La défaite de l’Angleterre, après avoir mené à domicile (1-0) dès la 2e minute, avec 50.000 anglais grondant leur bonheur dans le stade mythique de Wembley, doit être une raison d’en tirer des enseignements.

A ce niveau de l’enjeu, après une « lettre d’amour » de la Reine d’Angleterre, un titre international que l’Angleterre n’a gagné qu’en 1966, les habillant d’une réputation « d’habituels losers » des demi-finales, pour un pays, leader du football mondial des clubs, vainqueur de la Ligue des Champions 2021 (Chelsea) et 2019 (Liverpool), la défaite anglaise serait qualifiable, en droit français, d’une faute lourde mettant un poids encore plus marquée à cette réputation qui colle aux « Three Lionesses ». 

On doit jouer pour marquer deux buts, et ne jamais espérer gagner une rencontre (1-0) autrement qu’en le constatant.

Se contenter de défendre, avec un score aussi peu marqué, face à un adversaire italien ayant autant de raisons et de compétences à penser remporter cette finale est une erreur.

L’Italie, c’est à ce moment, trente-trois victoires de rang. Trois années sans défaite, un record national et une performance européenne.

Il fallait être vraiment têtu pour penser que l’Italie ne marquerait pas.

Plus que cela, Southgate, ne pensait-il pas déjà aux prolongations alors que vingt minutes étaient disponibles au chrono suite à l’égalisation de Bonucci (1-1) quand Henderson (Liverpool, 74′), défensif entre à la place de Rice (West Ham) ? Alors qu’un banc offensif incroyable le regardait de dos, fort d’une envie incroyable de poser ses crampons sur ce terrain anglais.

A la réflexion, c’est à l’évidence une erreur. La rentrée tardive (99′) de Jack Grealish (Aston Villa, numéro 7) montrant en peu de temps son talent de gaucher. Celle de Markus Rashford (Manchester United) à deux minutes de la fin des prolongations (120′) comme de Jadon Sancho (Dortmund) au même moment, sont sans intérêt sur le jeu. Les deux éléments anglais ayant même eu la chance de toucher deux ballons dans ces deux minutes de présence !

Je me demande, si le coach anglais n’a pas fait un acte manqué inconscient : aller aux prolongations. Jouer les tirs au but. Et dans son esprit, gagner ?

Une revanche personnelle sur son aventure de l’Euro 96 que tous les médias n’ont pas manqué de lui rappeler. C’est à se demander tellement ses choix ont été surprenants !

On doit jouer avec un groupe et pas un onze ou un treize.

Il faudra l’égalisation de Bonucci (67′) pour que le coach anglais commence à incorporer du sang neuf avec l’entrée du jeune Saka (19 ans, Arsenal, 70′) au lieu et place de Tripier (Atletico Madrid). La défense à cinq passant à quatre avec le couloir défensif pour Kyle Walker (Manchester City).

Il attendra la 99′ (Grealish) pour faire son 3e et dernier changement dans le jeu, quand cinq était à sa disposition dans les 90′ premières minutes, six avec les prolongations !

L’Italie de son côté, avait fait ses six changements (54′, 55′, 86′, 91′, 96′, 118′) sans puiser à l’excès dans la performance des titulaires mais pour maintenir un niveau de jeu. J’avais le sentiment d’assister à un match de rugby du côté italien lorsque chacun entre, pour apporter, avec sa différence mais conscient de son utilité. Alors que du côté anglais, la consigne était de se mettre dans le moule défensif. Jouer en minimisant ses qualités, voire en les mettant au panier.

L’Angleterre a perdu son groupe en gérant avec raison -celle du coach- mais sans humanité ce championnat.

Remarquez à quel point Markus Rashford est loin de son coach quand ce dernier le fait entrer latéral droit à la 120′ ! Il va même chercher la confirmation de ses consignes auprès d’un adjoint dans les tribunes, loin de la présence de Southgate, son sélectionneur, qui lui est totalement indifférent. Il faut être fort dans la tête pour penser, à ce moment, que tu vas sauver l’Angleterre et que tu as la confiance de ton sélectionneur pour ce faire !

D’ailleurs le pénalty tiré par l’attaquant de Manchester United est un combat individuel. Il ne tire pas pour son équipe. Il est dans un monde personnel qu’il s’est crée pour se protéger. Dans une bulle.

Le coach ne doit pas tout faire. Il doit s’adapter.

Le coach est un être humain à responsabilités et pouvoirs. A un moment, il doit équilibrer entre son pouvoir et sa capacité à comprendre qu’il n’est pas capable, à lui seul, de trouver les meilleures solutions.

Au bilan, dans un sport collectif, Gareth Southgate a joué perso. Trop.

Il s’est entêté dans son dispositif tactique ne voyant même pas la montée de Chiellini en milieu de terrain gauche excentré, laissant un boulevard à des joueurs anglais de contre comme Rashford, Grealish qui aurait pu enfin donner des opportunités à Kane ! L’avant-centre anglais n’ayant tiré aucune fois dans la rencontre. Le futur gardien italien du PSG, Gianluigi Donnarumma, meilleur joueur du tournoi, ne s’étant d’ailleurs employé que sur les corners et coups de pied arrêtés.

Il faut avoir des œillères pour ne pas s’être interrogé sur cette statistique du moment.

Southgate a tellement joué perso, qu’il a même fixé les tireurs au but sans leur demander un avis.

Dans la rencontre, je me suis demandé s’il ne faisait pas un acte manqué en allant vers ces extrêmes. Lui qui avait fait chuter l’Angleterre aux tirs au but, en demi-finale de l’Euro 96 organisé à domicile (1-1, Allemagne). Au final, je ne suis pas loin de le penser. A partir du moment où la performance sportive n’est que la condition de ton être sur le moment, l’analyse a le droit d’être dite, entendue et discutée.

Certes, on reproche à Didier Deschamps d’avoir trop écouté son groupe.

On pourrait reprocher à ce point de vue d’être le simple constat passé d’une contre-performance qui aurait pu donner un titre puisque la finale ne s’est perdue qu’aux tirs au but. La critique doit s’entendre. La réponse tout autant.

Tu ne peux pas faire jouer un groupe contre ses qualités. L’Angleterre, offensive, a joué défensif à l’excès. Elle en a perdu des éléments de son groupe. Au final, quand la victoire se joue à l’instant (tirs au but), gagner relève de la chance.

En fait et en droit, la performance, dans un sport collectif, s’annonce dans et par le groupe.

Si un risque doit être pris, autant qu’il soit celui de faire confiance au jeu et à ses joueurs. Surtout quand tu es à domicile, et que 50.000 spectateurs ne souhaitent qu’une chose : faire comprendre à l’adversaire qu’il est bien le douzième homme. Ce que les fans anglais nous garantissent.

WIlliam Commegrain Lesfeminines.fr