Trente et un an, 119 sélections, cinquante neuf buts. Deux cent soixante trois matches pour le Vfl Wolfsburg, mariée avec le club allemand à sa naissance européenne, 2012, pour l’emporter en 2013 et 2014, venue de Duisburg, qui s’était inventé un titre européen inattendu en 2009, titulaire à 18 ans et vainqueure de sa première Coupe européenne, sous le coaching d’ailleurs, de Martine Voss, pas encore Voss-Teklenburg.

Déjà, jeune et à 23 ans, une carte de visite.

La « bad live » montre son visage

Déjà en 2011, l’Allemagne à la maison avec cette élimination en quart de finale de la Coupe du Monde 2011 par le Japon qui la prive d’un possible titre mondial et d’un triplé historique et unique pour l’Allemagne. En conséquence, la non-qualification aux JO de Londres en 2012 ! Deux équipes européennes ayant fait un meilleure parcours : la France, la Suède, qui accompagneront le Grande-Bretagne, pays hôte des JO.

2011 et 2012 ne seront pas deux bonnes années pour Alexandra Popp. Pas de compétition et pas de qualification en WCL avec Duisburg, qu’elle quittera pour la saison 2012-2013.

Elle aurait pu rester seulement Championne d’Europe de 2009 ; elle en a décidé autrement.

Wolfsburg la relance

Partir, c’est savoir renoncer dit le proverbe. Dans un football féminin qui ne bouge pas, et où les joueuses construisent leurs vies à cette époque à proximité de leur travail, quitter Duisburg pour Wolfsburg, relève de l’aventure. Qui a déjà qualifié l’Allemagne comme culturellement aventureuse ! Le Pays où on traverse au petit bonhomme vert, pile poil dans les clous.

Le départ est bon, et l’histoire de la joueuse allemande dépasse les frontières du Rhin dans ce qui n’est que confidentiel mais avec une joueuse assez détonante pour qu’on retienne son nom et sa possible performance lors de de la lecture d’une feuille de match.

En juin 2014, à vingt trois ans, la voilà déjà triple championne d’Europe (2009, 2013, 2014).

Un univers royal s’offre à elle, allemande, titulaire dans l’équipe nationale au passé historique avec huit titres européens, deux Coupes du Monde (2003 et 2007) et des clubs allemands qui emportent habituellement la WCL à la maison (six titres sur neuf possibles en 2010), que peut-il arriver à une joueuse allemande de talent ?

Les deux titres de l’Olympique Lyonnais (2011 et 2012) repris par Wolfsburg (2013, 2014), faisant passer la performance française comme un écart ponctuel.

L’Euro 2013 la stoppe

Sélectionnée à 22 ans par Silvia Neid pour l’Euro 2013, elle est obligée de rester à la maison. Blessée lors du match décidant du titre de Wolfsburg le 12 mai 2013, elle se déchire le ligament de la cheville ! Mise au repos pour la finale de la Coupe le 19, elle jouera cependant la finale européenne gagnée contre l’OL (1-0).

Le match de trop qui montre le caractère de la joueuse mais aussi la paupérisation du moment en joueuses de qualité. Silvia Neid, plus experte, dira : « Alex doit se remettre correctement de sa blessure pour éviter des conséquences à long terme, après tout, c’est une jeune joueuse qui peut jouer à un haut niveau pendant longtemps. C’est au premier plan de notre décision ». Une situation que fera le bonheur de Sära Däbritz, première sélection alors qu’elle est encore en train de passer ses diplômes scolaires

De 2014 à 2022, les JO 2016, seule source de jouvence

Une longue période sans rien.

Cela commence à sentir moins bon pour les équipes allemandes au niveau des titres. Wolfsburg est éliminé de la compétition en 2015 par le PSG au stade des demi-finales, perd la finale 2016 face à l’Olympique Lyonnais, regarde de sa chambre ou de son canapé, la finale OL-PSG en 2017, réapparait en 2018 et 2020, finales encore perdues face à l’OL et constate la montée en puissance du FC Barcelone (finaliste, Ol vainqueur) en 2019 et 2021 (vainqueur).

Après l’ogre Olympique Lyonnais, la présence du PSG, l’arrivée du FC BArcelone ; sur le plan des clubs, l’Allemagne marque un recul.

Un recul qui se retrouve dans l’équipe nationale. En 2015, au Mondial, c’est en demi que l’équipe allemande s’arrête. En 2019, l’équipe s’arrête un cran plus bas, au niveau des quarts, non-sélectionnée par l’UEFA aux JO pour la seconde fois de son histoire ; voyant la Suède, les Pays-Bas et l’Angleterre s’envoler pour Tokyo.

