Une victoire facile, utile et source d’enseignements. L’Autriche n’a pas existé face à la France dans ce match « finale » délivrant la première place du groupe de qualification à l’Euro 2022. Les joueuses qui avaient fait l’exploit de réaliser un match nul en Autriche (0-0) ont été contraintes à camper dans leur camp pendant la quasi-totalité de la rencontre, en deux lignes serrées, espérant empêcher les vagues successives des Bleues, se terminer par une valise.

Un plan qui a réussi puisque le score s’est terminé sur un (3-0) français avec deux buts de la tête (Wendie Renard et Marie-Antoinette Katoto) pour un dans le jeu et deux autres sur corner. Sauf que les autrichiennes, au fil du match, ont ressemblé à une équipe de DH féminine (Régionale) face à un adversaire de D1FArkema dans un des tours de la Coupe de France. Elles n’ont pas existé.

Quelles différences avec le match aller où les françaises n’ont pu tirer qu’un (0-0) ! L’explication est assez simple, deux jours après la rencontre. Les montées des deux latérales françaises, Sakina Karchaoui (OL) à gauche et Eve Perisset (Bordeaux)-moins haut mais tout aussi constante- ont planté le ballon dans le camp adverse, les faisant continuellement reculer, quitte à ce qu’elles s’habituent à jouer dans leurs 30 mètres, leur donnant même au fil du temps un sentiment de confort. C’est là qu’elles devaient être. Les 70 mètres restant devenaient impossibles à couvrir.

Du côté des BLEUES, Pauline Peyraud-Magnin (Atletico Madrid, 29 ans, 9 sélections), la nouvelle gardienne tricolore arrivée sur le tard dans les cages françaises, commençe à prendre le rôle de gardienne titulaire laissée par Sarah Bouhaddi (34 ans, 149 sélections). Avec l’avantage du peu d’interventions et la nécessité d’une totale concentration. A ce jeu des chaises musicales, à l’évidence, elle ne voudra pas laisser sa place. Ex-lyonnaise sur le banc (2005-2014), elle semble ne pas regretter de mettre la septuple championne d’europe et concurrente, sur le canapé de son salon. D’après les réactions de Corinne Diacre à la situation, les interventions médiatiques de la championne lyonnaise, la porte semble fermée. Elle le sera définitivement si PPM se blesse et que la sélectionneuse ne fasse pas appel à Bouhaddi.

Dans le jeu, l’animation offensive a été réellement de qualité face à une équipe classée 22e Fifa. Un match où le nombre de centres a été au niveau du nombre de tests positifs au Covid que l’actualité nous propose, chaque nouvelle journée. Impressionnant et crescendo. L’animation du côté gauche entre Sakina Karchaoui (26 ans, 38 sélections), venue cette année à Lyon, et Amel Majri (OL, 27 ans, 60 sélections) a été extraordinaire de complicité et d’empathie. L’une sachant précisément ce que l’autre souhaite. De ce côté là, avec Wendie Renard qui comprend le jeu de la latérale lyonnaise, il y a un triangle identifié et identifiable pour un jeu court offensif et une défense à l’aguet, en cas de contre.

Sur le côté droit, qu’il y ait Delphine Cascarino (OL, 24 ans, 29 sélections), titulaire ce soir ou Kadidiatou Diani (PSG, 26 ans, 59 sélections), de la génération précédente, laissée sur le banc par choix tactique ; la France renoue avec la profondeur initié par Elodie Thomis, les centres (Diani) et tirs en plus (Cascarino). Une Delphine qui d’ailleurs, doit avoir le tir le plus puissant des Bleues en exercice, tellement l’angle de la transversale de la gardienne autrichienne doit s’en souvenir (68′).

L’animation et le danger étant sur les côtés, il ne faut pas être surpris de voir le centre du jeu bien moins actif dans les offensives françaises. Il est là pour relayer le ballon latéralement où en profondeur comme chercher Marie Antoinette Katoto en appui. Un registre où la parisienne a été excellente et qui explique, une des raisons pour laquelle MAK n’a pas fait partie du groupe des 23 au Mondial. Sa qualité offensive (meilleure buteuse du championnat) n’étant pas suffisante pour correspondre au schéma tactique de la sélectionneuse française, cherchant dans ce rôle, une joueuse d’appui et une joueuse présente au centre. Alors que MAK marquait dans des chevauchées de profondeur que les Bleues ne pratiquent quasiment plus, sous les consignes de Diacre.

L’avant-centre parisienne y a été d’un doublé. Si le premier lui est servi par Delphine Cascarino sur un plateau, tête à la 27′ (2-0), le dernier est le fruit d’une nouvelle intelligence dans le jeu de la parisienne. Elle voit que le corner d’Amel Majri va être intelligemment détourné par Clara Matéo (Paris FC, 24 ans), tout juste entrée pour sa première sélection (71′), et elle plonge avant ses adversaires pour faire les trois mètres qui donneront le 3e but français et son doublé. Lui donnant une statistique de qualité. 14 matches chez les A, 7 buts au compteur.

