Qu’est-ce qui ressort de cette demi-finale perdue face à l’Allemagne (2-1) ? D’abord, vu l’état de fatigue, c’est plutôt bien qu’on ait pas joué la finale face à l’Angleterre, chez elle. Ensuite, les allemandes étaient meilleures, elles passent logiquement pour une belle finale à voir.

Factuellement, resituons la défaite française sur des faits.

Attention, il n’y a pas d’excuses mais juste des faits.

Si vous inversez les dates des quarts de finale, que la France joue deux jours avant l’Allemagne son quart et possède, du coup, deux jours de récupération de plus que les allemandes, comme les allemandes ont eu face aux françaises ; vous n’aurez jamais les replis défensifs que l’Allemagne a réussi à faire !

On a vu les joueuses allemandes sprinter comme pour un cent mètres pour revenir en défense sans que pour autant, le risque soit fort. Uniquement pour appliquer la stratégie de bloquer la technique française avec trois à quatre joueuses les entourant. Cela a étouffé le jeu des Bleues et surtout l’esprit conquérant que nos joueuses ont quand tout va bien. Une débauche d’énergie incroyable qui ne peut qu’avoir sauté aux yeux de tout le monde.

Second point, retirez Alexandra Popp du match comme Marie-Antoinette Katoto l’a été du côté français. Et posez vous la question de l’efficacité allemande sur le contenu produit ? A part le tir contré de Dallmann par Bacha, il n’est pas évident que l’Allemagne puisse justifier d’une victoire dans le temps des 90′.

Troisième point, il nous a manqué le travail d’une avant-centre au niveau de la gagne pour obtenir le titre. Si on se posait la question sur son importance, on le voit avec White qui pèse lourd et Russo qui termine bien pour l’Angleterre ; on le voit avec Alexandra Popp hier soir. On le voit avec Alex Morgan pour les USA. On le voit avec Ada Hegerberg pour l’OL. Un avant-centre de haut niveau est obligatoire pour acquérir des titres.

Quand Marie-Antoinette Katoto se blesse toute seule, c’est fini pour la gagne ou la finale. Quand Jennifer Hermoso se blesse pour l’Espagne, c’est fini pour la gagne. Elles, encore plus avec la blessure d’Alexia Putellas, ballon d’Or et meilleure joueuse FIFA 2021.

Tu ne gagnes pas avec une seule bonne joueuse avant-centre, c’est certain. Voyez Ada Hegerberg avec la Norvège, qui là, avait des attaquantes de feu.

Mais sûr, tu ne gagnes pas un titre ou une qualification en quart, sans avant-centre dans le football féminin.

Structurellement, la propriété des titres nous manquent. Nous sommes locataires d’une idée.

Les USA quand elles jouent pour le Mondial (4 titres) ou pour les JO (4 titres) ont cette évidence à l’esprit : le titre leur appartient. Pour leur prendre ce titre en les éliminant d’une rencontre, il faut produire, plus que plus. Souvenez-vous des matches des américaines au Mondial 2019. Jamais parfait, mais toujours gagnant. Pour que le Canada l’emporte face aux USA aux Jo de Tokyo en 1/4, il a fallu un contenu canadien dantesque (1-0).

Souvenez-vous, Les allemandes, avec huit titres. Le dernier en 2013 s’est pris à l’énergie face à la Norvège, avec deux pénaltys arrêtés dans le cours du jeu par leur gardienne Nadine Angerer ! Ce qui lui a donné le privilège du premier titre de meilleure joueuse UEFA et de la reconnaissance de la FIFA, première gardienne à être tout en haut du podium. Les commentaires étaient dantesques avant la finale. Sur le jeu, par les anciennes. Comment on va perdre l’Euro qui nous appartient !

La perte en 2017 a été vécu comme une humiliation. L’Allemagne nous a montré qu’elle considérait comme normale d’avoir le titre. Le contraire devenait anormal. Elles se sont imposées avec cette évidence.

L’Olympique Lyonnais est pareil. Elles considèrent que le titre de la Women’s Champions League leur appartient et quand elles entrent sur le terrain pour jouer cette compétition, elles ont cette arme mentale en plus. Elles passent la Juventus malgré une défaite à l’extérieur. Elles atomisent le FC Barcelone 2022 en finale après qu’elles aient pris le titre 2021.

Ce ne sont pas que les joueuses qui l’ont. C’est un ensemble, du staff, du personnel, de la fédération, du public, des médias. Everybody. Tout le monde.

Pour battre ces équipes sur un match, il faut faire plus que plus. Car on lutte contre tout cela. C’étaient d’ailleurs les messages de Farid Benstiti et Patrice Lair, tous deux anciens de l’Ol, quand ils sont passés au PSG.

Nous n’avons pas cet état d’esprit avec la France qui n’a rien gagné dans le Top 10. Et cela, dans le dernier carré, cela a sa petite influence contre laquelle il faut lutter.

Structurellement, les jeunes se foutent des titres qu’elles ont gagné à l’échelon inférieur.

