Il y a quelque chose d’impressionnant à Bordeaux .. ce sont les certitudes que semblent avoir Ulrich Ramé, l’ex-gardien professionnel de foot, maintenant directeur technique du FCGB, au regard de la place prenable dans le football féminin.

Je l’avais croisé au sortir d’un café juste après que les Girondines de Bordeaux aient sauvé leur place de promu en D1F en 2017, à Charlety sur un match nul qui condamnait l’ASSE à la descente.

Si près de la D2F pour une première année. Pourtant, l’homme avait un plan bien tracé en tête. Il voyait devant à un moment où tant auraient pensé à analyser et regarder derrière. Il avait le sentiment qu’il y avait de la place à prendre. A aucun moment, il ne m’avait donné le sentiment d’être inquiet. Au contraire, ce qui était ressorti de son langage corporel, c’était de la certitude. Un point qui contrastait avec celui de Jérôme Dauba, tout juste venu en D1F, et dont la sueur et la joie perlaient encore en zone mixte.

Les trois saisons suivantes, Bordeaux a terminé (7e), (4e) et maintenant (3e). Une progression qui donne de la force au sentiment passé perçu. La lecture des articles récents le concernant précise cette certitude qu’il dégage.

Il remplit une mission, dont son passé de professionnel lui a donné le sens de l’implication. Un objectif, des moyens, un délai et le risque d’être viré ensuite.

Des certitudes qui ont l’avantage d’être des objectifs réalisables.

La seconde impression forte sur celui qui a été le collègue de Bruno Cheyrou au CDES, je l’ai eu lors de l’intronisation de la diffusion par Canal+ de la D1FArkema (2018-2019) sur ses chaînes. Dans un amphi, 100% ballon rond avec Habib Beye, Hervé Mathoud, les Présidents de la D1F, le président de Canal+ et tous les supports médias RMC, Equipe, Eurosport, où on sentait qu’il fallait y être à l’instar d’une remise d’un palmarès du Festival de Cannes, le bordelais n’avait eu que quelques mots : l’objectif est d’être dans les six premiers de la D1FArkema.

Objectif atteint laissant derrière lui Montpellier et ses vingt années dans le Top Four comme le Paris FC et ses 33 présences dans le quatuor de tête de ce championnat. Beaucoup l’annonce. Peu le font. En fait, dans l’esprit des joueuses, Bordeaux représente le futur. A l’image de l’ex-Juvisy. Proche d’une performance sans savoir si elle va réellement la réaliser mais dont chacun perçoit qu’à tout moment, cela est possible.

Ulrich Ramé, sans état d’âme.

Ulrich Ramé, directeur technique des Girondins de Bordeaux.

Le troisième point caractérisant le directeur sportif bordelais est sa capacité à utiliser les joueuses et staffs comme des moyens pour arriver à un objectif, n’ayant aucun état d’âme à s’en séparer si dans son esprit, l’aventure se termine faute d’amener une projection au niveau souhaité.

Il applique un raisonnement du milieu professionnel après 15 ans à Bordeaux (1997-2011) et quelques semaines sur le banc de touche des pros masculins (mars-mai 2016).

Ainsi, le jeune Theodore Genoux a été remercié après la montée en D1F (2016). Jérome Dauba est parti en 2019, sans coup férir en étant élu deux fois meilleur coach de la D1F. Solène Barbance (29 ans) n’a pas été renouvelé en 2020 alors qu’elle a joué 21 des 22 matches de la compétition qui a amené Bordeaux à la 4e place.

La brésilienne Kathellen Souza est restée en Gironde alors que l’Espagne lui faisait des yeux doux fin 2019. Tenue par un contrat, bien qu’au final, elle n’ait jouée que six matches sur les seize de la compétition 2020. Il faut dire, dans un monde défensif de petites tailles, une défenseuse d’1m80 est une denrée rare qui se garde. Et d’autres exemples ne manquent pas.

Pour pratiquer ce genre de stratégie, il faut savoir utiliser le réseaux des agents. Ulrich Ramé le sait. Estelle Cascarino, mais surtout Eve Perisset, Charlotte Bilbault, Claire Lavogez ont la même signature, Sevan Karian, l’avocat de Griezmann fournisseur ponctuel chez les gars.

