Soixante dix neuf ans et postuler à un quatrième mandat consécutif de quatre ans. Résumez le futur du vote de la Présidence de la FFF à cette vérité là dans n’importe quelle discussion parisienne et vous avez de l’incrédulité en face. Voire de l’incompréhension.

C’est ainsi. Les jeunes stratèges renvoient chacun à la réalité de notre monde.

Un monde du numérique qui n’en est qu’à sa phase de lancement et dont personne n’est capable de prévoir ce qui sera à faire dans quatre ans mais dont tous savent qu’il ne faut surtout pas rester sur ses acquis tant le monde change et change. Donc là, à moins de se prendre pour un Steve Jobs (Apple), ils ne comprennent pas la volonté de continuer.

Les « quadra », éduqués au changement du régime présidentiel décidé par Lionel Jospin et validé par Jacques Chirac, passant chaque période présidentielle d’un septennat à un quinquennat, renouvelable au maximum une fois ne comprennent pas la répétition. Quatre mandats ? Ils imaginent des « freins », « subtilités » internes mettant à mal les talents potentiels, concurrents à venir.

Ils comprennent pour l’avoir subi mais maudissent cette stratégie passée qui laisse de côté les iconoclastes de la vision de Demain. Alors que dans leurs organisations, on leur demande de pousser les talents, tant le Monde d’hier, à l’essence, passe seulement à l’électrique alors que le véritable marché à conquérir est celui de l’hydrogène. Tout cela en dix ans. Le monde va très vite. Nous sommes « drogués », « biberonnés » à l’innovation.

L’innovation et le design, voilà ce que les jeunes attendent, demandent et désirent s’associer. Economie de la fonctionnalité, économie collaborative, plateformes numériques. Des mots si vite sortis qu’ils en sont inconnus pour beaucoup avant que dans quatre ans, d’autres arrivent et leurs succèdent. L’innovation, le design, les réseaux sociaux, voilà le quotidien à aimer, maitriser, et développer pour le futur.

Les jeunes retraités, bénévoles dans l’âme, justifient la durée par la connaissance du milieu et les appuis politiques.

Sauf que Jean-Michel Aulas (voix délibérative) comme Noël Le Graët (voix consultative) ont totalement entériné le projet Mediapro quand il a été soumis au vote du CA de la LFP. Sauf que Noël Le Graët souhaite Michel Denisot comme Président de la LFP et que c’est Vincent Labrune qui est sorti du chapeau. Sauf que les jeunes cherchent la réalité de ses appuis dans cette période de Covid et de MediaPro qui a laissé le football dériver en fonction des situations. Un coup oui, un coup non. Un coup on bloque quand les autres débloquent. Un confinement du 16 mars 2020 que la FFF apprend comme tout le monde, à l’écran. Un Médiapro qui n’a fait que du business quand on aura à raconter cette période passée. Sans être compris et anticipé par les autres. Nouvelles règles. Nouveaux coups. Nouveaux consensus.

Un sentiment qu’il y a comme des fritures entre le Ministère des sports et la FFF, pas aidé par les controverses entre Jean-Michel Aulas et Roxana Maracineanu. Pas aidé avec les propos dits « sexistes » de Noël Le Graet résumant sur RMC Sport la discussion entre Corinne Diacre et les joueuses « Elles peuvent se tirer les cheveux, ça m’est égal ! ». Sans parler des propos racistes, homophobes, violents qui gangrènent les stades quand le public est là et que le Président balaye d’un revers de la main. Certainement juste puisque parlant « d’habitudes » mais qui ne correspond pas du tout aux valeurs que la société nouvelle veut mettre en avant : « ouverture, bienveillance, liberté, investissement ».

Des réactions difficilement compatible avec la mission de délégation de service public que le Ministère des Sports a donné à la fédération. La LFP, faisant un volte-face pour s’armer d’une stratégie luttant contre ces dérives lors d’un dernier CA du 19-02-2021. Peut-être trop tard ?

Avec l’âge, les réserves diplomatiques s’effacent et c’est normal. Les gens d’expérience ont tellement vu qu’ils assimilent les différends à des coups de vent. Sauf que, ce pouvoir « des mots » donnés par l’âge deviennent « des maux » même pour ceux qui possèdent les plus grands pouvoirs. Le Président du COJO de Tokyo (83 ans), Président du Comité d’organisation de la Coupe du Monde de Rugby à l’incroyable succès au Japon, ex-premier Ministre, en a laissé sa place à quelques mois des JO pour n’avoir simplement dit « que les femmes essayaient de toujours gagner la bataille de la discussion ».

