Estonie, plus nulle : impossible.

Sérieusement, on a rarement vu une équipe (105e FIFA) aussi faible face aux Bleues (5e), quelle que soit leur génération ! Même les bulgares en 2013 qui avaient pris un 14-0 à domicile (28 novembre 2013) après avoir subi un (0-10) treize jours auparavant (23 novembre 2013) ne m’avaient pas semblé autant nulles.

Au bouts de cinq minutes, tout le camp arrière des Estoniennes, les milieux, ne cherchaient plus à repartir. Balles au pied. C’était dans le domaine du rêve. Au moindre ballon gagné, elles envoyaient une mine cherchant une touche qui leur aurait donnée des lauriers en rugby, quand au football elle ne faisait qu’enclencher une seconde vague, puis une suivante, puis une suivante, sans jamais s’arrêter.

Elisa De Almeida, normalement défenseure centrale française, plantée au milieu de leur terrain, a récupéré un nombre incroyable de tentatives ratées de dégagement des filles du Nord de l’Europe.

Imaginez pour ceux absents de W9 (900.000 audience), que -souvent la balle ne sortait pas, touche ratée- et alors on a pu assister à des séries de vagues répétitives de plus de cinq minutes des Bleues. Comptant pour les comptables, pas loin de dix impacts des Bleues sur cette défense qui prenait, puis prenait et prenait. Cette balle ne sortait jamais !

Déjà que l’Estonie est difficile à situer géographiquement. Mais là, les joueuses se sont transformées en fantômes.

Les joueuses estoniennes blanches comme des fantômes. Illustration during the FIFA World Cup Women Qualification match between France and Estonia at Stade Dominique Duvauchelle on October 22, 2021 in Creteil, France. (Photo by Philippe Lecoeur/FEP/Icon Sport) – Creteil (France)

A tel point que leur coach finlandais, applaudissait quand une de ses joueuses trouvait une touche au-delà du milieu de terrain ! « Bien joué les filles, on continue ! On y croit ! »

On peut-être sûr d’une chose, c’est que les estoniennes ne sont pas des révolutionnaires.

Sinon, à la mi-temps, elles auraient décidé de ne pas revenir dans la partie ! Le Bien-être, c’est aussi de jouer des matches avec raison ! Là, le système de qualification pour une coupe du Monde qu’elle ne verront jamais les a mené à l’abattoir. Cela a été une boucherie de football.

Au lendemain, j’ai en mémoire l’émotion ressentie quand leur numéro huit fait la seule percée des quatre vingt onze minutes de la partie. Elle part balle au pied de sa surface, à chaque toucher, elle semble autant surprise de continuer que nous le sommes devant l’écran. C’est si inattendue qu’on a l’impression d’une liberté incroyable que le jeu lui octroie. Une liberté surprenante, exaltante.

Je me suis surpris à attendre la rumeur éclatante du public, heureuse et joyeuse que la joueuse aurait accompagné, les deux bras levés au ciel !

« Yes, je l’ai fait !! » Tombant à genoux, des larmes de bonheur aux yeux. Enfin, elle connaissant la couleur et l’odeur des trente mètres français. Toute heureuse d’un Everest enfin battu.

La France se transforme en Everest et fait souffler une tempête sur Créteil !

Si l’Estonie n’était pas prête pour cette aventure, basket aux pieds face aux Bleues, ces dernières ont soufflé une tempête à découper un arbre en deux.

 

Du mouvement et du mouvement. Et je pars à gauche, je reviens, je repars au centre, je reviens, puis maintenant je suis à droite, et je reviens au centre, puis une profondeur, puis un relais, puis une autre profondeur et un relais. L’Estonie cherchant à toucher ce ballon qui se promenait dans les pieds des Bleues, comme une boule de flipper. Dès qu’elle touchait une joueuse, elle repartait encore plus vite dans une direction inattendue, puis revenait, inlassablement, inlassablement.

Les latérales, lieu privilégié des ballons français, en tournaient de malheur. Ne cherchant plus la balle, accrochant une joueuse, contente d’attraper un maillot, quelque chose.

Les françaises ont été injouables pour les estoniennes. Injouables.

D’ailleurs je suis sûr que le coach les a pris en séance de travail pour une séance de yoga, les convaincant que la partie n’a jamais été jouée. Elle n’avait jamais existé. Qu’elles devaient l’oublier.

Un bilan de football impossible

La France avait écrasé la Bulgarie établissant un record en 2013.

A l’Euro, elles sont sorties en 1/4 de finale face au Danemark sur un tir au but, poteau extérieur, d’une joueuse qui venait d’entrer dans le groupe sur le tard : Sabrina Delannoy. En 2015, elles sont sorties en 1/4 de finale du Mondial canadien face à l’Allemagne sur des tirs au but perdus par les bleues : un dernier tir de Claire Lavogez, arrêté par la gardienne star Nadine Angerer (ex-meilleure joueuse FIFA et UEFA).

La Bulgarie ne s’est pas plus améliorée depuis. Même pire, 55e FIFA en 2013, elle est passée en 2019 78e pour être en 2020, 73e.

Un bilan des Bleues intéressant

Corinne Diacre a son groupe. Un groupe qui l’écoute, applique à la lettre sa philosophie. Si on a vu une équipe estonienne nulle, les Bleues ont joué constamment avec la même intensité et puissance dans les transitions. Un jeu qui donne, à l’idéal, sa chance à chacune expliquant les huit buteuses différentes.

