ITW Samedi 27 Juillet. 20h00. Gilles Eyquem, sélectionneur de l’équipe de France féminine U19 et U20 depuis Août 2012 est venu dans le football féminin sur la pointe des pieds. Tranquillement. Bonhomme. Lorsque je lui dis que c’est un magicien pour avoir réussi à gagner autant de titres avec des jeunes de générations différentes, il sourit. Il prend le compliment bien que le lui dise qu’il n’en est pas un.

Un sacré palmarès. Or Euro 2013, Bronze au Mondial 2014, Or Euro 2016, Argent au Mondial 2016, Finale de l’Euro 2017. Il laisse l’Euro 2018 à Gaëlle Dumas pour s’occuper des U20 à domicile. Il finira Quatrième au Mondial 2018, battu par l’Espagne, une petite déception. Cette année, il jouera l’Or ou Argent pour l’Euro 2019.

La France n’a rien obtenu d’autres comme titres à l’exception du championnat du Monde U17 en 2012.

Avec un tel palmarès, et le fait qu’il connaisse toutes les jeunes joueuses à venir, fort de 83 matches avec l’EDF U19 et 26 pour les U20, cela m’amène à poser cette question sur les A. Pourquoi n’avoir jamais été sollicité ? Une question légitime, au quelle il répond clairement.

C’est lorsque je cherche un titre et que je lui glisse « Gilles, rusé » en discutant avec lui de son adversaire de Demain que là, il se reconnaît. On sent le sourire au téléphone.

Gilles Eyquem, un coach qui n’aime ni la flatterie ni la langue de bois, et qui travaille auprès de ces joueuses, quelque soit celles qui arrivent, pour qu’elles n’aient pas de doute sur ses choix et sur ses décisions de titularisations. D’autant qu’il a la particularité de changer sans souci son onze de titulaires d’un match à l’autre. Il aime adapter l’équipe à sa ruse.

Pour cette édition 2019, les Bleuettes vont venir chercher leur titre. Pour se lancer sur le projet 2020.

Pour la France, cela sera un cinquième titre européen en U19, dimanche à 17h00, en direct sur l’Equipe TV. et la possibilité de passer première dans le classement des nations pour cette compétition. Juste devant l’Allemagne. Un bel objectif pour quelqu’un qui a découvert le football, comme tout ceux de cette génération, avec une Allemagne, forteresse impénétrable pour les Bleus (75-85) de l’époque.

Lesfeminines.fr Bonsoir Gilles, content de cette victoire face à l’Espagne (3-1), j’imagine ?

Gilles Eyquem. Très heureux, surtout pour les filles. Certaines avaient de mauvais souvenirs contre cette équipe sur les deux dernières années, en U17, U19 et U20 (L’Espagne avait pris l’Euro à la France en 2017 dans les cinq dernières minutes de la finale (3-2) en marquant deux buts consécutifs et en 2018, l’Espagne avait éliminé les Bleuettes en 1/2 finale du mondial à la maison).

Alors la victoire a fait du bien d’autant qu’elle s’est faite avec un contenu de qualité et que surtout nous pourrons continuer l’aventure en 2020 avec cette qualification pour la Coupe du Monde à venir. C’est un objectif essentiel car il est très important que les joueuses de cet âge aient des matches internationaux de qualité à jouer.

Lesfeminines.fr On a le sentiment que toutes les joueuses sont impliquées ?

Gilles Eyquem. J’ai un banc qui est prêt à jouer le jeu, sur le terrain comme en dehors. C’est un groupe qui a cet état d’esprit avec pourtant des profils de joueuses totalement différents. La difficulté se fait dans l’assemblage.

Je ne peux en mettre qu’onze sur le terrain mais dès la causerie, elles savent qu’elles peuvent entrer. Cela forge l’état d’esprit et les rendent concernées, d’autant que je précise qu’il y a d’autres matches à jouer aussi. Donc chacune peut avoir sa chance. Il faut rajouter que la nouvelle règle des cinq changements facilitent cette gestion et donne une vérité aux mots.

Lesfeminines.fr Certaines ont de l’expérience en D1F. Est-ce important dans ce résultat qui vous mène à la cinquième finale européenne ?

Gilles Eyquem. C’est essentiel, mais il faut rajouter l’expérience des matches en sélections avec nous. Elles connaissent mon discours et le discours du staff. On veut parler vrai sans raconter de blagues. Quand on avance quelque chose, on s’y tient avec la volonté de s’éloigner de la langue de bois. On met de côté tout ce qui touche à la flatterie.

Cela crée de la confiance dans le groupe mais aussi de la complicité. Cette complicité est dans le staff. Elles peuvent s’adresser à l’un de nous, elles recevront la même réponse. Cette unité nous a permis de donner du crédit à notre ambition commune et d’éloigner l’inconnue liée à l’aventure d’une phase finale qui génère nécessairement une forme d’appréhension.

D’ailleurs on retrouve le staff médical de 2016 qui n’avait pas pu nous suivre pour des raisons familiales. Les dates des compétitions ne correspondaient pas à leurs possibilités mais qui là revient, puisque le problème s’est posé pour l’ancien médecin, indisponible pour cet Euro.

C’est cet ensemble qui fait que le discours passe bien et permet à la qualité des joueuses de s’exprimer.