Pourtant des titres on en a. Difficile de faire une nation plus titrée chez les jeunes que les françaises depuis 2012. Notamment au niveau de l’Euro avec le gain en 2010, 2013, 2016, 2019 (voir ci-dessous), c’est à dire sans les américaines, brésiliennes, asiatiques. Récemment, à part l’Espagne, 2 titres, 4 finales depuis 2012, je ne vois pas.

Pour autant, les excellents résultats des jeunes n’ont aucune influence sur leur état d’esprit en A. Les filles l’oublient aussi facilement que « bonjour, bonsoir ! ». Au niveau supérieur, elles vivent l’histoire de ce niveau et oublient la leur.

C’est ainsi, c’est bizarre.

D’habitude les jeunes ne connaissent que leur histoire qui les inspirent. En football, les jeunes vivent l’histoire des anciennes comme la leur. Elles portent un héritage : celui des A.

C’est ce qui transforme Oberdorf (20 ans), milieu défensif, qui n’a rien gagné chez les jeunes. Eliminée en quart des mondiaux U20, finaliste face à la France en 2019, elle a joué et fait une demi-finale à vous plier l’équipe de France à elle toute seule. La jeune Brand (20 ans) remplaçante de Bühl (covid), fait la même performance. Elles sont chez les A, avec leur huit titres européens.

En football, les jeunes se foutent de leur passé individuel. Elles prennent celui des A comme le leur.

Structurellement, il nous manque une révélation

Dans cet euro, il nous a manqué une révélation.

La Suède a d’ailleurs eu le même problème. Les joueuses jouent bien, voire très bien mais quand vous approchez au terme finale de la compétition, il faut que quelqu’un se dégage.

Une joueuse qui, à un moment donné, porte le résultat de l’équipe et se révolte contre une situation que les adversaires, de plus en plus meilleurs au fil des éliminations, nous imposent.

L’Angleterre a sorti Beth Mead, quasiment inconnue, et qui marque le premier but anglais d’une superbe initiative, face à la Suède en demi-finale. Elle amène cela et son score de six buts sur la compétition est marquant. Alexandra Popp, avec son doublé d’une intensité rare, nous a montré aussi cela, en se souvenant qu’elle a marqué à chaque match.

A un moment donné, il y a une joueuse qui déclenche car c’est sa compétition. Je repense aux JO de Tokyo à l’écriture. Jessie Fleming, avec le Canada (médaille d’or) a réalisé une compétition de « Dieu de feu » !

Kadidiatou Diani, avec son tir fulgurant a eu cela. Peut-être qu’elle peut l’avoir. Pour l’instant, prendre la position de leader de jeu et de rebellion, ce n’est pas encore le cas. Selma Bacha pourrait être cela, mais c’est bien trop tôt. Clara Mateo, peut-être ? Mais il faut une autre dimension. Delphine Cascarino sur son match avec les Pays-Bas a eu cela. Seulement, après elle est redevenue une bonne joueuse, une excellente joueuse, mais pas avec le même impact pour cette demi-finale.

On aura du mal dans les compétitions futures, pour aller plus haut que le dernier carré, si on n’a pas cela : ce déclencheur.

William Commegrain Lesféminines.fr

Le palmarès des titres uniquement, sans compter les finales, des françaises en jeune avec l’Equipe de France (source fff.fr) – l’Euro U19 se joue tous les ans, le Mondial U20 tous les deux ans.

La dernière victoire de l’Allemagne remonte à 2011 (Euro U19)

  • Pauline Peyraud Magnin (30 ans) : Coupe du monde militaire 2016
  • Eve Perisset (27 ans) : néant
  • Griedge M’Bock (27 ans) : Coupe du Monde U17 de 2012, championnat d’europe 2013
  • Wendie Renard (32 ans) : néant
  • Sakina Karchaoui (26 ans) : néant
  • Sandie Toletti (27 ans) : Coupe du Monde U17 2012, championnat d’europe 2013
  • Grace Geyoro (25 ans) : Coupe du Monde U17 2012, championnat d’Europe 2016
  • Charlotte Bilbault (32 ans) : néant
  • Delphine Cascarino (25 ans) : Coupe du Monde U17 2012, Championnat d’Europe 2016
  • Kadidiatou DIani (26 ans) : Coupe du Monde U17 2012, Championnat d’Europe 2016
  • Melvine Malard (22 ans) : Championnat d’Europe 2019

remplaçantes :

  • Mylène Chavas (24 ans) : Championnat d’europe 2016
  • Justine Lerond (20 ans) : Championnat d’Europe 2019
  • Ella Palis (23 ans) : néant
  • Marion Torrent (30 ans) : championnat d’Europe en 2010
  • Aissatou Tounkara (27 ans) : Coupe du Monde U17 2012, championnat d’Europe 2013
  • Clara Matéo (24 ans) : championnat d’Europe 2016
  • Selma Bacha (21 ans) : championnat d’europe 2019
  • Kenza Dali (30 ans) : néant
  • Sandy Baltimore (22 ans) : championnat d’Europe u19 2019
  • Ouleymata Sarr (26 ans) : championnat d’Europe U19 2019
  • Hawa Cissoko (25 ans) : championnat d’Europe U19 2016.

Championnat d’Europe féminin de football des moins de 19 ans — Wikipédia (wikipedia.org)