Lorsque l’arbitre Iugulescu siffle la fin de rencontre à la 95e, le banc suédois court vers une joueuse. L’étouffe, l’enserre, l’accapare. Il faudra attendre longtemps avant d’apercevoir Caroline Seger, 34 ans, capitaine héréditaire d’une équipe de Suède (9e FIFA) qui vient de prendre sa quatrième récompense sur huit mondiaux (Argent en 2003, bronze en 1991, 2011 et 2019).

Elle mettra longtemps mais saura prendre son temps à savourer cette médaille, le fruit d’un sacré match et surtout de trois superbes victoires face à l’Allemagne (2e FIFA) et l’Angleterre (3e Fifa) et le Canada (5e FIFA), ne butant que face aux Pays-bas (8e FIFA), prochain finaliste face aux USA.

Une « petite finale » contre l’Angleterre, favori, après la prolongation suédoise et une journée de récupération en plus. De quoi se poser la question d’un bon résultat dans un cuvette nicoise à 29°, comme à son habitude peu occupée. D’autant que sa meneuse de jeu, Kosovare Asllani, ex-parisienne, habituelle numéro 10 « à l’ancienne » est sortie sur civière lors de la toute récente demi-finale face aux Pays-Bas. KO à la 119′, le mercredi mais sur le terrain le samedi.

Il ne manque personne à l’appel du onze. Bjorn, prévue initialement contre les Pays-bas et blessée lors de l’échauffement est là, présente. Kosovare pointe à l’appel. La triplette la plus rapide du Mondial est bien là, Rolfö à gauche, Blackstenius au centre et Jakobsson à droite.

La grande surprise sera la tactique inattendue de Peter Gerhardsson, à jouer la carte de l’offensif et l’exploit dès le début, se doutant qu’il serait très difficile à ses joueuses de pouvoir marquer au fil de la rencontre. L’impact physique des précédents matches ne manquant pas de venir consommer le potentiel de ses joueuses sur cette petite finale.

20′ suédoise incroyable !

Le onze suédois va faire « boire la tasse » à des anglaises d’un pays qui semble bien trop sensible à ce « stéréotype royal ». Dans les 20 premières minutes de la rencontre, on verra du jaune de partout, dans tous les sens. En attaque, en défense, au milieu, à droite comme à gauche. Du jamais vu, à croire que les suédoises viennent d’échanger leurs passeports avec un mélange de Marta et Cristiane pour le jeu et d’américaines, Lavelle, Rapinoe, Morgan, Heath pour l’impact offensif.

Les anglaises ne toucheront aucun ballon pendant 15 minutes. Sofia Jakobsson déborde (2′, 4′) du côté droit. Rolfö s’impose à droite sur Lucy Bronze (9′), les transmissions suédoises sont nettes et sèches. Linda Sembrant relance plat du pied verticalement. Ericsson décide que personne ne passera à gauche, alors que Gläs (PSG) envoie un message à Olivier Echouafni, avec sept titularisations à droite sans erreur. Caroline Seger se met à jouer en 6 aux trente-cinq mètres anglais. Imaginez où était le bloc suédois. Plus près, c’est de l’étranglement. Une tactique que le Board n’a pas encore identifié dans ses règles.

La Big Ben londonienne, Stefanie Houghton se couche au contact d’un ballon (11′). Sonnée. Le tocsin n’est pas loin. La capitaine anglaise n’aura pas le temps de le sonner, que la Suède aura ouvert la marque sur un tir sans contrôle de Kosovare Asllani pour un ballon qui lui revient dans la surface. (0-1, 11e). La Suèdoise, kosovare, parisienne, anglaise, place un tir à la Ibrahimovic. Précis, incisif et décisif.

Une ouverture du score qui laisse présager un temps de repos dans un Mondial qui aura été très tactique. Que nenni !

Les suédoises ont visiblement l’intention très nette de renverser les anglaises. La consigne est claire. Faire le maximum de différences dans les 20 premières minutes et ensuite tenir en fonction du score récolté. Un objectif si bien partagé que même Lindahl ira chercher une balle mal adressée sur la ligne de jeu, pour la relancer comme si de rien n’était. L’information est claire, le Diable n’est pas dans le détail. On l’a éjecté. Il n’existe qu’un seul Dieu pour les suédoises. La confiance et l’envie d’écraser le plus tôt possible son adversaire.

Le jeu repart du côté des jaunes, avec la même intensité.

Normalement un joueuse de couloir est dans le couloir. Du moins dans le sien. Ne me demandez pas pourquoi Sofia jabosson est à gauche à la 16′. Elle l’est et la voilà qui percute comme si elle était à droite. Sauf qu’en face, elle a Stéphanie Houghton peu habituée à des attaquantes fines et dribbleuses. Un type de joueuse qu’on trouve sur les cotés. Elle, c’est plutôt du physique et de la puissance qu’on lui propose.