Kenza Dali l’a assez bien dit, imposant le ressenti des actrices, comme le centre de la vérité de cet instant : « On la donne quand il faut la donner ! »

Un groupe qui obéit à vos consignes n’a aucune raison d’être changé. Je vois mal les raisons d’intégrer les joueuses non-sélectionnées que sont Amandine Henry et Eugénie Le Sommer pour les plus connues, d’autant que c’est un style de jeu qui s’impose avec la jeunesse et son état d’esprit ; beaucoup moins avec des joueuses venant avec leur propre expérience et bagage.

On peut penser que Corinne Diacre a sa philosophie et le groupe qui va avec. Un groupe de 24-26 ans en moyenne, qui aura un épanouissement en 2023 (Coupe du Monde) et 2024 (JO à Paris). Un peu vert et jeune pour l’Euro 2022, à moins qu’il ne montre une capacité d’analyse et d’adaptation sur le moment au jeu.

J’ai relevé une autre phrase dans le replay de conférence de presse d’après-match : « il n’y a pas d’égoïsme ». 

A contrario, l’égoïsme existait-il auparavant ? Faut-il ou non de l’égoïsme dans un jeu collectif français ? Le talent collectif peut-il être plus fort que celui individuel ? Le talent collectif existe-t-il réellement ou n’est-ce pas le fruit qu’on donne à un titre ? Est-ce un rêve et un idéal inatteignable ?

C’est à toutes ces questions et d’autres que les Bleues vont répondre. A leur manière. C’est leur future aventure et pourquoi pas, une belle aventure si elles y arrivent.

Mais n’oublions pas et n’oubliez pas que certaines titulaires des Bleues n’arrivent pas à s’imposer dans leur club, surtout à l’étranger. Dans des championnats au niveau de celui français : le championnat anglais, espagnol et celui italien, plus en retrait. Certaines évoluent dans des clubs français qui ont explosé en championnat français.

Une aventure pas si facile à réussir.

William Commegrain Lesfeminines.fr

Les buts : source fff.fr

  • 1-0 – Grace Geyoro (5e) : centre de Delphine Cascarino de la gauche vers Grace Geyoro à la hauteur des six mètres. La Parisienne s’ouvre le chemin du but au milieu de plusieurs défenseures estoniennes.
  • 2-0 – Marie-Antoinette Katoto (16e) : côté droit, Eve Périsset adresse un ballon au cordeau pour Marie-Antoinette Katoto seule face au but, qui marque sans opposition.
  • 3-0 – Eve Périsset (26e) : faute indiscutable sur Sakina Karchaoui dans la surface. Eve Périsset le transforme du droit en prenant la gardienne à contre-pied.
  • 4-0 – Delphine Cascarino (29e) : lancée par Geyoro, Kadidiatou déborde côté droit. Son centre file jusqu’au second poteau pour une reprise imparable de Delphine Cascarino.
  • 5-0 – Sandie Toletti (45e) : aux vingt-cinq mètres, Sandie Toletti prend sa chance du droit. Sa frappe plongeante fuse sur la pelouse humide et passe sous le ventre de Karina Kork.
  • 6-0 – Maria Orav (52e, csc) : après un une-deux avec Katoto, Kenza Dali s’enfonce dans la surface. Son centre-tir est dévié dans ses propres filets par la défenseure Maria Orav.
  • 7-0 – Kadidiatou Diani (53e) : sur un centre venu de Perle Morroni de la droite, Kadidiatou Diani enchaîne un contrôle orienté en pivot suivi d’une frappe pour aggraver la marque.
  • 8-0 – Aïssatou Tounkara (65e) : corner de la droite frappé par Kenza Dali. À la retombée, Aïssatou Tounkara place un tête croisée qui fait mouche.
  • 9-0 – Aïssatou Tounkara (72e) : Dali exécute un coup franc côté droit. Son centre est repris de volée aux six mètres par Tounkara, directement sous la barre.
  • 10-0 – Heleri Saar (79e, csc) : sur un corner de la gauche de Dali, le ballon retombe sur le pied de la défenseure Heleri Saar, touche le poteau et rentre dans la cage.
  • 11-0 – Kenza Dali (90e) : déjà impliquée sur quatre buts, Kenza Dali est récompensée. Elle parachève le succès de son équipe d’une reprise du droit face au but.

FRANCE – ESTONIE : 11-0 (5-0)

Spectateurs : 4 378
Arbitre : Abigail Marriott (Angleterre)
Avertissements : Kubassova (45e + 2) à l’Estonie
Buts : Geyoro (5e), Katoto (16e), Périsset (26e s.pen.), D. Cascarino (29e), Toletti (45e), Orav (52e, csc), Diani (53e), Tounkara (65e, 72e), Heleri Saar (79e, csc) pour la France

France : Pauline Peyraud-Magnin – Eve Périsset, Aïssatou Tounkara (cap.), Élisa De Almeida, Sakina Karchaoui puis Perle Morroni (46e) – Charlotte Bilbault, Grace Geyoro, Sandie Toletti puis Kenza Dali (46e) – Kadidiatou Diani puis Viviane Asseyi (62e), Marie-Antoinette Katoto puis Naomi Feller (77e), Delphine Cascarino puis Melvine Malard (62e). Sélectionneure : Corinne Diacre

Estonie : Karina Kork – Maria Orav puis Marie Saar (73e), Sandra Liir, Inna Zlidnis (cap), Heleri Saar, Liisa Marisalu puis Eva Maria Kriisa (87e) – Vlada Kubassova Grete Daut, Paula Maria Mengel puis Eva Maria Niit (63e), Kristina Bannikova – Emma Treiberg puis Signy Aarna (46e) puis Gerli Israel (87e).  Sélectionneur : Jarmo Matikainen