La seule éclaircie après l’Euro 2013 seront les JO de Rio 2016 où l’Allemagne prend l’Or mais avec un jeu tellement défensif et si pauvre offensivement qu’il sera le témoin indicateur de la baisse de niveau allemande, dans un sport où sa domination était telle qu’elles étaient aussi redoutables que les américaines, numéro un mondiale.

Coup de chance ou de malchance, elle ne participe pas à l’Euro 2017 que la sélection quittera au stade des quarts de finale. Un match sans contenu pourtant avec des noms comme Marozsan, Däbritz.

Une longue période où l’Allemagne est juste en train de descendre, inexorablement. Au moment où Alexandra Popp doit exprimer son potentiel et son talent. Le fameux problème de générations quand on fait un sport collectif. La destinée individuelle dépend des autres.

Euro 2022 en Angleterre : Alexandra Popp porte la destinée de l’équipe nationale

Huit ans sans rien quand tu te donnes à ton maximum, c’est beaucoup dans le parcours d’une sportive de haut niveau. Encore plus en football féminin, quant tu es allemande et que l’histoire de ton pays est faite de titres et de reconnaissance.

Pourtant ce n’est pas talent qui manque. Un retour sur wikipedia nous montre que Celia Sasik (2015), Melanie Behringer (2016), Dzsenifer Marozsan (2018) ont été seconde aux trophées The Best FIFA. «  »Juste, il y a toujours quelque chose qui bloque à un moment donné ».

L’Allemagne reste forte mais elle n’a plus la puissance de l’Allemagne d’avant.

Alexandra Popp, à l’Euro 2022 représentante l’Allemagne orgueilleuse et revancharde.

C’est exactement ce qu’a montré Alexandra Popp dans cet Euro 2022. Une puissance telle qu’elle a été saluée comme un joueur masculin que le sélectionneur allemand pourrait prendre dans son équipe. La capitaine allemande ayant décidé d’en jouer et d’en plaisanter en arrivant, de manière inattendue, à la conférence de presse de Julia Hendrich, en se dessinant des moustaches.

Lorsqu’elle percute Griedge MBock, lorsqu’elle fait plier Eve Perisset, il y a du tempérament, il y a de l’expérience mais je crois qu’elle sait plus que toute autre ce que veut dire, rester sur la pelouse et regarder les autres, fêter le gain d’un titre qui lui passe sous le nez.

Il y a les joueuses qui ont faim de titres par habitude d’en avoir ; il y a celles qui ont faim de titres pour en avoir vu trop passer.

Alexandra Popp est, à mon sens, la Boss de l’équipe allemande car elle représente bien ce sentiment partagé par ses coéquipières.

« Marre de devoir perdre ! ».

L’Allemagne était descendue à la cinquième place mondiale avant l’Euro. Un « truc » impensable dans le passé.

Elle perdait, elle perdait cette équipe : lors de l’Arnold Clark Cup 2022 aux USA, elle fait match nul face à l’Espagne (1-1), perd contre le Canada (1-0), contre l’Angleterre (3-1) en février 2022, se refait la cerise en avril sur la modeste équipe du Portugal (3-0) pour plonger face à la Serbie à domicile (3-2, 36e FIFA)) et enfin sourire contre la Suisse en Juin (7-0), préparatoire à l’Euro.

Le public allemand ne regardait plus cette Mannschaft féminine (5e FIFA), partie dans les oubliettes comme l’équipe masculine (11e FIFA). Tu ne peux pas être allemand, multiple championnes du monde chez les hommes comme chez les femmes et accepter de descendre de cette manière.

C’est impensable.

Après ces cinq victoires de rang dans l’Euro 2022, un score de (13-1) dont le seul but encaissé est le tir de Diani transformé en csc par la gardienne Frohms, l’Allemagne vient jouer cette finale, aux ordres d’une Martina Toss-Vecklenburg, ex-internationale allemande, qui nous a montré face à la France sa capacité d’analyse et de contres du jeu adverses.

Elle n’a pas le visage sympathique sur son banc. Elle coache comme une joueuse sur le terrain. Totalement appliquée dans ce qui se passe. D’ailleurs, une image traduit bien cet état d’esprit : la manière dont elle a salué Lena Oberdorf après son match face à la France. Cela aurait pu être Alexandra Popp, cela a été la milieu défensif. Celle qui met le pied, la tête, l’épaule quand d’autres la retire.

Elle n’a pas peur de sortir ses deux milieux offensifs que sont Sara Däbritz et Magull à la 60e.

Chez la coach allemande, tout est pensé.

Et elle demande aux joueuses de penser comme Alexandra Popp sur le terrain.

La revanche allemande.

William Commegrain Lesfeminines.fr

Alex Popp annule sa participation au Championnat d’Europe :: DFB – Deutscher Fußball-Bund e.V.