Paris est bloqué par les grèves. Les profs font grèves. Je ne fais pas grève car je ne suis pas concerné par cette réforme. D’autant que je suis plutôt amateur de travailler le plus tard possible. La retraite, c’est un mot que je n’ai jamais compris et que je n’aime pas.

Mais le constat est là. Le système de la protection sociale française est un superbe système, globalement équilibré.

Un système performant et social.

D’abord, d’où cela vient ? Un système mis en place en 1946 sur les grandes bases, pour sécuriser tout le monde, au lendemain d’une guerre qui en avait tué un certain nombre. Les orphelins étaient nombreux, les veuves tout autant. Rien n’était réellement prévu. Alors comme un geste d’amour de la France envers un Peuple, De Gaulle et ses Ministres ont crée un système de sécurité pour chacun, couvrant les risques de la vie : maladie, retraite et plus tard chômage.

A qui cela sert ? Si tes grands parents ou arrière grands parents sont encore là, au coin du feu de ton coeur, même en Ehpad, la retraite n’est pas loin de tout cela. Si ton espérance de vie touche les 82 ans alors que certains pays africains s’arrête à la cinquantaine, c’est que le système de protection sociale français est passé par là. Si toi qui joue au PSG, tes parents ont pu te laisser à l’école pour avancer dans la vie quand eux couraient les heures supplémentaires pour pouvoir vivre, c’est que le système de la protection sociale est passé par là, avec les allocations familiales, l’aide au logement, etc .. Et si toi qui a tout payé et qui n’a rien reçu, tu as encore tout ce qui t’appartient, c’est que le système de la protection sociale française donne à ceux qui pourraient chercher d’autres moyens pour subvenir. Plus dangereux pour chacun d’entre nous.

En décembre, à Noël, le gouvernement a décidé de changer cela.

L’argument, c’est le déséquilibre financier.

Un argument incomplet. Aucun déséquilibre financier (sources officielles .gouv), même un excédent en 2017.

Cet article n’est écrit, à la veille de cette troisième journée de manifestation qu’en raison de cet argument. Inexact. Une réalité que bon nombre de personnes savent en suivant l’économie.

Le gouvernement, par l’intermédiaire de la DREES (Ministères du Travail, des comptes publics, de la Santé) a réalisé une étude en 2017 sur la protection sociale française. Basée sur les cotisations perçues en 2015, accessible sur une source plus qu’officielle, un .gouv.fr.

Les chiffres sont clairs (page 10). La France dépense 746,6 milliards de protection sociale en 2015, elle encaisse 741,5 milliards de recettes. Le déficit en 2015 n’est que de 5,1 milliards, se réduisant d’années en années. Soit 0,6% des recettes. Une paille. En comparaison, le déficit du fonctionnement de l’Etat a été de -76,1 milliards en 2018 (source Le Figaro).

En 2019, sur les chiffres de 2017, la protection sociale française est même bénéficiaire de + 5,2 milliards d’euros. (page 10). Du jamais vu.

On commence d’ailleurs à l’entendre dans les discussions médiatisées entre les parties. Certes, il s’agit du système global avec l’assurance maladie. Mais le truc fonctionne plutôt correctement maintenant. Il faut dire que les prestations se sont considérablement réduites. Donc, l’idée de l’équilibre est réalisé. Pourquoi y revenir ?

Et le déficit est une « rigolade » en terme de montant. Pas de quoi mettre le pays dans une telle situation.

D’autant que le système a même des réserves conséquentes.

Un système qui a mis en réserve 150 milliards d’euros à ce jour. A peu moins que le PIB du Portugal.  La Chine, le pays au 1 milliard 600 millions avec tous ses milliardaires a 2.800 milliards d’euros de côté seulement. 150 milliards, c’est pas mal pour une population retraitée de 10 millions de bénéficiaires au maximum.

La caisse des Professions libérales pour 24,3 milliards de réserve. Le RSI coffre 17,4 milliards. Le Fonds de réserve des retraites en a pour 32,65 milliards et l’AGIRC pour 70 milliards en réserve. Si on rajoute les 24 milliards que la CRDS paie à la CADES et qu’elle arrêtera de payer après avoir épongé les anciennes dettes de la SS (155 milliards déjà payés), on est plutôt pas mal pour un système déficitaire en danger.

A partir de 2024, on aura les prélèvements de la CRDS à 24 milliards à utiliser tous les ans, sans dépense en face.

L’argument que les réserves donnent peu de couverture en nombre de mois si on devait les utiliser est fallacieux. A moins d’une économie qui s’arrête totalement sans aucune ressource sociale ni salaire de versé à aucun français et là, la fin du monde est proche … en crise, on sort (-10 milliards), on a donc quinze ans de couverture.

Avec 5 milliards d’excédents actuels, la couverture devrait même encore plus couvrir.

Les sages de 1946 ont fait un travail correct qui garantit ce qu’il peut garantir, avec une participation de l’Etat en cas de besoin. Pas compliqué et qui devient compliqué.

