Les faits mettent à jour une réalité : les transferts par rachat de contrat sont plus que des raretés dans le football féminin. Chaque joueuse est attachée par un contrat et les Présidents se gardent bien de porter la main au portefeuille dans un football qui n’a pas de valeurs d’échanges, compte tenu de plus que la ressource de substitution est de bien moins bonne qualité par rapport à celle qui part.

Les suédoises, habituées à naviguer sont les seules mondialistes à avoir bougé.

Vous ne voyez pas Arsenal FC Ladies recevoir une proposition de rachat de contrat pour Vivianne Miedema (22 ans, finaliste de la Coupe du Monde), fer de lance de l’attaque néerlandaise et prochaine meilleure joueuse européenne car le montant (rachat des salaires en cours) n’indemnisera pas le club de la qualité perdue. Et si proposition d’Arsenal est faite en la matière, elle a peu de chances de trouver preneur dans un football qui ne reçoit aucune prime et dont la présence d’une joueuse ne suscite par de revenus commerciaux accessoires significatifs comme une futures propositions de rachat de contrat. La joueuse est une charge et pas un capital comme pour les joueurs.

Dans ce cadre restrictif de transferts, si les joueuses ont exprimé une nouvelle valeur après un Mondial, elle se retrouvera dans un nouveau contrat, soit réévalué au sein du club actuel, soit proposé par un nouveau club.

Seule Kosovare Asllani (30 ans, Suède), excellente au Mondial a bénéficié d’un billet de sortie de la part de son club, lui faisant grâce de ses six mois contractuels à assurer pour signer au Real Madrid qui crée une équipe en Iberdrola, la première division espagnole.

La brésilienne et bordelaise Kathellen Sousa (23 ans), très correcte au Mondial pourrait être le seul véritable transfert du Mondial ? Encore sous les couleurs du club au scapulaire, elle est très sollicitée par le Real Madrid mais les négociations ont l’air de bloquer. Dans l’attente d’un déblocage qui a connu des limites. Pour la France, Griedge MBock aux alentours de 150.000 €. Kadidiatou Diani a fait l’objet d’un rachat par le PSG aux alentours de 100.000 € mais le seul qui connait une véritable limite est Farid Benstiti pour l’arrivée de Shirley Cruz au Paris Saint Germain en 2012.

La FAWSL, Iberdola et le championnat italien Serie A Femminile grignotent des mondialistes.

On voit donc des changements à l’international de joueuses libres, dans des championnats qui se construisent comme la FAWSL en Angleterre fonctionnant en franchise et dont le seuil d’entrée se fait sur dossier avec un minimum de fonds (500.000 €) pour un système de franchise à neuf initialement portée à douze sans montée ni descente sportive. Iberdrola le championnat espagnol assuré d’une manne financière plus conséquente et qui a un besoin de joueuses extérieures pour valider la présence du FC Barcelone en finale européenne (2019) contre l’Ol, donner de la réalité aux titres européens des U19 féminine (2017 et 2018), et combler les besoins d’un championnat à 16 équipes. Et enfin l’Italie, avec une grande Histoire au début du football féminin, initiatrice d’une fédération et compétition indépendante pour tomber dans l’anonymat national et européen pour avoir fait rêver l’Italie au Mondial 2019 en contenus et résultats, finissant leader dans un groupe avec l’Australie et le Brésil.

Linda Sembrant (Suède, 32 ans, Montpellier) a bénéficié de cet appel d’air. Jean-Louis Saez lui ayant préparé un nouveau contrat garanti mais lui laissant toute latitude dès lors qu’une bonne proposition était faite à sa capitaine montpelliéraine (2014-2019). Ce fut le cas avec la Juventus, championne d’Italie. 

Hedvig Lindahl, gardienne de la Suède (36 ans, 3e au Mondial) et réalisatrice d’un bon mondial avec un pénalty arrêté contre le Canada qui qualifie son équipe pour les 1/4, quitte Chelsea où elle a peu joué pour le Vfl Wolfsburg avec un contrat seulement d’une année.

De France, Virginia Torrecilla (Montpellier, Espagne, 24 ans) internationale depuis 2013, après quatre ans à Montpellier est repartie en Espagne pour jouer sous les couleurs de l’Atletico Madrid quand Andressa Alves (26 ans) après trois années à Barcelone est partie jouer sous les couleurs de l’AS Roma.

Dans ce cadre on pourrait insérer Andrine Hegerberg (26 ans), dispensée du Mondial en France pour une position commune avec sa soeur Ada, mais qui aurait été une des adversaires de la France dans le cas contraire. Sans temps de jeu avec le Paris Saint Germain, elle s’est engagée libre avec l’As Roma.

