Bordeaux est tactique ? Bordeaux est physique ? Bordeaux est technique ? Un peu de tout cela, pourquoi pas ; mais si vous cherchez une caractéristique précise qui dure dans le temps, je vous propose celle-ci : « Bordeaux a du cœur ! »

Bordeaux a du cœur

Après ses deux rencontres pré-qualificatives européennes en Suède, où les coéquipières de Charlotte Bilbault sont allées chercher leurs qualifications sur des détails qui ressemblent bien à du jeu flamboyant, de l’émotion, de l’envie, de la volonté. Quelque chose qui touche le cœur des autres et qui vient du cœur des joueuses.

Un capital rare dans le milieu du football professionnel.

Vfl Wolfsburg, largement favori

Le Vfl Wolfsburg a une sacré réputation européenne. Challenger de l’Olympique Lyonnais dans la décennie 2013-2020 avec deux titres et trois finales – dont quatre sur cinq ont été jouées contre le club de Jean-Michel Aulas- ; tout juste second de la Bundesliga derrière le Bayern de Munich en 2021, le club a du palmarès.

Les Girondines de Bordeaux, ex-Blanquefort réputée pour être la ville de Ford – partie ailleurs -, intégrés par le club masculin en 2016, montée en 2017, pointe son nez pour la première fois en Europe, au bénéfice d’une qualification pour les 3e des championnats majeurs que sont : l’Allemagne, la France, l’Espagne, la Suède, l’Angleterre, et la République Tchèque.

La différence est colossale. Un point commun aurait pu être la situation économique difficile des deux clubs, présentés à l’intersaison, à deux doigts du dépôt de bilan.

Un match où la force a été allemande mais l’énergie a été bordelaise

Les onze joueuses bordelaises l’ont compensée avec le cœur. Anna Moorhouse sort un premier arrêt décisif sur une erreur de Malya Berkely. Une erreur qui fait trembler la voie de Patrice Lair, nous en sommes à la cinquième minute et la défenseur centrale vient quasiment de donner la balle à la meilleure joueuse adverse, Ewa Pajor, au pied de la surface de réparation, sans bordelaise devant elle ! Un problème de contrôle incroyable, pas une joueuse pour lui reprocher. La tête est ailleurs, le cœur bordelais respire d’un même souffle.

Patrice Lair garde son souffle et sa voix. Il en aura besoin, il jouera du Bel canto pendant quatre vingt dix minutes.

A l’ancienne. Une opposition incroyable avec la jeune génération de Tommy Stroot, le manager de Wolfsburg. Fin, grand, stoïque qui a failli en prendre une de Claire Lavogez, à s’amuser à lui retirer la balle sur une touche, aux dernières secondes de la première mi-temps.

Dans la foulée, Bordeaux fait quelques animations intéressantes et Ines Jaurena bénéficia d’un trou, une balle décalée aux vingt mètres, sans personne pour l’empêcher. La joueuse connue pour son physique, la joua technique. Elle ne força pas son tir, juste une cuisse ferme et la vitesse de jeu donna une belle ligne droite cadrée que Weiss sortait d’une horizontale maitrisée !

Le match se jouera d’ailleurs selon ce tempo. Action de Wolfsburg, réaction immédiate de Bordeaux.

Wolfsburg sait depuis longtemps que les joueuses françaises ne sont pas au niveau de la tête. Les féminines dans leur ensemble d’ailleurs. On est dans le domaine où la différence avec le jeu masculin est le plus prégnant.

Imaginez une longue balle en cloche de la défenseur centrale allemande, Oberdrof. Trente cinq mètres qui monte haut et plonge derrière la latérale Lardez, pour trouver verticalement Wolter. Impossible à aller chercher, à moins de lui manger un beckhoff sur la tête. La milieu allemande, taillée XL, la renvoie de la tête au milieu du jeu où, simple comme bonjour, Ewa Pajor (1-0, 13′), l’accompagne d’une troisième tête pour marquer un but où tout le monde a regardé l’action, sans pouvoir ou comprendre ce qui était en train de ce passer.

Premier quart d’heure, (1-0, 13′) face au géant Wolfsburg, on commence à craindre. Le speaker en sourit de bonheur lui qui nous joue une annonce à la mode argentine.

Il n’a pas fini ses élucubrations que Bordeaux, dans l’instant, égalise. Une percée de Melissa Herrera et un plat du pied de Katja Snoejs. But (1-1, 14′).

Le speaker a le moment de silence qui fait mal. Patrice Lair se dit qu’il y a un truc avec cette équipe, nous aussi. Et le coach allemand se demande comment on peut prendre un but, tout juste après en avoir marqué un, sans que l’action ne soit si difficile à enrayer. Il a raison sauf que la différence était dans le cœur bordelais. Elles ne voulaient pas perdre ce match.

Pourtant ce n’était pas la journée de Berkely. Un mauvais contrôle dès le début du match sauvé par Moorhouse, la tête d’Ewa Pajor alors qu’elle est au marquage, et un dernier mauvais contrôle dans la surface donnant, cinq minutes plus tard, le but de l’avantage pour Wolfsburg, sur un gauche au point de pénalty (2-1, 19′).

Bordeaux garde l’espoir avec deux actions de Snoejs, dont une tête qui aurait dû être gagnante. La joueuse se prenant la sienne à deux mains. Je vous l’ai dit, les féminines et la tête, c’est pas cela. Sauf pour Vanessa Gilles, la canadienne dont la médaille d’or aux Jo de Tokyo lui a donné une confiance et force incroyable.

