EURO U19F. J’ai 18 ans, et aujourd’hui je suis LA REINE. Ce matin, je me réveille. Est-ce vrai ? Est-ce réelle ? J’ai un sentiment de plénitude. Pourtant, je ne me suis pas mariée. Rien de ce qui pourrait ressembler à ce que tant d’écrivains ont décrit. Racontés. Non, j’ai bien mes chaussures dans un coin. Je suis bien là.

C’est juste en me retournant que je la voie.

La Coupe des Championnes d’Europe est bien là. Ici. Dans ma chambre. Je ferme les yeux et soudain, je revois l’incroyable. Car cette finale a été incroyable ! C’est bien la première vérité qui me vient à l’esprit.

On a joué. On a commencé. Il faisait grand beau. On a terminé avec un terrain gorgé d’eau. Plus que gorgé d’eau. Noyé d’eau. Et pourtant, à aucun moment, on a pensé que l’ont jouait dans des conditions anormales.

C’est vrai. Je me souviens d’avoir vu Delphine tacler une joueuse espagnole. Elle a glissé sur cinq mètres. Elle ne s’arrêtait pas. La joueuse allait passer. Delphine a levé la jambe. La joueuse espagnole a roulé en criant. Elle n’avait pas mal. Elle a roulé parce que c’est la règle. Des gerbes d’eau partout.

Et toutes les joueuses, nous nous sommes replacées. Pas une pour parler. Nous, on était prête à faire la même chose. Estelle, sa soeur jumelle avait déjà le pied gauche prêt à partir. Elle est volcanique. Il ne faut pas la chercher trop longtemps. Estelle. D’ailleurs, en début de match, elle avait tellement de motivations qu’à chaque fois qu’elle touchait la balle, on croyait qu’elle allait envoyer un missile ! Comme Sissoko. Elles réinventaient le programme spatial.

Les espagnoles étaient pareilles. Prêtes à tout donner. On le sentait. Chacune essayait d’envoyer un message à l’autre. En défense, « n’essaie pas de me passer, je vais te faire voler ». En attaque, « si tu me rates, je marque et tu vas me rater ».

C’est vrai que maintenant que nous sommes Lundi. Tranquille dans la chambre. On a vécu un match incroyable. Unique. Intense. Jamais sûre de notre technique, de la balle. Avec un terrain qui arrêtait la balle comme un Louis de Funès de Saint-Tropez. Au sifflet et au garde à vous ! Et pourtant, à chaque fois, il fallait être sûre de soi. S’imposer à l’adversaire. Envoyer. Défendre. Attaquer.

A y repenser. Je suis encore fatiguée.

« Grace Geroyo, quel bonheur quand elle marque ». Là, quasiment seule. Je suis sûr qu’elle a dû se le répéter dix fois en une seconde.  » !! Je suis seule !! ». Théa m’a donné la balle. « Aie ! Pas se rater. Pas se rater. Pas se … BUUUTTTTTTTTT !!!!! « .

« M…, laissez-moi courir. Laissez moi exploser. C’est but ! « . Et puis, vite redescendre. Vite l’expérience. Vite la maturité. Celle que tu n’as pas encore quand tu joues avec les pros en D1. Mais que tu as vu en étant avec Elles. Là tu redescends. Tu profites de l’expérience donnée par le PSG. Tu profites de la dernière victoire en finale des U19 face à Lyon l’invincible.

Et là, tu commences à te remettre au travail.

Grace Geroyo aurait pu exploser, elle n’a pas explosé. Les autres l’ont vu. Elle leur a donné de la confiance.

Et puis les vestiaires. « Ces vestiaires ! ». Tu attends. Deux heures. C’est plus qu’une mi-temps ! C’est un match. Ils ont passé un film ou quoi ? Dehors il tonne, il pleut. Mille fois tu penses que c’est fini. Mille fois tu attends le verdict. Mille fois tu n’es plus là. Et soudain, l’incroyable arrive.

On joue.

Whaouooa ! Là, dans les cinq minutes ?

Whaouooa ! Oh, les footeux, on a des routines ! On va sur le terrain. On écoute de la musique. On palabre. Là, on joue. Pour une finale. Pas une finale de campagne. Un titre européen ! On peut la perdre. On peut la gagner. Tout le monde s’en fout. « On joue ». Il est 22h00. Et on va jouer.

Incroyable la force mentale qu’on a eu, pense la joueuse ! Comment c’est possible de ne pas avoir craqué ???

Et elle revoit la grande Marie-Antoinette Katoto ! La pression qu’elle a mis sur la défenseuse centrale. Elle ne l’a pas lâché d’un millimètre sur cette balle anodine. Et boum ! Elle te fait un petit pointu avec ses grandes jambes. La gardienne espagnole rate la balle. Se télescope avec la défenseuse centrale. Et Marie-Antoinette qui te fait trois contrôles pour être certaine que cette balle va entrer. Et boum. Elle marque !

