Le parcours du Canada aux JO de Tokyo n’est pas extrêmement dominateur. Deux matches nuls sur quatre matches, le premier pour le match d’ouverture face au Japon (1-1), le second pour le 3e et dernier match de groupe contre le Royaume-Uni (1-1) ; il n’y avait rien d’exceptionnel. D’autant que la rencontre en 1/4 s’était jouée aux tirs au but (0-0, 4 à 3) contre le Brésil. Au bilan avant d’affronter les USA, l’équipe d’Ashley Laurence et Jordyn Huitema n’avait qu’une seule victoire contre le Chili. (2-1), 37e FIFA.

Il fallait avoir du rêve dans la tête pour rêver d’une victoire face aux USA.

Ce rêve, les vingt-deux canadiennes l’avaient toutes, y compris leur modeste coach, Bev Priestman, seule femme à ce stade des demi et, venue à la tête de la sélection après avoir été la coach adjoint de ce team féminin. Il se résume à quelques mots « changer la couleur de la médaille ».

En 2012 à Londres, elles avaient pris la médaille de bronze à la France, sur un but à la 93′ (1-0). En 2016, à Rio, après une Coupe du monde (2015) perdue à domicile au stade des 1/4 de finale, elles avaient renouvelé l’exploit en prenant le bronze, confirmant la statistique d’être la première équipe canadienne à prendre une médaille olympique dans un sport collectif.

Huitième FIFA ! Depuis vingt ans, elles subissent la force des américaines dans cette confédération qu’elles partagent avec les USA. Les « stars and stripes » prennent le titre continental, les canadiennes font la finale. La marche était haute, à chaque fois trop haute.

Il fallait qu’elles soient armées contre les USA pour remporter cette victoire. Elles l’ont été, dans une rencontre fermée, sur un pénalty de Jessie Flemming à la 72′ (1-0), obtenue à la demande de la VAR qui a relancé l’arbitre pour une faute de la jeune Tierna Davidson sur Deanne Rose, entrée en cours de jeu (60′).

Avec cette victoire, le Canada entre dans l’Histoire. Elle devient la deuxième équipe de football à prendre une médaille dans trois olympiades consécutives (2012, 2016, 2020) et la première canadienne. Elles améliorent et réalisent leur objectif : « changer la couleur de la médaille ! ». Elles le font en gagnant les USA qu’elles n’avaient pas battu depuis vingt ans (2001). Elles renversent leur « chat noir ».

Avec cela, les canadiennes marchent sur l’eau. Elles ont un mental d’enfer, elles savent rêver.

Un fait de jeu que le niveau des américaines, insuffisant, a rendu déterminant.

Les USA sont en train de se transformer en une équipe forte mais sans atout majeur. Auparavant, la possession, le physique, la détermination et la jeunesse étaient tels que sur les quatre-vingt dix minutes et plus d’une rencontre, il était impossible pour un adversaire de se mettre au niveau sur ces quatre indicateurs.

Au mondial 2019, dernière grande compétition internationale, déjà moins forte dans ces indicateurs, elles avaient ajouté le mental et l’intelligence pour prendre consécutivement le deuxième mondial (2015-2019) et rajouter une quatrième étoile sur leur poitrine, sur les huit possibles.

A l’évidence, le report de Tokyo 2020 en 2021 leur a été très préjudiciable. Elles se sont retrouvées avec une équipe faite d’expérience auxquels l’histoire leur accordait la priorité, sans avoir pu, avec le Covid, faire entrer de nouvelles joueuses prometteuses, faute d’un championnat, résumé à un tournoi d’un mois en 2020 quand les européennes jouaient seize matches en 2020 et vingt deux en 2021.

Elles sont donc venues avec un passé alors que les adversaires jouaient avec un présent.

Cela a donné cinq rencontres où la présence américaine s’est considérablement réduit dans le camp adverse. Faute d’attaquantes rapides, les occasions devant le but se sont trouvées réduites à un jeu placé, opportunités trop peu nombreuses pour se terminer par des buts et des rencontres significatives. De plus, la lenteur au centre de la défense et la dimension trop physique du milieu n’a pas crée le football champagne qui aurait été la réponse des USA. Rose Lavelle, au top de ce style de jeu lors du mondial 2019, n’a pas retrouvé ce jeu aérien du milieu de terrain. Faute de profils complémentaires, les USA ont tiré le meilleur de ce qu’elles pouvaient faire dans cette olympiade.

Aller chercher une médaille de bronze, avec le risque de prendre la plus mauvaise des places, la 4e face à l’Australie.

Alex Morgan, au centre du jeu, n’a jamais eu d’occasions à jouer dans l’heure de temps de jeu que le coach américain lui donnait. Elle finit très bien les balles dans les espaces, il n’y en a pas eu, faute d’un milieu créateur. Carli Lloyd, plus physique, est celle qui a eu le plus de possibilités, sauf que le jeu n’était pas en sa faveur. Elle a souvent trouvé la barre, le poteau où la gardienne. Megan Rapinoe ou Tobin Heath, excentrées, appelées à centrer ou dribbler, n’ont pas trouvé les « trous de souris » qui font leurs qualités et diableries. Les latérales, O’hara et Dunn, sont restées latérales.

L’équipe américaine a joué comme une dixième mondial.

Elle sort de son rêve d’être la seule équipe à réaliser le doublé Mondial-JO dans la continuité.

Il va falloir qu’elle trouve des solutions car, aujourd’hui, les adversaires savent qu’en compétition, même pour les Jeux, qui semblaient être la leur, elles sont battables.

Si elles perdent contre l’Australie, en retrait, on risque de parler du palmarès des USA, au passé. Elles ne sont pas faites pour jouer tactique.

William Commegrain Lesfeminines.fr