SALAIRES – Cinq joueuses de football féminin des Etats-Unis attaquent leur fédération américaine pour discrimination salariale. Il s’agit d’Hope Solo, Megan Rapinoe, Carli Lloyd (meilleure joueuse FIFA 2015), Alex Morgan (star américaine) et Becky Sauerbrunn. Cinq joueuses qui attaquent et toutes qui suivent, à voir le RT du message « Equal Play. Equal Pay ».

Le cabinet américain qui défend leurs intérêts Winston & Strawn a déposé le dossier devant une structure gouvernementale la Commission pour l’égalité d’accès à l’emploi (EEOC) qui ressemble un peu au conciliation des Conseils de Prud’hommes car spécialisé dans le domaine du droit du travail  et qui a pour vocation à étudier la demande avant de la transférer à un tribunal, comme le ferait une commission ad hoc.

Si cette commission a une mission, elle peut être aussi d’éteindre les feux potentiellement dévastateurs et dans ce cas on serait proche d’une tempête dans un verre d’eau. Si cette structure a pour mission de valider ou d’invalider une réquête, un peu comme peut le faire le Conseil Constitutionnel ou le Conseil d’Etat dans nos juridictions, en examinant un problème pur de droit, alors on serait bien plus proche d’un tsunami dévastateur des habitudes passées et présentes, comme l’a été l’arrêt Bosman en 1995.

Quels sont les arguments ?

Une meilleure performance féminine du coté des Stars ans Stripes (Championnes du Monde et championnes Olympique, 1ère mondiale) au regard de la performance masculine (qualifié en 1/8è de finale de la dernière Coupe du Monde mais non qualifié aux JO pour la seconde fois avec leur équipe d’U23).

Une moins bonne rétribution ?

D’après le Point, les sélectionnées américaines toucheraient 72.000 dollars annuel plus des primes en cas de victoires pour 1350 $. Les hommes auraient eux 5.000 $ par match pouvant aller jusqu’à 17.625 $ en cas de victoires.

En 2015, les hommes ont joué 20 matches internationaux. Ils en ont gagné 10. Les femmes ont joué 26 matches internationaux. Elles en ont gagné 20.

Les faits s’imposent sans se discuter. Les féminines américaines sont plus performantes que les hommes et la victoire féminine est bien moins payé que la victoire masculine.

Le tsunami. 

Je ne vois pas comment on peut contester l’application du principe « à travail égal, salaire égal ». Il est inscrit dans la plupart des environnements juridiques internationaux, comme un socle indestructible. Il fait partie de nos valeurs. Il est donc indiscutable.

Le verre d’eau.

En ressources humaines, un poste est défini par un environnement. Et dans cet environnement, il ne doit pas y avoir de discrimination. Ainsi, un commandant de bord peut être une commandante de bord. Un Premier Ministre peut être une Première Ministre. Etc .. Un livreur de pizza peut être une livreuse de pizza. Etc ..

Le travail est le même quelque soit la personne qui le réalise. Son sexe n’a pas d’influence sur l’environnement qu’il doit maitriser, sur lequel il doit agir pour montrer sa qualification et sa compétence.

En sport, l’environnement n’est pas le même. Les adversaires sont différents. Leurs capacités tout autant. On ne peut pas dire qu’une femme-joueuse réussirait dans le football masculin en tant que joueur comme on peut l’affirmer pour une femme qui prendrait en main un poste dans une entreprise.

Si la règle est la même, l’environnement n’est pas le même et donc la nature même du travail n’est pas identique.

Il s’agit de ne pas confondre l’effort fourni et son investissement avec la notion juridique et sociétal du travail qui a imposé cette lutte légitime contre la discrimination. Ainsi dans une entreprise, tout le monde arrive à la même heure, cohabite ensemble mais ne réalise pas les mêmes travaux et fournissent pourtant les mêmes efforts.

« A travail égal, salaire égal ». La règle vaudrait en substitution de postes. Tant que l’on arrivera pas à substituer une joueuse à un joueur, ce principe constitutionnel ne peut pas être un argument entendu par une Cour et donc le Droit.

Une évidence : elles doivent être mieux rémunérées. 

A mon sens, les américaines doivent légitimement revoir leur système de rémunération due à leurs performances sans avoir à l’étayer en comparaison du genre masculin.

L’apport et la renommée internationale des Etats-Unis, en soccer, vient au moins autant des Femmes que des Hommes.

Alors, une fédération qui paie ses joueuses, emblèmes d’une nation victorieuse,  sur des bases basses, en privilégiant sa trésorerie sur celles des hommes, si c’est le cas, elle pratique alors un déséquilibre contractuel dès lors que le contrat est lié à l’image et au bénéfice apporté à la fédération.

D’ailleurs en rebondissant sur la stratégie de communication du message qui a emprunté un message sociétal fort, on pourrait demander aux américaines, première mondiale, de réfléchir, négocier et imposer une base contractuelle qui servirait d’exemple pour tous et qui arrêterait de se reposer sur la notion économique du football féminin dont les droits TV ramènent un salaire à une poignée de cacahouètes mais d’aller plutôt vers une réalité sociétale que le football masculin prendrait à sa charge.

Un peu à l’image du rapport Bruntland de 1992 sur le Développement Durable.

« Se basant sur l’obligation internationale justifiée de payer plus correctement les sportives féminines car elles fournissent une réelle véritable valeur ajoutée au sport et à la société qui bénéficient autant à l’univers masculin que féminin, en demandant au football masculin professionnel de chaque pays de le compléter ou de l’abonder. »

Jean Michel Aulas n’a pas fait autrement en prélevant avant les autres, une partie de son budget pour auto-financer le football féminin lyonnais. Si tous le font, alors le problème de concurrence s’amoindrira. Et si les américaines négocient une base qui puissent servir sur le plan international … qui mieux qu’elles pourraient obtenir un agreement plus équilibré.

Et ainsi, la fédération américaine pourrait mettre un terme après plusieurs années de pratique, à financer le championnat naissant WNSL qui en est à sa quatrième saison.

Les entreprises le voudront-elles ? Les clubs professionnels ? A partir du moment où les consommateurs sont tout autant les hommes que les femmes, je ne vois pas un investisseur refuser cette cible au motif d’une dépense bien inférieure à son potentiel ROI.

A mon sens, la solution est vieille comme le Monde. Elle a été certainement développée. Peut être trop en avance. Je crois qu’aujourd’hui, là où tous les pays ont développé une économie libérale qui a permis au sport Roi de s’épanouir, les entreprises sont prêtes à participer à une véritable rémunération, dès lors qu’elle est encadrée par des règles qui s’imposent aux propositions et aux négociations.

En attendant, si les joueuses sont mécontentes de leurs rémunérations, alors la fédération doit modifier sa manière de les rémunérer et prendre plus en compte leurs performances. C’est une juste revendication.

1ère mondiale. Quadruple championnes Olympiques. Triple championne du Monde. Elles doivent être mieux payées. Elles le méritent.

William Commegrain lesfeminines.fr