Honnêtement, je n’aurais jamais cru que Bordeaux puisse devenir 3e du championnat de France après avoir vu la « trempe » qu’elles avaient subi contre le Paris SG à Jean Bouin (6-2) lors de l’avant-dernière journée de la dernière saison, sous le coaching de Jérôme Dauba.

Un championnat 2019 terminé avec 34 points (4e), en évolution positive (10é, 7é 4e) mais avec 23 points de différence sur le PSG (2e) au coude à coude avec l’OL (+5). Bordeaux avait titillé la descente en 2017, à quelques minutes, pour s’en éloigner les saisons suivantes. Lille, pourtant finaliste de la Coupe de France 2019, et Rodez avaient pris l’ascenseur pour la division inférieure.

Pour 2020, à quasiment la mi-saison, les bordelaises ont 21 points (7 victoires, 3 défaites, aucun nul), fortes de 23 buts marqués pour 11 encaissés, quasiment à la hauteur des 26 buts de la saison 2019, pour 34 encaissés.

Les statistiques le montrent. Ce n’est plus le même Bordeaux.

Bordeaux, pour sa 4e année avec les filles, a pris des décisions. 

Dans le (0-3, 10e journée) subit par le Paris FC à domicile, il y a la capacité d’analyse et de décision du monde des dirigeants.

Paris Fc (ex-Juvisy) n’a jamais rien changé depuis 2014, subissant les contraintes économiques de l’évolution du football féminin, pourtant au coeur de leur évolution à la FFF. Se contentant d’un financier humaniste avec le Paris FC plus que d’un investisseur pour le haut du tableau. A juste titre, puisque le budget parisien ne permettait pas plus, déjà à 10% de son budget total, bien au-dessus de la norme des autres clubs.

Bordeaux anticipe et décide. 

Bordeaux 2020 a changé de coach, Jérôme Dauba laissant sa place à Pedro Losa, inconnue en France. Pourtant élu par ses pairs, pour les deux dernières saisons, comme « meilleur coach de la D1F ». Déjà, les bordelais avaient décidé de se séparer de Theodore Genoux, alors qu’il venait de faire monter le club de la D2F au plus haut niveau.

Au niveau des joueuses, ils ont recruté large en D1F en allant chercher une sécurité au milieu (Bilbault et Jaurena) sans avoir peur de mettre en concurrence et sur le banc, la capitaine de la saison dernière Sophie Istillart. Ils ont réussi à convaincre la jumelle de Delphine Cascarino à jouer sa chance dans le Bordelais, sans garantie de titularisation, alors qu’elle touchait aux portes d’être invité plus couramment dans les stages des A. Un risque.

Enfin,dans un groupe au talent offensif déjà bien prononcé, ils ont trouvé les mots pour intégrer Ouleymata Sarr, révélée la saison dernière et intégrée aux A de Corinne Diacre, mais se voyant condamner avec la descente en D2F avec Lille. Une situation compliquée qui lui a fait perdre sa place dans l’élite des Bleues. Il fallait la convaincre d’aller dans le bordelais pour une joueuse qui avait déjà été barrée au PSG sur concurrence et dont son éclosion avait été dû certainement, à une situation de titularisation à Lille sur ce plan.

Les yeux bordelais, porté seulement depuis quatre ans sur le football féminin et trois saisons en D1F ne se sont pas contenté de l’hexagone.

Ils ont sorti une attaquante Shaw, jamaïcaine inconnue en France, formée au système universitaire américain, de leur pochette surprise. 1m80, 70 kgs. Deuxième au classement des buteuses derrière Ada Hegerberg, ballon d’Or 2018. Un sacré plus pour être dans ce Top four qui avait montré sa puissance lors du Mondial 2019. Il fallait avoir l’oeil.

Le tout avec un coaching espagnol fait par Pedro Losa, 43 ans, arrivé en provenance de Millwall Lionnesses (Royaume-Uni) où il occupait le poste de Directeur du Football et Manager Général. Il a débuté en Espagne, au Rayo Vallecano Madrid (2005-2011), en tant qu’entraîneur de l’équipe féminine avant de remplir la même mission à Arsenal (2014-2017) où il a remporté deux Coupes d’Angleterre et une Coupe de la Ligue.

La victoire de Bordeaux n’est pas que sur le terrain, elle est aussi dans les décisions.

Le (0-3) n’est pas sur le terrain. Il est dans la différence d’anticipation de la situation du football féminin. Les clubs professionnels masculins ont une vision d’expérience dans laquelle se trouve l’anticipation, la délégation, et où la décision est le centre nerveux de la performance.

Bordeaux a su prendre des décisions.

Le club de L’Olympique Lyonnais a cherché à internationaliser son coaching. Bordeaux l’a totalement fait avec un propriétaire américain (Joe DaGrosa), un entraîneur portugais pour les hommes avec Paula Sousa, et un autre espagnol pour les femmes.

Il ne faudrait pas attendre que cela réussisse pour se dire que c’était la bonne option.

Ce qui est sûr, c’est que Bordeaux dans la lignée actuelle des budgets de D1F actuel (un peu moins de 2 millions d’euros) va aller chercher le titre dans peu de temps. En prenant des décisions. L’habitude des clubs professionnels masculins.

William Commegrain Lesfeminines.fr