J’avais terminé mon dernier article en précisant, que les plus habilitées à juger du niveau de cette demi-finale retour de la WCL entre le PSG et l’OL, étaient les joueuses. Il a suffi de lire les commentaires qui ont suivi le lendemain. Ada Hegerberg, remerciait le public parisien et l’adversaire, Wendie Renard confirmait, les parisiennes regrettaient l’élimination.

Lors de la conférence de presse d’après-match, Grace Geyoro, capitaine du club de la capitale précisait à quel point, elles avaient tout donné. Selma Bacha, démarrait son intervention en notant la qualité de l’adversaire. Les deux coaches, confirmaient l’intensité de la rencontre.

Sans nul doute, pour les joueuses, ce match est une référence du football féminin français. L’étalon de la comparaison. Avant de trouver pareille dimension en France, entre deux clubs, il faudra attendre longtemps. Un quiquennat ? Un septenat ?

Une proposition d’indicateurs de comparaison pour les futures rencontres :

43.255. Un parc hard rock, en nombre et en caractéristique

Sur les réseaux, deux théories s’opposent. Rien de surprenant dans cette période française où on est, soit à l’extrême d’une idée, soit à son opposé.

La première théorie embellit le chiffre de 43.255 ou 54 -d’ailleurs- spectateurs au stade, dans l’ambiance d’un match masculin. Avec les chants guerriers, et les mots osés qui vont avec.

Une promesse masculine connue, servie à l’entrée, au plat principal et pour finir, au digestif des lyonnaises.

La seconde, dont on ne sait si elle n’a pas quelques gouttes de jalousie au regard du record ancien détenu à Gerland (2019), vient des supporters habituels. Plutôt, dans le style des vacances à la montagne en plein été ou à la campagne, dans une maison bien isolée, avec ambiance familiale garantie.

Ce qui est certain, c’est que pour la première fois en France, le football féminin s’est joué non pas en première partie d’un spectacle masculin, mais bien comme le seul spectacle disponible auxquels 43.255 spectateurs ont décidé d’assister, de boire, de chanter, de danser, avec la « beuverie » verbale qui va avec.

On mettra longtemps à voir un match de football féminin à la mode masculine. La Coupe du Monde avait été très familiale. Ce match retour sera une référence.

Hegerberg, Katoto, Renard ! Les stars au paddock

L’histoire est connue. Aux grands joueurs, les grands matches. Ce match vous impose de le conjuguer au féminin.

Allons plus loin, cette double rencontre vous le prouve. A l’aller, les buts sont venus de Macario, jeune internationale américaine au sang brésilien, excellente depuis la seconde partie du championnat 2022, qui réalise un doublé fait de technique comme d’intelligence. Le pénalty vient de Wendie Renard quand Marie-Antoinette Katoto, dans le trio des buteuses depuis 2018, leader en 2022, ouvre le score à la 6e et que Paulina Dudek transforme le pénalty salvateur du (3-2). Des références.

Le retour, à la différence fragile de (+1) pour Lyon, sera totalement signé par les stars des vingt deux joueuses : Hegerberg, Katoto, Renard.

Des buts « les yeux dans les yeux ! » : puissants et directs

Hegerberg (14′ 0-1), à deux doigts de faire un doublé (but refusé par la VAR), pour une tête d’autorité et de puissance ouvrant le score et coupant le son au Parc, suivie par Wendie Renard, allant chercher le ciel de Paris à la 83′ (1-2), quand Katoto, bataillant dans les cinq mètres cinquante, joue de son altruisme, pour servir à terre Sandy Baltimore et se relever dans l’instant suivant, à finir sa balle dans les filets (1-1,62′).

Elle debout, devant Wendie Renard, au tacle allongé, mais inutile.

Dans ce retour, aucun but raccroc, discutable comme l’avait été -à juste titre- les trois réalisations lyonnaises au Groupama Stadium, entachés de trois erreurs attribuées à la gardienne internationale tchèque Votikova.

Que des buts, « les yeux dans les yeux ». Une autre référence.

L’émotion d’un stade : le râle de plaisir d’un stade

Lorsqu’Ada Hegerberg marque le second but lyonnais et son doublé potentiel, quasiment juste au retour des vestiaires (54′), le stade se transforme dans un silence d’église. On en est quasiment au stade d’entendre le vol d’une abeille.

Voilà une bonne heure, avec les chants qui accompagnent l’entraînement, que les Ultras chantent et entraînent le parc. La gamme de toutes les bonnes phrases sont passées par là et le DJ, en remet une couche, à croire qu’il y a le Micro d’Or en challenge !

Et la tête d’Ada vient de mettre un sacré coup de pied au cul aux afficionados parisiens, pour un potentiel (0-2) à domicile, soit un (1-4) sur les deux matches.

Et puis soudain, sur place, une déferlante envahit tous les murs du Parc ! Un son qui démarre dans la force pour finir dans l’extase de l’information ! La VAR Vient d’annuler le but. On en est toujours à (0-1). Toutes les chances sont intactes pour le PSG.

Sur place, je n’avais jamais entendu cela pour un match féminin. Il faudra mettre longtemps avant d’entendre une telle sonorité. C’est une référence. Même le but égalisateur de Katoto n’a pas produit un tel écho.

Ecoutez la vague sonore à (57’10 du match) et 1’25’54 » de la ligne de temps. Imaginez que le bruit est déjà amorti pour que le son des commentateurs Romain Balland et Sabrina Delannoy puissent passer en premier. Et mesurez ce que cela a dû être au Parc.

Le jeu : l’intensité d’un 1/8e de Coupe du Monde

Les filles se plaisent à jouer « cahin-caha ». Un jeu léché, pensé, réfléchit, organisé. On met de côté l’expression « il y a de l’Urgo dans l’Air ! Il y a de l’Air dans Urgo ! » quand vous jouez en D1FArkema.

