L’agence française de Lutte contre le Dopage
Nul ne contestera l’efficacité et la nécessité de l’Agence Française de Lutte Contre le Dopage (AFLD). La France a été au cœur de ce sujet avec les affaires du cyclisme qui ont fait le tour de la planète sportive. Il n’existe pas un sport, pas une compétition nationale comme internationale qui ne puisse pas être concernée par le dopage et l’autorité Administrative indépendante créée récemment par l’État (2006) a toute légitimité pour recevoir les missions exclusives qui lui ont été déléguées : la prévention, l’établissement de règles, la vérification et la sanction contre le dopage.
C’est un fait acquit comme celui de son autorité d’aujourd’hui, qui est d’une bien autre dimension de celles des premiers pionniers de la lutte contre le dopage qu’ont pu être, par exemple, le Docteur De Mondenard qui dénonçait, quasiment seul, cette réalité sportive.
La régle demande maintenant une jurisprudence.
Il me semble qu’il est temps, dix ans après sa création, que la règle s’octroie un cadre adapté aux réalités des sportifs : une jurisprudence. C’est à dire un cadre adapté qui précise que dans telle situation, la règle ne s’adapte pas et que dans telle autre, au contraire, elle se doit de s’appliquer.
Le cas de Laure Boulleau me semble répondre à cette situation juridique. En effet, d’après le quotidien français « Le Monde » que l’on peut qualifier de source fiable, « l’ordonnance du Conseil d’État précise que la joueuse de football féminin du club du Paris Saint Germain aurait raté les contrôles du 29 mars 2013, du 25 février 2014 et du 10 juin 2014. »
D’après la même source, « L’entourage de la joueuse fait valoir que Laure Boulleau ne pouvait pas être à son domicile le 10 juin puisqu’elle était en Guyane avec l’équipe de France pour un match amical face au Brésil (disputé le 11 juin) ».
Il parait alors évident, pour tout justiciable, que la situation ne peut pas s’appliquer dans les termes prévus par la règle sans se poser la question d’une mise en conformité de la règle au regard des situations de fait. Là, un troisième contrôle, de nature, impossible.
Cela tombe sous le sens et on comprend mieux pourquoi Laure Boulleau, à aucun moment, ne s’est départie de son professionnalisme alors qu’elle était au courant du référé déposé par son Conseil devant le Conseil d’État du 3 Novembre, pour abus de pouvoir, rejeté au motif que le Conseil D’État ne peut intervenir sur les procédures internes dès lors qu’aucune sanction n’a encore été notifiée.
La jurisprudence est une nécessité du droit.
Le rôle de l’application du droit revient aux juges. Ce sont eux qui donne une consonance à la règle, qui lui donne une réalité, un sens civique, un sens social, le cadre dans lequel le plus grand nombre doit se reconnaître. Pour faire sienne, la règle. Pour faire sienne, la sanction.
Ils ont ce rôle « d’innovation sociale » qu’ils prennent dans tous les domaines du droit. J’ai par exemple, en mémoire la jurisprudence sur la personnalité juridique d’un enfant, encore dans le ventre de sa mère, au moment du décès de son père, soldat français en Afghanistan. Celui-ci, précautionneux, avait souscrit une assurance-vie avant son départ, dont le bénéficiaire était son enfant à naître. Malheureusement décédé dans une opération militaire, la veuve, responsable juridiquement de l’enfant, avait demandé pour le compte de l’enfant qui était né ensuite, le bénéfice de l’assurance à la compagnie qui le lui avait refusé au motif juridique légitime que : « la personnalité juridique d’une personne physique et donc ses droits, n’existe qu’à partir du moment où il est né, de plus vivant et viable ». L’enfant n’était pas né au moment du décès de son père, il n’avait donc pas de personnalité juridique et donc pas de droits à faire valoir.
Je pense qu’il est temps, comme dans d’autres domaines du droit, pour l’Agence Française de Lutte contre le Dopage -après un excellent travail dans un domaine qui était voué à des excès incroyables- qu’il soit mis en place une jurisprudence : séparer le bon grain de l’ivraie.
La jurisprudence est une nécessité sociale.
Car là, le défaut semblerait vouloir sanction. Quatre mois au minimum, plus au maximum. Pour les adaptes des calendriers, cela poserait la question du championnat voire de la Coupe du Monde. Pour les adeptes du juridique, cela pourrait poser la question de la faute d’un salarié à l’égard du PSG, de celle de Laure Boulleau à l’égard de ses sponsors. Des conséquences juridiques qui pourraient être lourdes. Ce n’est pas rien, c’est même loin d’être rien.
Le cas de Laure Boulleau, s’il s’agit d’elle, puisqu’officiellement aucun nom n’a été communiqué et c’est d’ailleurs tout à l’honneur des hommes de procédure, demande l’application d’une tolérance comme d’une jurisprudence.
L’information « à naître » c’est à dire connue et identifiée comme réelle et exacte plus tard, lui donnant un droit, suspensif de la sanction.
William Commegrain