ou 2004 nous avions ici à Potsdam un tournoi de l’UEFA, j’ai vu Sonia Bompastor jouer. Depuis, j’ai beaucoup apprécié son jeu, son club était Montpellier, c’était peu avant qu’elle ne soit allée aux États-Unis. Lors de ce tournoi elle a attiré mon attention et depuis j’ai attentivement suivi sa carrière mais je crois qu’elle ne voulait pas venir en Allemagne. Quelles étaient les raisons ?
Q. : Avant la Coupe du Monde de 2011, en Allemagne vous avez dit que le Japon était favori et vous avez eu raison? Qui est maintenant votre favori ?
En ce qui conçerne le Japon, on a vu leur développement avant la Coupe du Monde en 2011. Nous avions ici à Potsdam une joueuse japonaise (Nagasato, maintenant Ogimi), qui nous a montré comment on jouait le foot au Japon.
Entre ces trois se décidera la Coupe du Monde, je ne crois pas que cela sera une autre équipe, le Canada ou d’autres qui remportera la Coupe. Elles sont trop loin de la situation. Il n’y aura pas d’équipes surprise, comme on aurait pu voir cela ces dernières années.
Pour moi l’Allemagne, la France et les États-Unis sont les favoris absolus, les autres équipes comme la Suède, la Norvège actuellement étant trop inconstante.
Q. : Comment allez-vous passer les semaines de la Coupe du Monde? Allez-vous regarder tous les matchs?
Mmh, c’est difficile. On aurait pu voyager au Canada, mais je préfère regarder les matches en tranquillité à la télé, il y a moins de bavardages, il n’y a personne qui coupe la parole et on peut aussi prendre un verre de vin rouge, de vin français peut-être. On peut regarder avec beaucoup plus d’intensité et d‘attention.
Lors de la Coupe du Monde il y aura aussi des résultats contre des équipes outsiders comme on l’a connu au cours de la Ligue des Champions, où on se demande, si c’est vraiment nécessaire.
Monsieur Schröder, Merci beaucoup pour l‘interview
Gerd et William Commegrain pour lesfeminines.fr