REGARD et ANALYSE. En France, le 16 mars 2020, l’hexagone « s’est mis au lit » avec interdiction d’en sortir. Cela s’est appelé le confinement.

Le football, lui, a tiré définitivement le rideau, un 28 avril 2020, sur l’intervention du Premier Ministre à l’Assemblée, lors de sa présentation du plan français contre l’expansion du COVID-19. Championnats définitivement arrêtés avec montées et descentes. Seule les Coupes de France masculine et féminine sont restées d’actualités pour se jouer, prochainement en Août 2020.

Plus de football, moins de revenu. Les calculettes ont été de sorties.

De fait comme de droit pour les contrats en cours, les revenus des clubs professionnels (40 clubs) en ont pris un coup. Une décision plus que commentée pour une saison arrêtée à ses 2/3, laissant les médias télévisés, mettre dans leurs poches, quelques 110 millions d’euros pour Canal+ et 42 pour Bein, faute de contenu à téléviser.

Des prêts compensés par des revenus TV supérieurs à recevoir.

Un trou dans les poches des 40 clubs professionnels masculins, réduit de 37 millions payés pour les matches diffusés avant l’arrêt des compétitions. Un ensemble compensé par des prêts personnels pour les clubs le décidant (l’Ol en ayant souscrit un à concurrence de 93 millions d’euros) dont la défaillance est garantie par l’Etat, encadré par un prêt global, pris par la LFP, pour 224,5 millions d’euros à répartir entre les clubs de Ligue 1. La Ligue 2 ayant reçu la quasi-totalité de ses droits TV.

Le chapitre des droits TV est donc financièrement clos même si un prêt reste néanmoins un engagement à rembourser, soit au plus court dans les 12 mois, soit au maximum dans les 60 mois, mais dont la charge financière est absorbable en raison de l’apport futur de MédiaPro pour des droits TV que la société espagnole venait d’emporter.

Une manne financière annuelle augmentée globalement (pour tous les lots) de 59,7% pour une contrepartie d’1,153 milliards, tous diffuseurs confondus (MediaPro, Bein, Free). L’investisseur espagnol, déténu majoritairement par des associés chinois, ayant investi 800 millions d’euros pour la Ligue 1 et Ligue 2. De quoi voir venir et rembourser.

Un football professionnel français impacté sur l’exploitation.

Le football français n’a plus qu’à constater que le déficit d’exploitation (aucune entrée, baisse du merchandising, des transferts et diminution potentielle des sponsors). Entre 800 à 1 milliard pour les 40 clubs, selon les différentes parties. L’Ol group annonçant, sur les marchés boursiers, une charge de 100 millions d’euros en raison du COVID.

Une difficulté absorbée par les formules de prêts rappelés ci-dessus, mais qui ne serait pas loin d’être une souffrance si la situation devait perdurer (peu de spectateurs, peu de revenus. Peu de revenus moins de transferts importants en montants et donc déséquilibre des comptes des grands clubs de la Ligue1). Les actionnaires des clubs français ayant des moyens limités, hors PSG (fonds souverain Qataris) et maintenant Paris FC (Fonds souverain Bahreïn), associés à des fonds d’Etat pour compenser.

Un chapitre qui fera partie du passé dans un temps futur, plus ou moins proche, dès lors que la jauge de spectateurs fixé à 5.000, (4.000 en tenant compte des salariés et partenaires qu’imposent l’organisation d’un match) puisse être revu à la hausse. L’équilibre financier n’étant pas atteint sur cette base.

Le football devant prendre patience comme de nombreuses activités de réception du public qui, ouvertes, sont sans rentabilité voire avec des pertes d’exploitation, en raison des restrictions d’accueil (restaurants, hôtels, spectacles, cinémas, théâtres, etc..) liées aux conditions sanitaires.

Le football féminin, au chaud sous les ailes du football professionnel masculin.

Le football féminin français vit donc dans cet environnement bousculé mais protecteur.

Pour le budget des clubs. En effet, en D1FArkema, neuf clubs sur douze sont associés au monde professionnel masculin (PSG, OL, EA Guingamp, Paris FC, Girondins de Bordeaux, Montpellier, Le Havre, Stade de Reims, Dijon Côte d’Or) auquel il sera rétrocédé en 2020-21, sur une initiative du Président Laurent Nicollin, quelques 400.000 euros pour chaque, prélevé les droits TV à venir du football professionnel masculin (enveloppe globale de 6 millions d’euros dont 85% ira aux clubs porfessionnels masculins de la D1F, 15% pour ceux de la D2F). De plus, 175.000 euros (montant dont nous avons eu l’exclusivité par Laurent Nicollin) reviendront aux trois clubs amateurs (Issy, Fleury, Soyaux) de la division avec un complément de 33.000 euros versé par la FFF pour ces derniers.

