Le football féminin est-il un marché américain ? A cette question, Jean Michel Aulas, Président Directeur Général de l’Ol Groupe, holding côtée à la Bourse de Paris (3 €07 au 20 décembre 2019) répond par l’affirmatif.

Aujourd’hui, devant une table qui a « de la gueule » avec Megan Rapinoe (Ballon d’Or 2019, Soulier et Ballon d’Or Adidas lors de la Coupe du Monde 2019) plus comme image médiatique n’ayant joué que 5 matches sur les 24 de la saison ; Tony Parker, nouvel actionnaire à 3% de la structure à créer ; Jean-Michel Aulas, cessionnaire et nouvel actionnaire majoritaire pour 89,5 % et Bill Predmore, cédant qui reste au capital pour 7,5 % du capital et dirigeant du club, le Président Lyonnais joue son rôle de stratège d’OL Groupe pour annoncer la création d’une société de droit américain qui reprendra les actifs (sans le passif) du FC Reign (NWSL) en contrepartie de 3,5 millions de dollars.

Le prix qu’il a accepté de payer pour agir dès Mars 2020, dans la division d’élite américaine créée en 2013.

Le communiqué officiel de l’OL groupe, écrit pour répondre aux règles de transparence du marché boursier, met en avant plusieurs objectifs. Un investissement pour aller à la conquête d’un marché, faire des échanges de compétences sur les deux marchés, ouvrir le champ des possibles à de jeunes ou anciennes joueuses, valoriser ce club en difficulté financière et lui redonner une image gagnante, seul indicateur de rentabilité dans le monde du sport.

Bien joué ou mal joué ?

Le championnat américain, pays de la Coupe du Monde (quatre titres mondiaux sur huit), a un avantage essentiel sur les championnats européens. Il génère des spectateurs payants (8.000 en moyenne) et acteurs d’actions de merchandising à marge potentielle. Quand le marché français et européen est au calme plat pour le football féminin (aux alentours de 1000).

Mais pas tant que cela puisque les neuf franchises américaines du championnat professionnel outre-atlantique courent toutes après de nouveaux actionnaires pour financer les nouvelles contraintes du championnat NWSL après avoir essayé de trouver un consensus entre la fédération américaine, la NWSL de Duffy et les propriétaires. A la recherche de clubs masculins américains et pourquoi pas des clubs européens ?

La victoire des Stars and Stripes en France aura certainement été la clé qui a maintenu l’avenir à court terme du championnat, source essentielle des USA.

Un marché difficile mais porteur.

Un environnement de 327 millions d’habitants avec une population migratoire conséquente (+10%), éduquée au football féminin pour les premiers et pour une fois, nettement moins nombreux au football masculin pour les seconds. Un terroir américain qui est certainement celui, mondialement le plus réactif aux féminines s’il doit y avoir un marché économique de merchandising pour le football féminin.

D’autant que la NWSL récente a passé le cap de l’interrogation et présente un potentiel en quantité bien plus important que son concurrent anglais, fort de 60 millions de consommateurs. Sauf que la distribution du produit anglais Premier League a ouvert un grand nombre de portes au football féminin outre-manche à qui il ne manque que les réussites internationales pour conquérir un public qui n’a pas peur d’être isolé économiquement pour réussir (Voir le Brexit).

Cela a certainement dû être une interrogation lyonnaise. Condamné à ne pouvoir agir en Angleterre, concurrent européen, il a fallu évaluer la force anglaise pour se dire que l’investissement américain a des chances de se porter au débit du compte de Résultat (bénéfice) plutôt qu’à son crédit (perte).

La possibilité de voir d’autres clubs européens majeurs, accompagner l’action de l’Olympique Lyonnais a peut-être été une des dernières clés d’une dynamique porteuse de la NWSL, utile pour la rentabilité du Club lyonnais qui voit dans cette action, d’abord un investissement dont on ne peut, pour autant, prévoir la rentabilité à court terme …

Il ne sert à rien d’investir si tous les éléments d’un marché ne sont pas présents. A l’Europe, il manque les spectateurs payants. A la Chine, il manque la notoriété des vainqueurs mondiaux. Aux USA, il manque « The Market ».

Il serait intéressant de voir si le portage opérationnel de cette stratégie va se réaliser avec des gens du football féminin ? Une habitude très répétitive. Ex-footeuse first, puis women après et pas très loin de la sensibilité LBGT au coeur. Un ensemble de postes qui voit fleurir les candidatures d’anciennes joueuses trouvant là, pour cette génération, un potentiel d’emplois rémunérés quand auparavant, la fin de carrière ne promettait qu’un bord de terrain, entre le bénévolat et la rémunération.

L’enjeu vaut peut-être d’aller chercher les compétences ailleurs ?

Il reste que la bonne idée d’internationaliser l’OL au masculin en 2019 ne s’est pas fait sans heurt. Une erreur présidentielle ou « la perte au feu » inévitable d’un changement structurel de composition ? Ce qui est certain, c’est que le fait d’avoir pris 89,5% du capital pour l’OL groupe signifie que l’investissement sera rentable au moins à long terme pour l’OL.

Les supporters éloignés du football féminin et à l’agonie du football masculin, peu habitué à aimer vivre en terres mouvementées se pose la question. Que fait Jean-Michel Aulas avec le football féminin ?

Pour moi, il fait de la marge et de l’investissement sur un marché dont il possède les moyens financiers d’agir pour être le numéro 1. Son ambition. Être le numéro 1 mondial, autrement que par les titres.

Largement jouable. Reste pour quel marché ?

J’expliquais aux jeunes la différence entre le besoin et le marché. Tous les besoins ne sont pas des marchés. Avec quoi faut-il accompagner le besoin pour qu’il devienne un marché ?

C’est là où se situe le pari de Jean-Michel Aulas. Souhaitons lui d’avoir l’équipe pour le gagner.

William Commegrain Lesfeminines.fr