Mercredi, jour de demi-finale du Tournoi Challenge Cup, crée en substitution du championnat américain pour délivrance du titre NWSL 2020. D’un côté, Houston Dash s’opposera à Portland quand de l’autre, Sky Blue défendra sa chance face au Chicago Red Stars.

De ces quatre équipes, seule Portland a réussi à obtenir le titre en 2013, pour la première de ce nouveau championnat et de gagner le titre une seconde fois en 2017. Une belle opportunité pour les autres d’ouvrir leur armoire à trophée.

Shirley Cruz, une enfance heureuse où le football est une porte pour les Universités américaines.

Shirley Cruz-Trana a 34 ans. Elle n’est pas très grande (1m62) mais se trouve dans la moyenne des joueuses de cette génération qui va mettre le football féminin dans le grand cirque du spectacle. Elle est costaricienne, née et élevée dans ce pays où l’Or est vert. Une petite bande de terre, coincée entre le Panama au Sud et le Nicaragua au Nord qui a l’originalité d’avoir supprimé son armée et d’être considérée comme le premier pays au Monde selon l’indice Happy Planet Index,  possédant plus de 6% de la biodiversité mondiale. Son président ayant « déclaré la paix à la Nature ».

Idyllique comme environnement. Allez savoir ce qui poussera cette jeune fille à pratiquer le football quand son père possède, de mémoire, un élevage de chevaux ? Elle le dit à l’AFP, dans cette partie de l’Amérique, le football féminin est « une arme pour continuer des études aux Etats-Unis, payés par les bourses américaines, et obtenir un diplôme au bout de quatre années afin d’entrer armée dans la vie professionnelle ». 

Voilà ce qu’était l’environnement de Shirley Cruz-Trana.

Voilà ce qu’a été son véritable parcours.

Elle débarque en France, réussi à faire des séances de détection à l’Olympique Lyonnais, en phase de construction sous la direction de Farid Benstiti et signe sa première saison en 2006 pour la terminer, sur un appel du même, en 2012, alors que l’ex-coach lyonnais démarre un nouveau projet, au PSG, totalement professionnel. Il la veut dans son équipe, « elle accepte ce nouveau challenge ». C’est ce qu’elle dira à notre micro dans la salle de conférence du Parc des Princes, en 2012, face à cinq-six journalistes.

De cette période où « elle gagnera plus d’un salaire », l’Olympique Lyonnais ayant totalement basculé vers le leadership national et commençant celui européen ; elle obtient le titre de Championne de France (2007 à 2012), deux Coupes de France (2008 et 2012), une finale européenne (2010) et deux titres européens (2011 et 2012) du côté lyonnais. Qui sera suivi, pour le Paris Saint Germain, de cinq places de vice-championne, une finale de Coupe de France 2014 et 2017, deux finales européennes 2015 et 2017.

Qui est cette joueuse humble, modeste, réservée et dont Sandrine Soubeyrand, détentrice du record masculin et féminin du nombre de sélections françaises (198), dira d’elle, au soir de son dernier match en championnat : « la joueuse qui m’a le plus impressionné dans ma carrière, c’est Shirley Cruz. »

Shirley Cruz, c’est une Sherpa de l’Himalaya du football féminin

C’est tout simplement un moteur diesel qui se met au niveau des meilleurs moteurs du milieu de terrain, pour … on ne sait par quelle magie physique et mentale, continuer à accélérer son jeu et ses intentions quand toutes les autres sont en pleine asphyxie, « dans le rouge » pour ceux et celles à qui cela est arrivé.e.

Cette capacité à impulser quand le corps est déjà bien entamé ; cette volonté à aller de l’avant quand la tête, la gestion de l’événement s’apparente au mal des montagnes que connaisse les alpinistes des hauteurs. On perd le sens des choses. L’esprit se bagarre avec les sensations physiques, les sentiments et la clairvoyance. Shirley, elle, est comme un Sherpa. Elle est au-dessus de cela.