Pour les joueuses. Pour les clubs professionnels, les joueuses sous contrat n’ont pas vu leur salaire baisser (hors des efforts ponctuels). Les droits TV, signés sur cinq ans, restent les mêmes (1 million d’euros annuel) et le naming de la D1F Arkema a été engagé sur trois saisons (80.000 euros par club, soit 1 million d’euros).

Pour la diffusion des compétitions. La diffusion TV des années à venir (Canal+) du championnat est sur les mêmes rails, à moins d’un événement conjoncturel qui puisse remettre en question l’ensemble. La Women’s Champions League est dans les mains des clubs (PSG et OL) qui ont signé avec Canal+ (OL) et BeIn (PSG). La Coupe de France est diffusée par Eurosport et France Télévisions. Et les Bleues, sont sur M6 jusqu’en 2023, hors compétition de l’Euro à jouer en 2022.

Restriction et inflation. Seules les nouvelles joueuses ont dû discuter dans un climat de restriction budgétaire mettant un frein à l’habitude inflationniste du football en général. Quoi que à l’opposé, on a même vu le PSG payer plus de trois le salaire mensuel d’une joueuse, (37.500 € mensuel sans les primes) pour pouvoir  conserver Kadidiatou Diani, avec un contrat de quatre ans. L’OL n’a pas fait moins pour rattraper Sarah Bouhaddi (contrat de quatre ans) et Marozsan Dzsenifer (contrat de trois ans), dans le hall de l’aéroport les menant aux USA.

Mobilité des joueuses en développement. Les changements de clubs, habituels en fin de saison, se sont fait sans restriction particulière, mais sans inflation aussi. A l’exception du PSG et de l’OL, pour la D1F Arkema. On a même vu de nombreuses joueuses partir à l’étranger, souvent pour des raisons financières favorables (Angleterre).

Au final, en France, tout le monde s’est calé sur un budget augmenté en recettes (400.000 euros supplémentaire à recevoir en 3 fois dans le courant de la saison 2020-2021) et dont l’apport a permis de diminuer d’autant le budget des féminines, comme celui des joueurs masculins l’a été.

Gaetane Thiney, l’expérimentée joueuse du Paris FC (163 sélections, 53 buts), l’a confirmé dans un récent entretien au quotidien Libération du 18 Juillet 2020 : « Même si la D1 a été arrêtée, nos sponsors sont restés au Paris FC, donc il n’y a pas eu d’impact très négatif, selon moi. » reprenant : « Maintenant, il est possible que cela soit un peu freiné par la pandémie, comme toutes les autres activités. Mais je ne pense pas que cela va tout stopper. La fédération n’a pas perdu ses sponsors, la D1 féminine a toujours les droits télé avec Canal+, donc je n’ai pas l’impression que les impacts soient considérables.

Le football féminin de l’élite lié aux clubs professionnels n’a donc pas spécialement été impacté par la crise du COVID-19. Il subira juste, ce que toutes les activités subissent. Un plan logique d’économies quand une crise se vit.

Pour les clubs amateurs de l’élite, le regard est sensiblement différent.

Pour les clubs amateurs, les sponsors contractuellement moins engagés que ceux des clubs professionnels vont certainement prévoir de baisser leur participation. Là l’impact peut être lourd. Heureusement viendra la participation des clubs professionnels (175.000 €), celle de la FFF (33.000 €) pour compenser.

Même si cette répartition (clubs professionnels masculins/clubs amateurs) a été décriée par les fans, et par les clubs amateurs (intention par le FC Fleury 91 d’aller devant le Conseil d’Etat pour cause d’inéquité et de discrimination) ; tout cela s’éteint logiquement avec le temps.

A bien y regarder, il s’agit d’une manne de 208.000 euros, qu’aucun de ces clubs n’avaient mis dans son budget auprès de la DNCG. Cela correspond à une somme largement supérieur à leur meilleur sponsor et, le monde professionnel ne manque pas de le rappeler par l’intermédiaire de Laurent Nicollin : il s’agit d’un cadeau venant des clubs professionnels masculins, précisant, qu’un cadeau ne se refuse pas et qu’il serait encore plus malvenu d’en discuter le montant, les cadeaux pouvant être repris. Fermez le ban. La discussion devrait être close.