Wolfsburg, pourtant, pense que le meilleur est fait quand Janssen, s’élève au deuxième poteau pour une seconde tête gagnante (3-1, 59′). Là, cela fait mal. La différence est notable. Sauf que le cœur bordelais ne le veut pas. L’équipe croit en sa chance, les joueuses le sentent. Elles pressent plus haut, au milieu. Les allemandes sont fatiguées par l’heure de jeu. Les contacts et contrôles s’échappent. Il suffit de cinquante centimètres pour être en retard. Un premier taquet bordelais, un second, un troisième. cela sent le problème du côté de Wolfsburg.

La jeune Mickaëlla Cardia, entrée à la 40′ suite à la blessure de Herrera, se met au niveau de l’intensité des Bilbault, Lavogez, Snoejs, Jaurena. Le groupe suit. Wolfsburg n’a plus la possession Se fait contrer immédiatement au milieu, lançant une série de pointes qui va laisser présager le second but bordelais. Folkerstma prend la balle dans les pieds d’une allemande, lance Cardia qui ne doute pas malgré les kilos et la taille d’Oberdorf au contact pour glisser un plat du pied d’entraînement au fond des filets. (3-2, 70′).

Il reste vingt minutes de jeu. Assez pour tout basculer. Patrice Lair la jouera défensif. Son adversaire n’ira pas plus loin. En avait-il les possibilités ?

Le match se terminera sur ce score. Bordeaux est devant une montagne, qui eut été bien moindre selon l’ancienne règle des buts à l’extérieur. Il va falloir marquer deux buts sans en prendre ou de réaliser une victoire avec deux buts d’écart.

Difficile mais pas irréalisable. Wolfsburg a montré assez de défauts pour que les bordelaises puissent y croire. Avec un tel cœur, il faudrait être fou pour ne pas y croire.

William Commegrain Lesfeminines.fr

UEFA Women’s Champions League – Deuxième tour – Match aller
Mercredi 1er septembre 2021 – 18h00
VfL WOLFSBURG (ALL) – FC GIRONDINS DE BORDEAUX : 3-2 (2-1)
Wolfsburg (AOK Stadion)
Temps partiellement nuageux (20°C) – Terrain en bon état
Spectateurs : 637
Arbitres : Lorraine Watson (Écosse) assistée de Vikki Michelle Allan (Écosse) et Vikki Robertson (Écosse). 4e arbitre : Abbie Hendry (Écosse)

Buts :
1-0 Ewa PAJOR 13′ (Long ouverture de 40 m d’Oberdorf pour trouver la tête de Wolter à l’angle droit des 5,5 m qui remet pour la tête de Pajor à la conclusion dans les 5,5 m plein axe en ayant échappé à Berkely)
1-1 Katja SNOEIJS 14′ (Herrera sur le couloir droit prend le dessus et vient centrer au premier poteau pour Snoeijs qui coupe le ballon du droit afin de conclure à bout portant au ras du montant)
2-1 Jill ROORD 19′ (Sous la pression de Pajor au point de penalty, Berkely renvoie le ballon sur Roord seule à 10 m qui croise une frappe du gauche)
3-1 Dominique JANSSEN 59′ (Faute stupide de Cardia à 30 m côté gauche. Le long coup franc de Huth trouve la tête de Janssen au second poteau à 6 m qui croise sa reprise pour placer le ballon sur la droite de Moorhouse restée sur sa ligne)
3-2 Mickaëlla CARDIA 70′ (Folkerstma à 30 m glisse le ballon à Cardia qui résiste dans son duel avec Oberdorf à l’entrée de la surface avant de fixer la gardienne et de conclure en ouvrant son intérieur du pied gauche de 8 m sur la droite de la gardienne)

Avertissements : Lena Lattwein 53′, Joelle Wedemeyer 83′ pour Wolfsburg ; Maëlle Garbino 50′, Andréa Lardez 74′, Mickaëlla Cardia 90′ pour Bordeaux

Wolfsburg : 30-Lisa Weiß ; 4-Kathrin Hendrich, 5-Lena Oberdorf, 6-Dominique Janssen (cap.), 24-Joelle Wedemeyer (23-Sara Doorsoun-Khajeh 76′) ; 8-Lena Lattwein ; 28-Tabea Waßmuth (21-Rebecka Blomqvist 62′), 10-Svenja Huth (16-Sandra Starke 83′), 14-Jill Roord (33-Turid Knaak 62′), 20-Pia-Sophie Wolter ; 17-Ewa Pajor. Entr.: Tommy Stroot
Non utilisées : 12-Julia Kassen, 9-Anna Blässe, 19-Sofie Svava, 22-Shanice van de Sanden

Bordeaux : 1-Anna Moorhouse ; 23-Andréa Lardez, 13-Malia Berkely, 4-Vanessa Gilles, 17-Eve Périsset ; 6-Charlotte Bilbault (cap.), 14-Inès Jaurena (8-Sisca Folkertsma 65′) ; 7-Melissa Herrera (12-Mickaëlla Cardia 41′), 10-Claire Lavogez, 15-Maëlle Garbino (21-Ella Palis 52′) ; 25-Katja Snoeijs (2-Svava Rós Gudmundsdóttir 65′). Entr.: Patrice Lair
Non utilisées : 16-Mylène Chavas, 9-Mélissa Gomes, 24-Marine Perea, 28-Paige Culver, 29-Julie Dufour, 33-Marion Haelewyn