Le Bordeaux des années 2021-2025

A l’évidence, l’objectif est de prendre la 3e place nouvellement européenne qui se jouera sur la saison à venir. Voire même, d’être plus précis et de prendre une place européenne, renouvelée d’année en année. Au pire la 3e.

Un peu à l’image de la bataille d’Angleterre entre Chelsea, Manchester City et Arsenal Ladies.

Dans ce cadre, après l’arrivée de Khadija Shaw (1m80), buteuse (10 buts) mais qui n’a pas montré plus que ce que son physique lui permet de faire, il va falloir que Pédro Martinez Losa trouve une remplaçante à la vive Viviane Asseyi (12 buts) qui avec son mental si positif a bousculé favorablement la réussite bordelaise tout en se faisant une place chez les Bleues de Corinne Diacre. La porte est ouverte pour Ouleymata Sarr (Ex PSG passée par le Losc), sans que la notion de constance (5 buts), nécessaire à un podium dans les 3 premières, ne soit pour l’instant acquise.

Eve Perisset, après l’OL, le PSG, vient s’exprimer au FCGB pour affirmer une position d’internationale en réussissant des objectifs non-acquits mais à atteindre.

Et en D1F, si la défense est une arme essentielle pour le maintien et la performance, ce que possède Bordeaux avec l’arrivée d’Eve Perisset (jeune internationale prometteuse aux 19 sélections), la présence de Vanessa Gilles, la jeunesse et maturité de Julie Thibaud et le charme footballistique d’une jeune Delphine Chatelain qui joue comme à ses vingt ans, alors qu’elle en annonce 32 ; la réussite offensive est la seule possibilité pour être sur le podium et plus.

Au milieu de terrain, Bordeaux a récupéré en deux saisons des joueuses qui ont toutes une histoire à défendre ou à reconstruire. Ines Jaurena (29 ans) a vu Charlotte Bilbault (29 ans) vivre des émotions de titulaire en Equipe de France lors de la Coupe du Monde 2019. Claire Lavogez (26 ans) ne peut qu’avoir en mémoire les souvenirs du Mondial 2015 et des JO 2016 comme son aventure lyonnaise jouée sur un pied. Goutia Karchouni, petite voyageuse inconnue, est partie du PSG pour aller aux Etats-unis et revenir s’installer en Gironde.

Bordeaux a un milieu qui a un passé mais dont l’ambition bordelaise lui donne la possibilité de se construire un avenir.

C’est la force du Bordeaux actuel. Dans lequel se retrouve la gant d’Or du championnat du Monde U17 de 2012, Romane Bruneau, au parcours bousculé (Juvisy, La Roche sur Yon, Dijon, Lyon, Bordeaux) à 23 ans. Salvatrice pour la Coupe de France.

Les joueuses sont là depuis longtemps

La dernière ou première force de Bordeaux se trouve dans la durée. De l’internationale et capitaine néo-zélandaise Erin Nayler jusqu’aux premières attaquantes, la moyenne de présence au club est de quatre saisons. Elles connaissent la maison bordelaise et les stades de la D1FArkema.

Un chiffre qui, de lui-même, porte le respect quant aux capacités d’être au minimum 3e du prochain championnat de France.

Au bilan.

On ne sait jamais comment un groupe peut vivre pour s’affirmer lors d’une saison. Bordeaux n’échappe pas à cette inconnue, tout en sachant que le club au scapulaire féminin a dépassé celui d’exister.

Par contre, le club bordelais possède des moyens qui lui garantissent de postuler au podium du championnat et dont le résultat dépendra de la force de l’opposition adverse comme de leurs capacités à s’identifier comme des leaders de championnat.

Cela a été la plus grosse difficulté et réussite de Farid Benstiti quand il a construit le nouveau Paris SG en 2012. Imposer aux joueuses qu’elles imposent à leurs adversaires et notamment Juvisy pour les parisiennes dont certaines étaient très amies, qu’elles étaient meilleures, plus fortes qu’elles et différentes. Notamment en statut.

Les Girondins de Bordeaux sont exactement dans la même dynamique que le PSG de 2012. A Elles d’écrire leur Histoire.

William Commegrain Lesfeminines.fr

PS : Le FCGB a signé deux jeunes joueuses de 20 ans. Julie Dufour (Losc) et de Mickaella Cardia (OM) pour 3 ans.