Ca fait 2-0. Là, on est au Paradis. On est à 2-0. « Elles viennent de rater le péno pour égaliser et derrière on met un but 2-0 ! »

Aie. Le péno. Là, ça lui revient. Le péno. La balle d’égalisation ratée. La joueuse qui roule. Numéro 7. Bien dans la surface. Rien à dire. Un moment, elle a pensé. Peut-être que l’eau a caché les lignes. Elle se marre. Elle sourit. Ca fait du bien d’être « de mauvaise foi » quand on a gagné. Pas de conséquence. Une bonne petite mauvaise foi, cela vous donne le sourire.

Le péno. L’arbitre siffle le péno. Pour une faute involontaire d’Estelle. Ca y est. On a peur. Soudain, on sent le vent et la pluie. C’est vrai que ca souffle. Puis, on voit Mylène Chavas qui se met en mode « Yoga ». Un truc de fou. Elle demande à E.T. de revenir sur Terre où quoi ? Maison ? En plus, c’est la capitaine espagnole qui tire. Celle-là, elle a la gnac.

Ca part. Boum. Sur la gauche pour le tireur. Boum sur la droite pour Mylène. Arrêt. « Maison trouvée ! ». Quel arrêt !!!! Mon Dieu, quel arrêt ! On est toujours à 1-0.

Et c’est le combat. La balle est devenue un obus. Un coup à gauche, un coup à droite. On joue au tennis. Les pieds dans l’eau. La tête en apnée. Dégagez. Attaquez. Attaquez. Dégagez.

On en peut plus de ce jeu. On n’a pas fait le Pôle France pour rien. Les voilà, les heures d’entraînement pas prévus. Normalement, sous la pluie intense, on est dans les chambres. Tranquilles à l’INSEP ou ailleurs. Et voilà que les espagnoles marquent (2-1). 84′. C’est six minutes. C’est rien. Quand tu as tout donné. Chaque minute, c’est une heure de combat. Ca fait six heures. Ca fait beaucoup. Plus le temps additionnel. Les heures supplémentaires. « Oh, la Slovaquie. En France, c’est les 35 heures ! ». Elle se marre.

Voilà une bonne petite vérité française. Elle adore. Vive la France. Puis elle se souvient.

Là, personne n’a rigolé. 2-1, c’est pas la même que 2-0. Pas la même du tout. Elles se sont mises en mode « Warrior ». Pas celui du cinéma. Le leur. Le vrai. Les onze sur le terrain. Les 7 sur le banc de touche.

Elles se sont regardées. Pas une ne lâche. Pas une. Elles ont regardé les espagnoles. Elles nous confondent avec un taureau qu’elles voudraient occire. C’est clair. Elles ne lâcheront pas.

On a 18-19 ans. Et là, on joue notre émotion pour 20 ans. Envoyez la musique ! On est prête.

Puis la 92′. L’incroyable est là. Comment c’est possible de ne pas la mettre au fond ? Une balle sans personne. Les buts vides. Mylene est au sol. La balle est à trois mètres de la ligne de but. Un gamin la pousse. Une grand-mère la met. Un fauteuil roulant y arrive. Et elle, la capitaine espagnole, excellente joueuse, nous met un plat du pied qui part dans les étoiles !!! Pourtant, elle est la plus rapide à avoir suivi. C’est la 92′. La Balle d’égalisation.

Mais elle la met dans les étoiles !

La joueuse français se retourne dans son lit. Elle vient de se réveiller. « Jamais je ne voudrais vivre cela ! ». C’est une évidence. « Cours toujours pour que cela se fasse ». La prochaine fois, si c’est moi. Un pointu des familles. Celui de mon frère. Bien déchiré, mais bien au fond des filets.

Elle a une pensée pour Elle.

Puis, elle s’en fout. Elle est championne d’Europe. Elle a 17-18-19 ans. Elle se rend compte qu’elle a atteint un rêve. Ca fait drôle. Ca change rien. Et en même temps, elle est différente.

« Championne d’Europe quand tu as 17-18 ans. C’est comme être Président de la République ». C’est ce qu’elle se dit.

Une femme Présidente de la République. Elle se marre en pensant à Elle. Et pourquoi pas ! A 17-18 ans, c’est si bien les rêves.

Les françaises sont championnes d’Europe. A 18, à 18 ans. Rien pour le Monde. Tout pour Elles.

William Commegrain lesfeminines.fr.

PS : Elle ré-entend le coach espagnol. La vache. C’est du Johnny Halliday pendant 45′. Il arrête pas ! « Au moins, elle aura amélioré son Espagnol ». Elle a une pensée pour le sien. Gilles Eyquem. Calme, posé. Marrant.

C’est qu’il en a des médailles, le sien. 2013 avec l’OR européen. Bronze en 2014 au Mondial. Or en 2016 à l’Euro. La vache.

Et si on faisait l’Or Mondial en Novembre 2016 ! ?? Papouasie. S’il pleut. On est prête !