Lausanne. 26/08/2021. Le 100M du meeting de Lausanne, une des quatorze réunions formant la Ligue de Diamant, avait le cœur battant lorsque le speaker énonçait, graduellement, les huit sprinteuses venues faire leur course. Un sprint d’une autre couleur depuis qu’Elaine Thompson-Herah, avait fait effondrer le mur des 10″60. Une première fois aux Jo de Tokyo, sur un 10″61 devenu le nouveau record olympique, une seconde fois au dernier meeting de la compétition, avec un 10″54 impensable et pourtant réalisé.

Le monde des sportifs étaient à l’écoute de la performance, attendant un chrono historique, l’œil brillant, prêt à entendre que le record du monde de 10″49, établi par Florence Griffith Joyner en 1988, tombe définitivement dans l’oubli. Mettant un terme à cet habituel complément d’informations que tout journaliste se doit de préciser : « un record suspect ». Encore plus justifié par sa durée, trente-trois ans, sans avoir pu être touché. Les performances tournant autour de 10″80 à 10″70 pour les meilleures.

La lumière illumine la jamaïcaine de 29 ans, mettant dans l’ombre les adversaires.

Que doit penser cette sportive de haut niveau quand elle n’a que 10″ et un peu plus pour réaliser SA performance ? A comparer avec des joueuses de football, son droit à l’erreur est proche de zéro. Imaginez la dose de confiance, de puissance, de force que cette femme doit avoir quand tout le monde attend sa victoire, mais plus, un record.

Elle pratique dans un sport où, les adversaires, ont le pulseur mental au même niveau. Notamment dans cette course, où toutes courent en-dessous de 11″. Le très haut niveau.

Chacune a sa concentration.

Il est incroyable de voir à quel point le langage non-verbal, fait de bienveillance, ne correspond en rien, à l’énergie interne qui va propulser, une minute plus tard, ces sprinteuses dont chaque impact doit être au maximum de leurs possibilités de l’instant.

On parle du mental des joueuses ou des joueurs lors de la séance des tirs au but. On est loin du niveau demandé dans un 100M, qu’il soit féminin ou masculin. L’espace est grand pour marquer, la balle va bien plus vite que la réaction d’un gardien ou d’une gardienne. Personne pour n’empêcher le tireur de réussir sa performance. Juste soi-même.

Il y a longtemps que les sprinteurs et sprinteuses maitrisent le « soi-même ».

A l’arrivée, Elaine Thompson-Herah arrive seconde avec un 10″63. Très belle performance mais seconde. Devant elle, elle trouve une mère de famille de trente-quatre ans, seconde au JO, passée première, lui rendant quinze centimètres de taille. Shelly-Ann Fraser-Pryce a un passé, elle est à deux doigts de se créer un avenir. 10″60, troisième meilleure performance de tous les temps. Une petite bombe d’un mètre cinquante deux !

De sa première à sa dernière foulée, elle voulait s’imposer à son adversaire. Une telle envie, détermination, impulsion, qu’il a été impossible, à sa compatriote jamaïcaine, malgré son accélération en fin de cent mètres, de prendre les devants.

Vingt-neuf ans perd contre trente-cinq ans. Célibataire perd contre maman. Or Olympique quatre fois, perd contre Argent. Lumière des médias perd contre ombre en contre-jour.

On sent Elaine Thompson-Herah incrédule. Surprise. Elle ne s’y attendait pas. Elle cherche la part de réalité, s’imposant à elle.

C’est incroyable à quel point ces sportives ont le sourire après une telle intensité.

Samedi après-midi, à Charlety (Paris), au meeting de Paris, se jouera un prochain 100M. Les mêmes seront au départ. L’intensité aurait été là. Il y aura plus dans ces 10″ et quelques centièmes. D’abord de l’orgueil, d’abord de la puissance, d’abord de l’adversité et peut-être un impensable record du monde.

Il y a beaucoup à apprendre des autres dans la performance. Aucune joueuse de football ne s’intéressera à cette course. Le sport a des limites incroyables. Chacun croit que son église est la seule. Peu apprennent des autres. C’est un axe de développement qu’elles devraient avoir.

William Commegrain Lesféminines.fr