Le pénalty décisif raté par Harry Kane lors du quart de finale de la Coupe du Monde 2022 entre l’Angleterre et la France pose la question de la mobilité internationale des joueurs comme joueuses et de ses effets lors des confrontations à élimination directe entre les pays.

Encore plus chez les joueuses qui se retrouvent nombreuses dans les mêmes clubs, faute d’un nombre comparable de clubs qui peuvent les accueillir, pour les meilleures.

Elles se connaissent souvent par cœur, sportivement comme intuitivement et personnellement.

Mondial 2022, Harry Kane et Hugo Lloris

A l’évidence, et plus ou moins, le fait que Hugo Lloris, gardien et capitaine de la sélection française aux 143 sélections (au 11 décembre 2022), soit joueur de Tottenham (Premier League) depuis bientôt dix ans, n’a pu qu’avoir une incidence sur le second pénalty décisif raté du capitaine anglais, joueur de Tottenham depuis 2013.

Il est difficile d’en dire autrement, quand on a pu voir la réflexion que l’anglais de 29 ans a eu au premier tir réussi, permettant l’égalisation anglaise (1-1, 54′). Une première routine avec le toucher des chaussettes hautes, le regard sur le ballon, la pose de côté quand Hugo Lloris reste collé à ses filets, le scrutant des yeux.

Et l’expérimenté capitaine des Three Lions, ne pensant même au fait qu’il va égaliser le record de buts de Wayne Rooney sous les couleurs anglaises (53), envoie la balle dans les filets français, avec un tir sans concession (1-1, 54′).

Dans le combat de l’amitié, le navire amiral anglais a pris le dessus.

Sauf qu’il ne sait pas encore que le jeu lui demandera de renouveler l’exploit. Olivier Giroud, autre grand joueur français ayant vécu plus de neuf saisons en Angleterre sous les couleurs d’Arsenal, vient de mettre à mal le portier anglais, Jordan Pickford, avec une tête dont il a le secret (1-2, 78′), dans un match où il a pu compter sur trois doigts au grand maximum, ses occasions de scorer.

Quatre minutes plus tard, une faute grossière de Théo Hernandez sur Mason Mount, tout juste entré, est sanctionné, après appel de la VAR, par l’arbitre brésilien Wilton Sampaio.

L’enjeu est capital, le temps restant s’est amoindri comme les rayons de soleil d’un été flamboyant aux premières couleurs de l’automne. Nous sommes à la 82′ et les 90′ s’annoncent si prochainement que l’espoir de l’extra-time, configuré dans ce mondial 2022 à la durée festive d’un after, ne laisse que peu d’espoirs en poche.

Le Capitaine anglais ne cherche plus à dissimuler son intention. Sa routine est celle de l’habitude, il s’élance, frappe du bon côté où l’attendait le capitaine français, sauf que la frappe est si forte, l’intention si marquée, que la balle s’envole dans les tribunes. Le pénalty est raté. La France voit se dessiner la qualification en demi-finale, l’Angleterre plonge dans le désespoir et Harry Kane ne fera plus rien des minutes restantes.

Sa tête est ailleurs. Il a failli.

Qui pourra dire que ce second pénalty n’a pas été raté en raison des neuf saisons partagées au quotidien entre les deux compères que la vie a réunis, à Tottenham pour les transformer en amis ; pour l’un, capitaine d’un jour du club de Londres, capitaine le suivant pour l’autre.

Finale des JO de Tokyo 2020, jouée en 2021. Caroline Seger face à Stéphanie Labbé.

Cela m’a fait penser à la finale olympique 2020, jouée en 2021 entre le Canada, surprenant vainqueur (1-1 aux tirs au but) et la Suède, rappelée à ce niveau de l’enjeu après avoir perdu face à l’Allemagne aux JO de Rio en 2016.

La gardienne canadienne, Stéphanie Labbé, est joueuse du club suédois de Rosengard. Nous sommes à l’épreuve des tirs au but et le titre se jouera sur ces duels, face à face dramatique quand l’enjeu à une telle couleur. L’Or, seul métal que les médias et sponsors retiennent quand le match a cette écriture ; alors que l’Argent, pour une fois, sera synonyme de défaite.

Une série dramatique puisque seule une canadienne (1) a marqué sur les quatre tireuses quand du côté suédois, elles sont déjà deux (2) et s’approche Caroline Seger, superstar suédoise, avec plus de 200 sélections et des valises posées dans tous les pays européens, notamment en France, sous les couleurs du PSG et de l’OL, à qui le sort et la décision lui donnent le droit d’avoir l’Or Olympique.

Cinquième tireuse suédoise. Si elle marque, l’Or est pour elle (3 tirs à 1) et la Suède signe un parcours incroyable avec l’Argent en 2016, la 3e place mondiale en 2019 et peut-être l’Or Olympique en 2021.

Seulement, Caroline Seger joue à Rosengard. Même club que Stéphanie Labbé.

Ce n’est pas l’expérience qui manque à Caroline, 36 ans. Pourtant, de la même manière que Harry Kane, elle enverra son ballon dans les tribunes lui donnant trop de forces, laissant l’opportunité à la canadienne suivante d’égaliser.

Ce qu’elle ne manquera pas. Les deux équipes sont à égalité (2-2), la Canada passant d’un (3-1) à un (2-2) quand la Suède ne comprend toujours pas pourquoi elles ne sont pas en train de courir vers leur capitaine, Caroline Seger, à deux doigts d’écrire l’histoire de son pays et la sienne.

La sixième tireuse suédoise ratera son tir ; le Canada prendra le titre olympique sur le sixième tir de Grosso.

Mobilité internationale

Qui pourra encore dire que la mobilité internationale ne sert à rien ? Olivier Giroud, neuf saisons à Arsenal marque pour la France contre l’Angleterre. Hugo Lloris, neuf saisons à Tottenham, met la pression sur le talentueux et expérimenté capitaine anglais, Harry kane. Stéphanie Labbè, bouscule, émotionnellement, l’expérimentée Caroline Seger, avec qui elle joue. le tout dans les matches à fort enjeux, quitte ou double.

La mobilité internationale joue, sur l’enjeu déterminant d’une victoire.

Si la victoire est faite de détails, celui-là en est un.

William Commegrain Lesfeminines.fr