La Gant d’Or du Mondial 2019, Sari Van Veenendaal (29 ans, Pays-Bas) qui avait perdue sa place à Arsenal en subissant la concurrence de la française Pauline Peyraud Magnin, sans club et pourtant gant d’Or de l’Euro 2017 et championne d’Europe, a pu signer à l’Atletico de Madrid, double championne d’Espagne, et rejoindre la française Aissatou Tounkara.

Une des seules avec Elise Bussaglia (Vfl Wolfsburg, Fc Barcelone) et Pauline Peyraud Magnin (Arsenal) à avoir évolué en partant à l’étranger, devenue titulaire du groupe des 23 de Corinne Diacre, en attente d’une place dans le onze.

Une réussite qui a peut-être tentée d’autres Bleues et ex-Bleues, libres de changer de destination.

La D1F Arkema, ne joue pas l’inflation face à l’apparition des nouveaux championnats féminins.

A la mi-temps du mercato, ce n’est pas avec la D1F Arkema que l’Equipe TV va alimenter la rubrique mercato des quotidiennes de ces émissions. Les courses avaient été faites avant le Mondial avec la signature de Sarah Daebritz (24 ans, milieu offensif) pour le PSG. En équipe d’Allemagne depuis 2013 et joueuse du match au Mondial pour la Mannschaft. Plus modestement, Bordeaux avait choisi le physique de la jamaïcaine Khadija Shaw, joueuse évoluant dans le championnat américain universitaire (Easten Florida State College) impressionnante en neuf et qui fera concurrence au physique d’Ada Hegerberg.

Pas de transferts, des bons de sortie faute de volonté et de moyens de s’aligner dans une concurrence que les Présidents de l’élite féminine ne veulent pas. Pas spécialement mécontents de la domination lyonnaise et sans volonté marquée de lutter, à l’exception de Bordeaux qui s’essaye.

Une gestion qui se base sur des réévaluations de salaires ou de nouvelles propositions, elle-même insérée dans un budget en D1F (entre 1.500.000 et 2.000.000 d’euros pour le Top 5) qui subira un plafond de verre compte tenu qu’il est dépendant de deux caractéristiques structurelles : payer les féminines plus cher … c’est puiser dans le budget masculin (sénior et surtout des Jeunes, source de plus-values incroyables -à l’extrême le cas M’Bappé-), le diminuant au risque d’une baisse de compétitivité masculine du club qui serait dramatique dans un environnement où les clubs français sont déjà éloignés des quatre championnats leaders (Premier League, Liga, Bundesliga, Série A) ; le tout à fond perdu puisque le football féminin est une pratique qui ne génère que très peu de recettes.

En plus, dans un milieu féminin où l’inflation et la revendication sont des actions fortes de potentielles quand on voit ce qui se passe aux USA entre les joueuses et les joueurs voire de manière plus adaptée, avec la Norvège pour les Equipes nationales et dans l’ensemble sur la communication du Mondial 2019 (égalité salariale criée et impossible à imaginer).

Dans ces conditions, on constate plutôt quelques départs vers l’étranger de joueuses récemment Bleues ou ex-bleues, libres.

Maeva Clemaron, diplômée d’Architecture, venue en 2019 dans le groupe des vingt trois des Bleues, sans temps de jeu au Mondial français -à tort peut-être- va tenter sa chance en Angleterre auprès des Everton Ladies après deux saisons à Fleury FC 91 (2015-2017) et une très longue période stéphanoise (2008-2017)

Cela a peut-être donné de l’envi à d’autres ex-Bleues, ponctuelles ou non. Kenza Dali, revenue en sélection en 2018-2019, blessée a choisi l’Angleterre et West Ham, quand Méline Gérard (29 ans, Montpellier) à la recherche de temps de jeu après sa période de doublure de Sarah Bouhaddi (2014-2017) et ses blessures à Montpellier (2017-2019) a signé deux ans au Réal Bétis en Iberdrola.

Autre Bleue du Mondial n’ayant pas joué les cinq matches de la compétition, Julie Debever, (31 ans, EA Guingamp) devenue internationale aussi en 2019, était à deux doigts de signer pour l’Inter de Milan. Relancée par Bordeaux qui tente un pari difficile.

Un marché qui est donc plutôt calme après une compétition mondiale. La raison, les contrats. Le Real a posé des marques en contactant des joueuses, contraints d’attendre les fins de contrat. Souvent maintenant sur quatre ans pour les plus prometteuses, attentives aux propositions mais aussi au contenu du jeu et à la performance.

William Commegrain Lesfeminines.fr