Je ne sais pas si le Président a été bien conseillé.

Si le bilan comptable est bon, la victoire en Coupe du Monde 2018 est déjà loin mais tout repose sur un homme, Didier Deschamps qui se garde bien de vouloir le bébé de la FFF. Why ?

Ne prendre que le passé comme référence ne vaut que si l’homme est prêt pour l’avenir. Le mandat doit avoir un sens. Il ne peut pas être que le constat du passé. Et que veut Noël Le Graet pour l’avenir ? On a du mal à le saisir, autrement que par sa proposition juste : « qu’un homme d’expérience est la bonne réponse aux fluctuations qui nous attendent ».

Sauf que le football est un sport de jeunes, pratiqués entre 10 et 30 ans. Eux, ne s’intéressent qu’au futur.

Et là, on a beau dire, cela va avoir du mal à coller.

Une FFF à la mode « château de Versailles » ?

D’autant que je ne sais pas qui lui a donné l’idée d’annoncer de potentiels successeurs au Figaro : « Marc Keller a le profil mais il faut qu’il vende son club. A un moment, j’ai pensé à Jean-Michel Aulas mais aujourd’hui, il n’arrête pas d’investir à Miami ou je ne sais où ? » Comment cela ? La Présidence de la FFF serait donc un trône successoral ? Là, on n’est pas dans l’ère ou l’air du temps ! Comment cela, le Président Lyonnais, 32 ans de football, Président de l’Ol Group, membre influent de la LFP, membre du Comex, et maintenant futur président de la FFF. Là, cela fait très royauté. Le château FFF ; les servants, duc et barons plus bas. Un management qui n’existe plus dans les organisations depuis longtemps. Impossible à faire avaler à la jeunesse d’aujourd’hui.

Des ducs et barons qui ont le courage de la politique. Avant de dire « oui » ou « non », ils regardent bien les conséquences de leur position pour leurs futures élections. Et là, la prime à l’audience n’est pas bonne pour Noël Le Graët. Trop de silence présidentiel par rapport au Covid dans un monde qui ne fait que crier à travers les émissions des chaînes continus, des réseaux sociaux. Dans le monde d’aujourd’hui, l’acquiescement est la pire des stratégies pour communiquer avec la masse.

Y-a-t-il un Brutus dans cette histoire ?

Je ne sais pas qui a conseillé au Président de se représenter, de manière royale, avec quasiment la même équipe. A se demander si dans ces conseils, il n’y a pas eu du « Brutus » qui veut la peau de César ? L’article du « New York Times » ayant été le premier coup d’une stratégie à plusieurs étages. Parlant au minimum d’harcèlement moral.

Sinon, il aurait mis de la jeunesse, du numérique dans son programme, du vent d’Ouest et d’Est, de l’innovation. Quelque chose qui bouge et se serait fait accompagner comme Fernand Sastre avait réussi à le faire pour l’organisation de la Coupe du Monde 1998. Une entente bicéphale avec Michel Platini, ex-joueur, ex-sélectionneur et lancé ensuite avec succès dans le monde de la politique sportive.

Difficile à dire s’il sera battu ou élu. Ce qui est sûr, c’est qu’il a manqué de l’Avenir et de la jeunesse à son prochain projet.

Sur les 31 fédérations qui ont élu un président en 2020-2021, 16 ont changé et investi un nouveau Président, dont la dernière en date : le Tennis. Cela va pas aider. C’est sûr.

15 ont renouvelé leur mandat. Une seule fédération a le même Président pour un quatrième mandat : le basket-ball. La fédération de karaté a renouvelé le sixième mandat de son Président.

Noël Le Graët, un bon bilan comptable et sportif passé. Un bilan social et politique négatif. Une base revendicatrice. Se propose d’être l’Avenir.

William Commegrain Lesféminines.fr

La liste est longue sur le site sportbusiness.club des fédérations qui ont changé de président. Le tennis l’a fait avec Gilles Moretton (ex-joueur professionnel). Pour le handball, Philippe Bana. Stéphane Nomis, 50 ans, ex-bleu des années 1990 devenu entrepreneur en informatique, a battu un Jean-Luc Rougé prétendant à un quatrième mandat de la FFJ. Bruno Gares, 55 ans, maître d’arme ancien armurier des équipes de France, a empêché une Isabelle Lamour d’aligner un troisième mandat de rang. Des fédérations à médailles olympiques. La liste continue : motocyclisme, golf, tennis de table, badminton, triathlon, skateboard, lutte, surf, taekwando, hockey, tir, Sport de glace.