Janvier a été déterminant pour le coach français. Le 17 Janvier il est officiellement nommé coach de la nouvelle et innovante filiale de l’OL Group, le FC Reign (USA), championne NWSL en 2014 et 2015, play-off en 2018 et 2019. Structure acquise par le groupe de Jean-Michel Aulas (89,5%), Tony Parker (3%) pour une somme importante dépassant les 3 millions d’euros auprès d’un propriétaire, personne physique, Bill Predmore, récent propriétaire dans les années 2010 qui reste à hauteur de 7,5%.

A peine arrivé qu’on ressort des dossiers sur le français.

Le positivisme américain.

A Farid Benstiti, tout juste arrivé aux USA, on vient de reprocher ses réflexions faites à Lindsey Horan dans sa période PSG (2012-2016) relevée par la joueuse lors d’interviews en 2019. « Trop de poids, mieux manger, plus courir ». Des choses qui visiblement ont marqué l’ex-joueuse parisienne pour en parler aux médias significatifs lors de son interview sur Yahoo sport (2019) allant même en faire l’objet d’un scénario lors d’une publicité pour Adidas.

Une remarque qui note une différence culturelle importante. En France, nous évoluons en écoutant de la critique négative. On relève le négatif pour l’extraire. Comme une cellule cancéreuse. Au mieux, en l’enrobant, certaines fois de positif. Comme l’enseignement, impose souvent de la répétition, alors notre tendance est de répéter le négatif en oubliant, …. le positif.

Aux USA, la culture est différente. On va relever le positif et donner le conseil d’améliorer le négatif pour devenir encore plus positif. Rien à voir.

Dans un article écrit par TheEqualizer, un support assez significatif pour pouvoir budgéter une présence continuelle au Mondial 2019, la réponse de Farid Benstiti a été la suivante : « Je ne me souviens pas des situations exactes auxquelles Lindsey fait référence », (…) «Les commentaires qu’elle a fait ont été une surprise pour moi lorsque j’ai entendu parler d’eux. Je ne peux pas dire avec certitude, mais je suppose qu’elle fait référence à des discussions que j’ai eues (ou que le personnel médical a eues) avec l’équipe et les joueurs sur l’importance de la condition physique et de la nutrition. »

Lindsey Horan marque le second but qui qualifiera le PSG pour l'Europe en 2013-2014 face à Juvisy.

Lindsey Horan marque le second but qui qualifiera le PSG pour l’Europe en 2013-2014 face à Juvisy.

Une situation anodine en Europe. Vue totalement différemment aux USA. Contre-culturel ! La pratique impose le positivisme.

Allant même jusqu’à ce que le PDG du FC Reign, Bill Predmore, s’exprimant, à mots couverts, que si le club a été vendu à l’OL, c’est avec ses valeurs et qu’il ne transigerait pas avec. Précisant, que les choses n’était pas connues lors du processus de nomination du coach, complexe avec 12 candidats, et qu’après examen et discussion avec Farid « Ce processus comprenait de longues conversations avec Farid, avec l’OL – dont les gens devraient se souvenir, il y a travaillé pendant une demi-décennie, donc je pense qu’ils ont une assez bonne idée de ce qu’il est et de qu’il n’est pas «  comme avec l’agent de la joueuse, le management n’est pas paru contraire aux règles culturelles américaines.

Il est vrai que la joueuse est arrivée très jeune au PSG (18 ans), après un premier stage à l’OL (17 ans) qui lui avait proposé un contrat de quatre ans prématuré pour elle ; et qu’à cet âge, éloignée de ses parents et habitudes, le moindre fait prenait visiblement des proportions importantes. C’est ce que nous fait comprendre l’excellent portrait de Yahoo Sports.

D’un autre côté, aller chercher des détails aussi précis, on peut aussi y voir une réaction protectionniste. Un entraineur étranger, il faut que sa place soit justifiée.

Le protectionnisme américain

Quand vous avez un pays auto-suffisant en pétrole, première puissance économique au monde et créateur de toutes les innovations qui bousculent le Monde (Tesla) en étant la lumière culturelle des étoiles du Monde (Hollywood)  ; il ne faut pas s’étonner -avec ou sans Trump- qu’on se pose la question de votre présence au lieu et place d’un américain, qu’il soit immigré ou non.

D’autant que la France du football féminin n’a jamais rien gagné sur le plan international. Pire, c’est même le seul pays du Top 10 mondial qui n’a jamais pu accrocher une médaille à son cou, qu’elle soit d’Or, d’Argent ou de Bronze, depuis dix ans qu’elle concoure en ayant les moyens d’en avoir. Les américains n’aimant que les forts ou les gagnants, si Benstiti n’arrive pas à produire un résultat ; l’argument viendra sur la table.

On est au pays où Apple a déclaré 91 milliards de CA sur un seul trimestre (4T2019) pour 22 milliards de profit ! Sur une année civile, le CA est supérieur au budget de l’Etat français ! Celui ou Tesla a démarré le 4 trimestre avec un cours à 232 $ (1-10-2019) pour être, un peu moins de six mois plus tard à .. 901 $ (21 fev 2019) mettant Tesla plus grosse capitalisation boursière dans le domaine automobile, devant Ford etc .. On est au pays où les USA sont quatre fois championnes du Monde de football, en se demandant encore pourquoi elles ne le sont pas huit fois. Et où elles sont quatre fois championnes Olympiques avec l’envie vengeresse d’être pour la première fois, championne du monde et olympique de suite .. Et où, on voit Alex Morgan, s’entraîner avec l’équipe nationale au 7e mois de grossesse, pour être en Août, dans les 18 sélectionnées olympiques américaines !

