Football féminin. Si les parisiens se sont posés des questions quant au départ nombreux de joueuses phares, les Girondins de Bordeaux sont aussi dans l’interrogation.

Qualifiées avec talent pour la compétition européenne, les nouvelles bordelaises jouent ce soir face contre le FC Slovácko en Suède, siège d’un tournoi à quatre. Un club tchécoslovaque inconnu qui ne devrait pas poser de problèmes aux représentantes françaises. Ou alors, ce serait à s’arracher les cheveux !

Un premier match européen dans un groupe de quatre équipes, dont le vainqueur rencontrera samedi, l’autre gagnant de l’opposition entre Brondy (Danemark) et les suédoises de Kristianstad. Là, la musique ne sera pas la même, ce sont deux clientes habituées aux confrontations européennes.

Ce test sera réel, en aller-retour, et donnera le ton de ce nouveau Bordeaux pour le championnat français.

Avec Patrice Lair, au cv XXL (finaliste WCL en 2017, vainqueur WCL 2011 et 2012) comme coach, devant faire face à une section et un club ayant beaucoup bougé entre la saison 2021 et celle à venir.

Le passé performant de Bordeaux aura-t-il une influence sur le futur ?

Bordeaux 2017 et Bordeaux 2021 n’a pas la même teneur pour tout spécialiste du football féminin. La dynamique bordelaise a été impressionnante pour arriver à cette première qualification européenne.

Voilà un club monté en D1F Arkema pour la saison 2017, après que le club de Blanquefort ait été « racheté » par le club professionnel, masculin, en 2016. Une première année sur le fil de la descente, ne gagnant son maintien que lors du dernier match face au Paris Saint Germain de Patrice Lair d’ailleurs, tout nouveau coach intronisé bordelais cette saison.

La création du poste de directeur sportif, option féminine, donné à Ulrich Ramé, ex-bordelais, étant devenu coach ponctuel de la Ligue 1. Plutôt rare pour un club sans ambition potentielle autre que le maintien dans une division où traditionnellement, qui monte, redescend. Pourtant, à chaque saison, les bordelaises finiront 7e, 4e et 3e en 2020, avec mention particulière pour le technicien de l’époque, Jérôme Dauba, élu meilleur coach de D1F par ses pairs en 2018 et 2019.

Une situation qui n’a pas empêché Ulrich Ramé de ne pas renouveler sa mission pour aller chercher un nouveau coach, espagnol exerçant en Angleterre : Pedro Miguel Losa. Une première en D1F où la seule question était de compter les coaches féminins face à ceux masculins. Une première réussie puisque, sous ses directives, les bordelaises confirment leurs arrivées chez les Bleues : Charlotte Bilbault, Eve Perisset ou les intègrent comme Ella Palis, Julie Thibaut, Estelle Cascarino, voire Ines Jaurena, pour un retour.

Que du (+) à Bordeaux, dans une phase ascendante, La restructuration de l’épreuve européenne ouvrant même droit à une troisième équipe européenne.

Bordeaux est donc sur un nuage en cette saison 2021-2022 !

Sauf que, la grande Khadija Shaw (180), meilleure buteuse du championnat 2021, jamaïcaine, ayant étudié aux Etats-Unis, venue juste après la coupe du monde 2019, est partie à Manchester City. Vingt et un but au compteur, loin devant la seconde bordelaise, plus fine et rapide, Snoeijs Katja, malheureusement auteure, seulement de neuf buts. Il faut donc trouver des joueuses de remplacement. Ce qui a été fait avec deux rémoises, Melissa Gomes et Melissa Herrera, en verve la saison dernière.

Sauf que, en pleine préparation, le coach Pedro Miguel Losa a quitté sa fonction de coach pour prendre la sélection nationale féminine écossaise.

Sauf que, Ulrich Ramé est parti prendre le poste de directeur sportif du Paris Saint Germain.

Sauf que, pendant deux mois, le club des Girondins de Bordeaux, annoncé en dépôt de bilan, sous mandat « ad hoc » accordé par le Tribunal de Commerce, a cherché un repreneur qui n’a été validé que dans la dernière quinzaine, en la personne de l’ancien Président du Losc, Gérard Lopez

Sauf que, nouvelle saison arrivant, les départs de joueuses remplacées par les arrivées ne garantissent jamais d’un résultat, et surtout d’une équipe. Essentielle pour aller au bout d’un championnat avec l’ambition de gravir les échelons. Là, deux places sont à prendre. Elles sont occupées par le Paris Saint Germain et l’Olympique Lyonnais depuis dix saisons maintenant. Avec une seule intrusion en 2017 de Montpellier. Cela donne l’ampleur de la tâche. Et sa difficulté.

Le club reste, les hommes changent.

Auparavant, dans le football féminin, les joueuses restaient dans les clubs. Elles y faisaient leur vie professionnelle et privée. La mobilité était rare, toutes les joueuses n’avaient pas le talent d’être sollicitées par l’Olympique Lyonnais, qui absorbait les meilleures de l’hexagone comme de l’étranger.

Quand une joueuse partait, le club chancelait d’émotions et d’interrogations.

Aujourd’hui, avec la professionnalisation du football féminin, on se trouve à l’identique du football masculin. Les femmes changent mais le club reste. Son identité et sa performance peuvent tanguer mais la structure les maintient à flot. Ce qui est moins maitrisé en football féminin : quel est le niveau de modifications absorbables et supportables par une section féminine ? Notamment pour un club 3e du championnat ?

Les précédents de Montpellier et du Paris Fc (ex-Juvisy) nous ont montré que cela tanguait sévèrement en performances dans une section en mouvement.

Bordeaux va nous donner une réponse, sa réponse. La rencontre européenne de ce soir et les suivantes doivent nous apporter cet enseignement. De cela, on en déduira la qualité de l’amortisseur du football féminin français, notamment dans sa « liaison intéressée » avec les clubs professionnels masculins.

Argent et budget, êtes-vous toujours là ?

William Commegrain Lesfeminines.fr