Pour la D2F, une contribution est mise en place.

Pour les clubs de D2F issus d’un club professionnel masculin, une contribution de 80.000 euros leur seraient versés. 7 clubs dans le groupe A (Nancy, Metz, Nantes, Lille, Lens, Brest, Orléans) et 3 dans le groupe B (Saint-Etienne, Nice, OM).

Les clubs professionnels ont bénéficié de l’activité partielle.

Enfin, la FFF a augmenté le remboursement des frais de déplacements aux clubs, et l’Etat a fait bénéficier au plus grand nombre, de la situation de l’activité partielle, remboursant à ces derniers, les indemnités versées aux salariés (joueurs, administratifs, staffs) mis en activité partielle, à concurrence de 4.800 euros net et en leur faisant gagner la dépense des charges sociales et patronales (60% des montants) puisqu’il s’agit d’un régime indemnitaire et non d’un salaire.

Ouvrant même la possibilité pour les clubs professionnels d’indemniser plus que le seuil réglementaire, en leur faisant bénéficier de la même mesure d’exonération des charges patronales et salariales. Un cadeau non-négligeable pour des salaires à plus de 35.000 euros mensuels à multiplier par la quantité et pour certains à majorer sur le plan salarial.

La véritable inconnue : que sera Demain ?

La principale inconnue, pour les clubs amateurs, concerne la future volonté des jeunes filles à renouveler ou à s’inscrire dans des sports collectifs, et donc au football, alors que le sentiment COVID-19 est présent en France avec des médias qui communiquent fortement sur les clusters des vacances.

N’iront-elles pas vers des sports individuels, à un âge où le sport est d’abord découverte des sens physiques, psychologiques et de concentration. Un ensemble qui se retrouve dans de nombreuses autres activités sportives.

L’autre inconnue est pour les clubs professionnels concernant la jauge des spectateurs. Actuellement de 5.000, y compris, journalistes, personnels pour l’organisation, TV et techniciens, délégués. Soit un ensemble entre 4.000 à 4.500 souvent non-payant pour la plupart. Un chiffre bien en-deça du seuil de rentabilité d’un match ! Là, les clubs, lors de la reprise du championnat, y seront de leurs poches. Il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps. 19 matches à organiser en championnat, ceux de la Coupe de France. L’Europe 2021 pour les clubs concernés. L’addition pourrait faire mal.

En plus, qu’en sera-t-il des abonnements pour ces mêmes clubs, source d’environ 15% des revenus des clubs ? La plupart des supporters n’ayant rien réclamé pour la fin de saison 2020. Iront-ils s’abonner avec le même volume dans une situation identique à celle actuelle ?

Une question qui pourrait impacter nécessairement, les droits TV. Resteront-ils les mêmes alors que le spectacle n’est pas le même dans un stade « vide » en comparaison d’un « plein », même si MédiaPro s’engage à les maintenir. Contractuellement qu’en sera-il si ces recettes n’aboutissent pas pour un modèle économique qui commence à n’être profitable qu’à concurrence de 3,5 millions de souscripteurs payants, alors que Canal+ a déjà 3.300.000 abonnés et que la Ligue des Champions reste sur RMCSport. Les diffuseurs recevront-ils les mêmes demandes publicitaires ?

Tout cela reste de l’interrogation bien que l’approche soit favorable si on prend le premier match officiel joué en France. Certes pour une finale de Coupe opposant le PSG et l’AS de Saint-Etienne. Le match a réuni plus de 5 millions d’audience sur France 2, un vendredi soir. TF1 a annoncé, proposer les 30′ à 145.000 €, lors de la finale du Ligue des Champions 2020 (23 Août).

Bilan pour le football féminin.

Au bilan, le football féminin, calé sur le football professionnel masculin est passé entre les gouttes du Covid-19. Un football professionnel qui a amorti la crise du Covid-19 transformant les déficits en prêts, compensés dans leurs esprits, par des droits TV en nette augmentation pour la saison suivante.

A l’inverse, le football ne sait pas s’il pourra prendre de face, une seconde crise dans ce qui est à considérer comme un spectacle.

Le secteur d’activité, actuellement, le plus impacté par le Covid-19 sans aide de l’Etat potentielle, car fait de multitudes de petites et moyennes structures dont l’avenir dépend des finances et de la volonté de leurs actionnaires quand cela va mal.

Si cela tangue, le football féminin tanguera de concert.

Aux USA, le problème a été différent.

William Commegrain Lesfeminines.fr