Alors pourquoi ce changement structurel ?

En France, si Noël est sacré. Il y a plus sacré : c’est la retraite. Tout le monde s’en fait un Paradis. Son Paradis. Pour ma part quand je dis que je veux continuer à travailler le plus longtemps possible, je passe pour un illuminé, un fou.

Je ne sais pas si la retraite par points sera meilleur que celle de la répartition. Ce que je sais, c’est que la Protection sociale française est un système qui équilibre notre société, financièrement et socialement, et lorsqu’elle est même déficitaire, elle reste essentiel à notre économie.

L’argent donné aux pensionnés se transforme en consommation et production.

La France comme tous les pays d’ailleurs (Les USA ont un déficit budgétaire de … 2000 milliards de dollars) n’a pas les moyens de ne se baser que sur le revenu gagné du privé et du seul travail. L’économie a besoin de crédits et d’intervention de l’Etat pour assurer un emploi au plus grand nombre. Vouloir réduire la part de l’Etat dans l’économie, c’est prendre de sacrés risques. En terme de chômage mais aussi de paix sociale. Le PIB prendrait une sacré claque et donc les emplois. Les gens ne vont pas rester sans revenus. Avec cela, il va falloir doubler les articles du Code Pénal.

Un exemple de l’intervention utile de l’Etat dans l’économie. La crise de 2008 a obligé l’Etat à relancer 500 milliards de crédit pour maintenir une économie stable. Sans le public, sans son amortisseur social, la France aurait pris une déculottée semblable à celle de l’après guerre. Alors (+) ou (-5 milliards), c’est risible.

Au bilan, le système pensé à l’origine de la protection sociale est équilibré. N’importe quel économiste, de droite comme de gauche, le sait.

Derrière cette opposition qui gène Paris, il y a des messages incomplets, des situations compliquées de Delevoye, mais il y a c’est sûr un manque de confiance de la population dans le futur annoncé.

Et la réalité n’aide pas à la retrouver. Elle l’amplifierait plutôt.

Pour finir, la Course à l’Equilibre des comptes des états, c’est une course qui comme toutes les compétitions, fait gagner les meilleurs pour laisser sur le flanc les autres. 13 pays sont en excédent budgétaire dans l’UE. Du jamais vu, pour quel contenu pour les laissés pour compte ? Compréhensible pour le sport qui est un fugace instant d’une vie. Moins pour les autres.

Les autres, ce sont qui les autres ?

A-t-on besoin des autres dans l’économie ? 

Dans nos cours, on navigue sur quatre niveaux. De la première à la seconde année de BTS. Dans le programme de 1ère, on discute du PIB et de la répartition de la VA qui inclut la redistribution. J’ai donné un travail à faire dans une classe où il n’y a pas un Jean-Robert.

Trouvez moi ce que font les riches pour les autres ? Trouvez-moi ce dont bénéficie les pauvres.

J’ai appris que Ronaldo avait une fondation et des voitures, et des vacances à 19.000 euros la journée. J’ai appris que l’Oréal avec Françoise Bettancourt avait une action sociale. J’ai eu aussi les gestes des rapeurs et de Neymar.

Peu m’ont dit ce dont ils bénéficiaient. Il faut dire que cela ne les fait pas rêver, mais il y a un manque de connaissance de l’impact de la Politique sociale sur leurs vies.

On a discuté à une dizaine pendant ces grèves. L’un m’a dit « Monsieur, jamais je ne pourrais donner 500.000 euros d’impôts. Là je suis pauvre, mais si j’étais riche, jamais je ne peux le faire ! C’est mon travail ». J’ai reconnu que moi-aussi, j’aurais du mal. La richesse, c’est une éducation à l’impôt.

Mais j’ai terminé cette discussion ainsi :« Si tu deviens riche, c’est grâce aux autres. Ce sont eux qui vont te donner leur argent, d’une manière ou d’une autre. On n’est jamais riche tout seul dans son coin. Même au Loto, quand tu gagnes, c’est que les autres perdent ».

Donc tu as besoin des autres pour être riche. Si tu donnes rien aux autres, jamais tu ne seras riche. D’autres prendront même tout et toi, tu resteras pauvre. »

Il a réfléchi. Il m’a dit. « C’est vrai. »

Je n’ai pas eu le temps de lui dire que l’argent donné aux autres repart aussi vite dans l’économie.

Pourquoi les profs font grève ? Je ne sais pas tant que cela. Humainement, j’en vois une. Une contractuelle qui vient d’avoir son 3e enfant et qui, fatiguée après cinq ans d’exercice, a juste dit : « Pourquoi toujours des réformes ? » C’était sa troisième dans l’enseignement en si peu de temps.

Je rêve d’un pays et d’un gouvernement qui nous dise : « les gars on est un super pays solidaire. Pendant deux ans, vous pouvez être certain. Aucune réforme. Juste prendre le temps d’être cool et heureux. Profitez ! ».

Lui, il aura ma voix.

William Commegrain Lesfeminines.fr