Si cette critique peut être juste ; il n’y peut rien pour n’avoir jamais eu les commandes des Bleues. On peut par contre reprocher à l’entraîneur français, en France, de n’avoir jamais pu aller au bout de ses ambitions.

Benstiti, jamais heureux avec les matches couperets.

Butant sur le titre suprême de l’Europe avec l’Olympique Lyonnais (finale 2010) quand le club commençait à dominer l’hexagone ; n’avoir jamais gagné une Coupe Nationale pendant cette période ; et avec le PSG, buter encore en finale nationale (2014) et européenne (2015), avec pourtant un très bon parcours (élimination de l’OL et de Wolfsburg).

Il n’a jamais été heureux en France avec les matches couperets des Coupes. Dommage, le système américain des play-offs se termine dans un système de matches couperets, esprits coupe. Le second reproche qu’on pourrait lui faire, en dehors de la période de l’OL, c’est que sur la durée, son message et sa rigueur s’épuisent. Au PSG, quatre ans dont une dernière difficile. En Chine, trois ans.

Pourtant la critique américaine n’est pas là. Elle est sur la gestion émotive des joueuses. C’est un point culturel important.

L’homme est habile, il sait s’adapter.

La qualité première de Farid Benstiti réside dans sa capacité d’adaptation. En Russie, en Chine, à l’OL au PSG, vous ne trouvez pas le même Farid Benstiti. Idem face aux médias. Il sait précisément ce qu’il doit dire à certains ou à d’autres. Une tradition culturelle que l’on reconnaît dans la culture kabyle. Il sait exactement s’insérer dans une organisation, trouver sa place, distinguer les limites et les contre-pouvoirs. Evoluer en faisant avancer ses objectifs sans bousculer les us et coutumes. Prendre le temps de la patience.

Cette culture diplomatique impose à l’inverse, un message de rigueur aux subordonnés. On ne peut pas être souple des deux côtés sans perdre de la performance. Aux Etats-Unis, il va falloir trouver le bon équilibre.

L’enjeu de Farid Benstiti sera de faire évoluer ces deux Mondes. Avec un enjeu fort pour l’OL, demandant maintenant à ce que toutes les demandes de communication passent par Lyon au préalable, signe d’un objectif américain prioritaire et de l’autre côté, une mentalité forte des joueuses, à l’exemple d’une Megan Rapinoe, propriétaire émotive du club, jouant plus pour l’équipe nationale que pour son club. Et au bout, un objectif : être leader pour aller au futur championnat du monde des Clubs.

Le management participatif exprimé par Gaetane Thiney est une carte difficile à maîtriser quand le seul objectif est la victoire face à des adversaires qui la souhaitent autant que vous. Il ne faut pas oublier que les joueurs et joueuses sont jeunes. Le participatif, à cet âge, c’est quitte ou double.

Pour Farid Benstiti, il va falloir s’adapter. Un extrait de la réponse à TheEqualizer le confirme : « Savoir comment Lindsey s’est sentie me fera réfléchir davantage à mes discussions avec mes joueurs et m’aidera à devenir un meilleur entraîneur. » Des mots justes pour un cadre ; des mots qui ne peuvent être dits qu’avec le succès dans le sport de haut niveau et surtout la stratégie lyonnaise.

Cette dernière ligne me fait penser à l’objectif du Mondial 2019 de Corinne Diacre. Un objectif fort impose un type de management, différent selon les personnes.

Il y a une vérité factuelle dans tout cela. Les américains l’aimeront s’il gagne. Ils le rejetteront dans le cas contraire.

William Commegrain Lesféminines.fr

Rappel : Les USA Le FC Reign. Un système particulier.

A la différence du football européen où les clubs existent depuis longtemps, nombreux, avec des montées et descentes ; aux Etats-Unis, le choix a été de construire le football de l’élite autour de franchises, certaines du maintien au plus haut niveau, avec pour seules conditions d’avoir les moyens financiers de tenir le budget et de laisser la priorité aux choix de l’entraîneur de l’équipe américaine, multiples championnes du Monde comme Olympique. Finalité de l’élite américaine.

Le club américain dont l’objectif sportif communiqué par JM Aulas est de postuler, au futur championnat du monde des clubs afin de proposer, à ses actionnaires, l’image unique de posséder un club leader eu Europe et un autre leader aux USA, postulant pour le titre de Championne du Monde. Compétition qui vient d’être agréée par la FIFA.

Mais pour attirer un chèque conséquent de l’OL Group, il faut aussi que l’intérêt ne soit pas que sportif. A l’idéal, il faut avoir plusieurs cartes dans sa manche. C’est exactement ce que possédait le FC Reign avec Megan Rapinoe, meilleure joueuse du Mondial 2019, Ballon d’Or France Football et The Best FIFA 2019.

Un As, ce n’est pas mal mais Aulas est plus ambitieux pour un marché qu’il espère économique. La première et récente coach, Laura Harvey, à la tête de l’équipe championne américaine, est devenue l’entraîneur des -20 ans de l’équipe nationale quand Vlato Andonovski (FC Reign 2018-2019) a pris en charge l’équipe championne du Monde, vainqueur du Mondial 2019.

Le FC Reign, un ex-Juvisy dans années 2010-2015.