Tout cela pourrait être le résumé de la rencontre. Sauf que tout cela n’a existé que par l’ouverture du score de Wendie Renard (OL, 122 sélections). Une joueuse d’exception. Lyonnaise. Seule à posséder la totalité des titres lyonnais et de son palmarès (14 championnats, 9 Coupes de France, 7 titres de championnes d’Europe). La première à être entrée médiatiquement en conflit avec Corinne Diacre pour un capitanat retiré, un manque de respect souhaité. Exemplaire sur cette rencontre. Buteuse à l’énergie et à la volonté pour mettre sa tête sur un corner d’Amel Majri (11′), laissant sur place son adversaire par une course intelligente et une volonté sans faille. Avec ce visage qui se déforme quand sa volonté de vaincre met son équipe sur les bons rails. Son 25e but en sélection. Pour une défenseur centrale, il y a là, certainement pas loin d’un record. Ses détracteurs diront qu’il s’agit d’une qualité de taille (1,87). Les observateurs objectifs diront que cette femme et joueuse a un mental exceptionnel dans lequel le caractère forge son quotidien. On a le sentiment, de l’extérieur, qu’elle s’arme de cette valeur comme un chevalier qui va à la guerre. Un héritage culturel et familial antillais, très matriarcal.

Voilà les Bleues à l’Euro 2022. Des statistiques très corrects. Une guerre interne. A l’évidence, elle ne s’oubliera pas et risque même d’être présente à chaque instant. Les deux parties, Amandine Henry et Corinne Diacre, sachant leurs torts mais étant encore plus convaincues d’avoir aussi raison dans leur position. Avec des points forts. Diacre avec les résultats, le statut de coach et Noêl le Graet. Amandine Henry avec les médias, le contenu en 2019, le management à l’ancienne de la sélectionneuse, dans un monde qui culturellement, bouge et transforme ses principes pour en créer de nouveaux.

Si on analyse stratégiquement la situation, Diacre va travailler pour que l’impact d’Henry se diminue avec le temps, laissant la concurrence et le système de jeu faire son office. Pour à l’idéal, rendre justifiable, le prix à payer. A noter d’ailleurs que dans cette équipe, Katoto, Geyoro, De Almeida, Cascarino, Mateo sont toutes des jeunes joueuses championnes d’europe U19 récentes et vice-championne du monde U20. Auxquelles, il faut associer Julie Thibaut, Estelle Cascarino, Sandy Baltimore, Perle Morroni, Emelyne Laurent.

Amandine Henry, si elle analyse bien le jeu français, doit se dire que ce système de jeu, bon à un certain niveau, est insuffisant pour renverser les meilleures équipes européennes (Pays-Bas, Angleterre, Allemagne). Qu’elle a sa place dans un jeu plus rapide, moins stéréotypé. A la condition qu’elle conserve son talent de faire la différence quand les autres n’en ont plus la force. A l’image de son but vainqueur contre le Brésil en 1/8e.

De ces deux trajectoires, le chemin de leur futur se créera. L’une va jouer le temps ; l’autre va jouer le jeu.

William Commegrain Lesfeminines.fr

Championnat d’Europe féminin de l’UEFA – Phase de qualification – Groupe G
Vendredi 27 novembre 2020 – 21h00
FRANCE – AUTRICHE : 3-0 (2-0)
Guingamp (Stade de Roudourou)
Match joué à huis clos
Temps couvert et humide (9°C) – Terrain excellent
Arbitres : Esther Staubli (Suisse) assistée de Michelle O’Neill (Irlande) et Susann Küng (Suisse). 4e arbitre : Michèle Schmölzer (Suisse)

Buts :
1-0 Wendie RENARD 11′ (Corner joué côté gauche par Majri qui trouve Renard qui s’infiltre dans la défense pour venir placer un coup de tête puissant plein axe sous la barre)
2-0 Marie-Antoinette KATOTO 27′ (Périsset sur le côté droit joue en retrait sur Cascarino qui centre et dépose le ballon sur la tête de Katoto à 8 m dans l’axe qui saute plus haut que Wenninger et Kirchberger et place le ballon sur le dessous de la barre qui l’heurte avant d’entrer)
3-0 Marie-Antoinette KATOTO 73′ (Corner joué côté droit par Majri qui n’est pas dévié au premier poteau par Karchaoui, traverse la défense et arrive au second poteau pour Katoto qui coupe de la semelle droit à 2 m du but)

Avertissements : Amel Majri 90+2′ pour la France ; Stefanie Enzinger 42′, Laura Wienroither 85′ pour l’Autriche

France : 21-Pauline Peyraud-Magnin ; 2-Eve Périsset, 22-Elisa De Almeida, 3-Wendie Renard, 7-Sakina Karchaoui ; 8-Grace Geyoro, 14-Charlotte Bilbault, 6-Amandine Henry (cap.) (15-Kenza Dali 60′) ; 20-Delphine Cascarino (5-Clara Matéo 72′), 12-Marie-Antoinette Katoto (13-Emelyne Laurent 84′), 10-Amel Majri. Entr.: Corinne Diacre
Non utilisées : 1-Solène Durand, 16-Romane Munich, 4-Julie Thibaud, 9-Sandy Baltimore, 11-Kadidiatou Diani, 17-Maéva Clemaron, 19-Estelle Cascarino, 23-Perle Morroni

Autriche : 1-Manuela Zinsberger ; 12-Laura Wienroither (2-Yvonne Weilharter 90+1′), 7-Carina Wenninger (cap.), 13-Virginia Kirchberger, 17-Sarah Puntigam, 19-Verena Aschauer (3-Katharina Naschenweg 61′) ; 9-Sarah Zadrazil, 16-Jasmin Eder ; 8-Barbara Dunst (18-Lisa Kolb 75′), 15-Nicole Billa (4-Viktoria Pinther 46′), 22-Stefanie Enzinger (10-Laura Feiersinger 61′). Entr.: Irene Fuhrmann
Non utilisées : 21-Isabella Kresche, 23-Vanesa Gritzner, 5-Elisabeth Mayr, 6-Jennifer Klein, 11-Besijana Pireci, 14-Celina Degen, 20-Lisa Makas