Sauf quand un titre est en jeu.

Là, on est exactement dans « le couteau entre les dents ». Hitchcook, à la réalisation peut mettre du noir et blanc ou de la couleur. Personne ne sait quand l’épilogue se fera. Hercule Poirot n’aura aucun mal à trouver l’assassin, elles seront onze d’un côté à l’avoir fait et « les yeux dans les yeux », capables de dire « Ce n’est pas moi ! ».

Capable de dire qu’elles n’ont jamais menti ! Puisque ce n’est pas qu’elle, vu qu’elles ont été onze. A question mal posée, réponse féminine bien argumentée.

Quand elle joue pour un titre. Levez vos pieds.

Sur ce match, l’intensité a été très supérieure à la moyenne. Notamment dans les matches de clubs. Cette intensité, est une référence. Le corps médical, sur le terrain, s’est transformé en Conseils en relations humaines. Les filles, on se calme.

La réponse était évidente : « mais on est très calme ! ». Sous entendu, cours, soigne nous et retourne. Prêt à revenir.

Les joueuses ont touché le rouge du détail

Quand tu es dans le rouge, tu penses qu’après c’est la mort et tu es tout surpris que cela n’arrive pas. La machine continue naturellement. Juste ta tête est déconnectée de ton corps. Elle s’est déconnectée. Tu ne maitrises pas mais rien ne se casse.

J’ai vu Amandine Henry être dans le rouge sur un contre parisien. L’ex-capitaine de l’Equipe de France revient sur une bleue qui perfore aux quarante mètres lyonnais. Elle donne tout pour revenir. Touche le rouge. Continue. Elle s’est mis en pause. Cela se voit. Elle a touché sa limite. Mettre dans le rouge Amandine, qui a fait un excellent match affirmant la question de sa présence à l’Euro 2022, laissant à Corinne Diacre le risque de la prendre ou pas, compte tenu de l’équilibre construit depuis plusieurs mois.

J’ai vu Selma Bacha, en seconde mi-temps, juste après son carton. Elle touche le rouge. La balle arrive. Elle n’a plus rien dans sa tête. Elle envoie un pied gauche qui touche mal le ballon et l’expédie ailleurs. Loin devant. Très vite dans la touche. Elle est dans le rouge.

Votikova voit arriver Delphine Cascarino. Un Top 5 européen des meilleures attaquantes. En solo, une sorte de cousine éloignée d’Usain Bolt balle au pied. La gardienne parisienne a laissé « trois buts casquettes » à Gerland qui résonnent encore dans sa tête. La lyonnaise vient au contact. En un instant, Votikova passe de proie à chasseuse. Du rouge, elle en a fait du Bleu. Les mains sur le ballon, culbutant l’internationale française.

Les Jeux du cirque sont au Parc. Sakina Karchaoui est à gauche. Elle voit Sandy Baltimore qui se place et Marie-Antoinette Katoto qui vient en appui. Elle sert l’avant-centre qui donne à la petite Sandy ! La parisienne, peu inspirée, dépose un Amour de ballon en cloche que les 1m60 de Karchaoui, lyonnaise il y a peu, contrôle de la poitrine, pour se retrouver, en cinq secondes, devant Endler et tenter l’incroyable pour un (2-1) potentiel. L’égalisation sur les deux rencontres.

Le stade est souffle coupé. Tout est parfait.

Même la gardienne, Endler, parisienne la saison dernière. Source d’élimination de l’OL en 1/4 de finale avec un arrêt incroyable face à Malard dans la dernière minute de jeu. Tout est bleu dans la tête de la capitaine chilienne, nommée future meilleure joueuse de la partie par l’UEFA avec l’arrêt qui s’annonce.

Dans sa tête, rien n’est rouge.

Le choix de Karchaoui est juste mais trop simple. Endler sort cette balle d’une main ferme.

Au détail. Les vingt deux joueuses, à un moment dans la partie, sont allées chercher du rouge. Une limite. Il faudra longtemps avant que les matches ne se jouent à ce détail. C’est une nouvelle référence.

La mienne était ancienne, 2013. Le coup franc de Thiney à la dernière minute de jeu face au tout jeune et nouveau PSG dont l’attaquante s’était confiée, pour dire qu’elle en avait rêvé la veille de sa réussite et que Kiedrzynek sort d’une horizontale, sous la barre. Dedans, Juvisy renouvelait l’Europe après l’aventure de 2013 et le PSG de Lindsey Horan n’aurait peut-être jamais décollé. Dehors, le PSG prenait le flambeau de la seconde place. Dix ans après, elles ne l’ont perdu qu’une seule fois pour le laisser à Montpellier (2018).

Une nouvelle référence.

Le coaching, la verticalité face à la construction

D’un côté, un mandarin du BEPF. Expérience acquise qui applique la théorie du BEPF. Moins tu prends de buts, plus tu as de chances de gagner. De l’autre côté, l’intuition féminine. Une ex-joueuse qui s’entoure de compétences extérieures, et regarde le match comme une grande sœur ou une mère. Instinctivement mais calmement.

La femme a renversé l’homme. (3-5) sur les deux matches

Cela reste une référence qu’on ne retrouvera que dans les matches de clubs. Le niveau requis, DEF pour tenir un banc n’étant pas celui du BEPF pour être sélectionneur d’une équipe nationale.

Voilà ce qui fait pour moi, que ce match qui fait déjà parti du passé, restera une référence dans le football féminin français des clubs. Et pourquoi pas celui européen.

On pourra dire « J’y étais ou pas » lors de ce PSG-OL du 30 avril 2022.

William Commegrain Lesféminines.fr