Patrice Lair, coach vainqueur des deux premières coupes d’Europe lyonnaises, dira d’elle : « Au Bayern, pour la finale contre Frankfurt, leader à l’époque des Coupes d’Europe féminines, devant 50.212 spectateurs, record actuel du nombre de spectateurs pour une finale européenne, à elle-seule, elle nous a fait gagner le match ! Elle a été extraordinaire ! Elle a survolé la rencontre ! »

On était pourtant pas haut en Altitude mais elle, était au-dessus des nuages.

Être à ce niveau de performance est un vérité pour Shirley Cruz. C’est une telle vérité que lors de son quart de finale face au Chicago Red Stars de samedi dernier (0-0), c’est elle qui envoie le premier tir au but dans les nuages. Son visage se ferme. Elle s’autoflagelle. Son corps refuse intégralement les marques de soutien qu’elle aurait sûrement donnée à une partenaire dans le cas contraire. Elle n’accepte pas cette défaillance individuelle. Trop habituée à ne pas la connaître.

Quand tu vois Farid, pas loin tu devrais voir Shirley.

Actuellement, elle joue avec l’OL Reign, … sous le coaching de Farid Benstiti, après avoir quitté le Paris Saint Germain en 2017 pour une aventure chinoise et ensuite un retour aux Costa-Rica. Il a suffit d’un appel pour qu’elle vienne compléter une équipe que Jean-Michel Aulas venait juste d’acquérir (février 2020).

Lors du quart de finale face aux Chicago Red Stars, qu’on le veuille ou non, qu’on l’accepte ou non, Shirley Cruz Tranà a survolé la rencontre. Elle est montée graduellement pour jouer à un tel niveau que Chicago paraissait incapable de se sortir d’un tel impact. C’était impensable de se rendre compte que trois saisons après avoir quitté la France, cette joueuse de 34 ans, avait un impact aussi fort sur la rencontre.

Il aurait fallu seulement quelques joueuses pour l’accompagner et l’OL Reign passait ce tour dans, ce qui aurait été, une droite ligne pour le titre 2020.

C’est que Shirley Cruz monte d’autant plus « dans les tours » que la compétition avance vers un titre. Au Paris Saint Germain, sous les ordres de Farid Benstiti, elle avait éliminé à elle seule le VFL Wolfsburg (double championne d’Europe de l’époque), en Allemagne, avec un 0-2 parisien qui les avaient amené pour la première fois de leur récente histoire, en finale européenne. Perdue à la 92′ face à Frankfurt, écrivant son Histoire avec un quatrième titre européen.

Inconnue des récompenses individuelles, mais connue par toutes sur les terrains.

Shirley Cruz est costaricienne. Elle n’apparait pas dans les Top 10 mondiaux crée par la FIFA. Son pays n’a pu se qualifier pour un tournoi international qu’en 2015 pour le Mondial canadien. La seule récompense individuelle qu’elle a reçue était, dans le silence du stade Charlety, le titre de meilleure joueuse de la saison 2013. Des titres qui maintenant, sont bien plus mis en lumière.

Pourtant, elle n’est inconnue par aucune grande joueuse mondiale du football féminin. Tout le monde la connaît et la respecte. Connaît son talent et ses qualités.

Elle, de son côté, n’a jamais regretté de jouer pour le Costa-Rica. Juste, par complaisance administrative, elle a accepté de prendre la nationalité française en 2013. Ouvrant la porte à une joueuse non européenne. Quoi de plus normal, 13 saisons en D1F. La quasi totalité de son parcours sportif.

Se jouera dans quelques instants la première demi-finale du titre NWSL. Je suis certain, qu’après les deux demi-finales, je ne pourrais que me dire : et si l’OL Reign était passé ? Quel match aurait certainement fait Shirley !

William Commegrain Lesfeminines.fr