Lesfeminines.fr Vos exploits sont retransmis par la chaîne l’Equipe. Leurs journalistes parlent d’une prochaine retraite ? 

Gilles Eyquem. C’est vrai que c’est dans un coin de ma tête. Une idée qui traîne pour 2020. J’aime ce que je fais, j’ai un très bon feeling avec mon staff, et j’ai un grand plaisir à l’idée de la compétition mais j’ai aussi 60 ans. Je sens et je sais que mon adjointe Sandrine Ringler est prête à prendre la relève et j’ai envie de lui passer ce témoin. Je ressens aussi une forme de fatigue, je vais en discuter avec mon Président Noël Le Graet.

Lesfeminines.fr J’ai une question qui me trotte dans la tête. Je vous avais déjà posé la question en 2016 juste après la rupture avec Philippe Bergerôo chez les A. Pourquoi ne vous a-t-on jamais proposé les A avec un tel palmarès qui ne s’est jamais démenti ?

Gilles Eyquem. Cela aurait été une très grande fierté mais je n’ai aucun regret par rapport à cela. J’adore accompagner les jeunes et je ne pense pas que je suis fait pour manager les A. Accepter un management et des contraintes que je n’ai pas envie de connaître. Et qui ne va aller que crescendo.

Au début, pour les féminines, on avait affaire à des joueuses équilibrées dans leur parcours personnel. Elles associaient un parcours sportif avec un autre scolaire ou un projet professionnel. Le football féminin était un bol d’air. Il va vers celui des garçons. Ce n’est pas la même chose. c’est inévitable et normal car c’est logique que les filles puissent en faire un métier mais ce ne sera plus la même chose.

Aujourd’hui, on voit que les choses prennent le chemin de ce qu’on connait avec le football masculin. Les contraintes de ce nouvel environnement sont une chose que je n’ai pas envie de gérer.

Lesfeminines.fr Après sept ans au plus haut niveau, avez-vous une sélection particulière qui vous vient en mémoire ? Le parcours d’une joueuse parmi toutes celles que vous avez eu en mains ?

Gilles Eyquem. Les 1995 avec Griedge M’Bock, Aïssatou Tounkara et Kadidiatou Diani pour l’Euro 2013 et la Coupe du Monde 2014 au Canada. Peut-être parce qu’elles faisaient partie des premières ? Mais elles étaient pleines d’insouciance et très proches. Elles se voyaient gagner toutes les Coupes du Monde ensemble. Il faut dire qu’elles avaient déjà gagnée celle de 2012 en U17. Il y avait un bol d’air avec ces joueuses.

Pour les joueuses, j’ai trouvé que Kadidiatou Diani a fait un excellent Mondial. Une très belle progression mais pour autant je n’ai pas de joueuses à mettre sur un piédestal en particulier. Je suis toujours content quand j’en vois une qui va chez les A.

Lesfeminines.fr Demain, vous rencontrez l’Allemagne pour la finale de l’Euro U19. Quel sentiment avez-vous ? Je me souviens qu’on avait discuté de l’Allemagne avant de partir pour la Coupe du Monde 2016 en Papouasie, et vous aviez cette réserve qu’on a tous, dans notre tranche d’âge, avec cette Allemagne de 1976 à 1982 qui nous faisait souvent mal.

Gilles Eyquem. (Le ton dévoile l’envie prégnante de déjà en découdre). L’Allemagne, je la respecte mais elle ne me fait pas peur. On a toujours réussi à faire des coups contre Elle. En 2014, elle nous a volé notre finale en nous battant en 1/2 alors qu’on était meilleure qu’elle (2-1) mais depuis on a équilibré la balance (2016, 1-0 en 1/4, 1/2 finale Euro 2017 2-1).

C’est une belle équipe et une belle nation qui est très athlétique. Quand vous les rencontrez dans l’ascenseur, vous voyez très bien à quel point elles sont athlétiques. Elles aiment courir et ont un jeu très vertical. La ligne droite étant la manière la plus rapide d’aller devant le but, alors elles utilisent la ligne droite.

Mais elles risquent de buter sur notre ruse. Les filles savent lire leur jeu. Et les allemandes le savent !

Je suis même sûr qu’elles sont inquiètes de nous rencontrer. Quand mon observateur de leur demi-finale m’a dit qu’elles n’avaient pas fait tourner et qu’elles ont joué leur demi-finale avec leur même effectif, cela m’a donné des idées.

Nos arguments pour les contrer se trouve dans notre potentiel. Nous avons des talents même si j’aimerais que certaines jouent plus en D1F. Certaines sont en D2F mais il y en a aussi qui jouent en U19. Et la compétition U19 n’est pas au niveau pour les futurs matches internationaux.

Lesfeminines.fr Vous êtes d’accord avec moi qu’il faudrait une compétition mondiale U23

Gilles Eyquem. Je suis tout à fait d’accord et cela fait deux ans que je le dis au niveau de la fédération. Il est impératif qu’on ait une compétition pour cette tranche d’âge. Je me suis battu pour qu’on envoie une équipe au Tournoi de la Manga qui est ouvert aux U19 mais aussi aux U23. Et on voit que ces sélections ont une véritable qualité. D’autres nations le font, il faut que nous le fassions aussi.

Lesfeminines.fr Bonne chance pour demain. J’y crois. 

Gilles Eyquem. Moi aussi. (ferme et déterminé).

William Commegrain Lesfeminines.fr