Alors, elle n’aura qu’une intention va à Sofia Jakobsson qui joue des arabesques devant son adversaire. Entrée dans la surface, double contact, le regard sur le but possible et dans l’instant, elle délivre le geste impossible qui devient but. Un enroulé qui envoie la Suède sur le toit de l’Europe (0-2, 16′).

Sofia Jakobsson après son but (0-2) source FIFA

On s’assied. On voit du talent, individuel, collectif. On s’assied devant une telle performance, sans envie de bouger. Juste de se dire, je viens de voir quelque chose qui était imprévisible. L’exploit tape à la porte niçoise, comme des filles d’Odin, en force, avec envie et qualité pour le réaliser. Il est pour les Jaunes.

On se dit que l’Angleterre va retrouver l’Amiral Nelson au fond de la Manche. Renversé par des Vikings au coeur jaune.

L’Angleterre se rebiffe.

1m57 d’orgueil et de talents, les anglais sont comme cela. Le physique n’a rien à voir avec leur mental. 1m57 qui a décidé de refuser ce qu’elle voit au tableau d’affichage. Partie pour renverser les Vikings. Les anglaises ont du caractère. La gamine s’appelle Francesca Kirby. Un maillot blanc qui avance à la vitesse de l’éclair. Ca mouline sec quand elle lance son jeu. Petit pas, mais grande détermination.

Déjà elle sert Mead à la 28′ qui envoie un tir mal maitrisé devant des buts qui déjà se préparait à l’impact de la balle dans les filets, repoussé pour autant par le mur jaune, estampillé Björn. Si cela ne passe pas à gauche, alors Jill Scott lui envoie un ballon du plat du pied à droite, assez fort pour faire comprendre à la joueuse de Chelsea qu’elle mettre en branle le moteur de la révolte anglaise.

La petite anglaise au tempérament d’un Winston Churchill, ronde mais tenace, envoie un signe à droite, repique à gauche. le temps pour Linda Sembrant de se remettre en appui et le Spitfire anglais touche sa cible. Le poteau de Lindahl qui ne peut que faire entrer la balle dans les buts tellement le tir était maitrisé. (1-2, 31′).

Francesca Kirby réduit le score (1-2)

La guerre est déclarée. Le parfum de l’impossible prend des allures de possible. Exactement ce qu’adore respirer les anglaises dans la brume londonienne. Là, à Nice, Promenade des Anglais.

Greenwood, latérale gauche envoie du droit un boulet de canon dans la poitrine d’Ellen White qui va décider de passer un scanner pour vérifier l’état de ladite poitrine et dans l’éventualité favorable, de devenir ambassadrice directe et gratuite du fabricant de la brassière. La co-meilleure buteuse du tournoi (6 buts) te fait un geste à la Müller. Elle s’enroule sur Linda Sembrant, jette son pied dans un enroulé magnifique, pour mettre l’objet de ses rêves, ce ballon dans le filet opposé de Lindahl. (33′).

La gardienne suédoise tousse un peu. Sa cinquième coupe du monde et personne ne lui a fait un coup double en si peu de temps.

Sauf qu’en 2019, la technologie est là. L’arbitre VAR se manifeste d’un petit coucou qui plait aux canaris jaunes à qui ce but venait de couper le sifflet. Pour deux minutes plus tard, dans un geste qui sera le signe d’une prochaine publicité télévisée, l’arbitre dessine un écran que je n’achéterais jamais, même en promo, tellement il n’a rien d’un rectangle pour désigner une main.

L’anglaise, bien élevée, ira juste réclamer plus de justice. Visiblement personne ne veut qu’elle dépasse le chiffre de six réalisations. Son deuxième but essentiels en deux matches qui lui est refusé. Voilà une joueuse à qui il va être difficile de vendre de futurs produits à haute technologie. Une Adepte définitive du naturel.

cette mi-temps aurait pu s’arrêter là, sauf que les joueuses ne le veulent pas. Stina Blackstenius ira jouer un ballon dans les pieds de Stéfanie Houghton qu’elle prendra du bout du pied, pour tenter un lob impossible (45′).

La Suède se met en mode « défense »

Les suédoises n’ont plus de vent. Les anglaises essaient de passer à droite par Moore, à gauche avec Jill Scott, au centre avec Greenwood. Les suédoises commencent à avoir du mal à avancer, on pourrait même dire qu’elles ne sont pas loin de ramer dans cette partie de seconde mi-temps.

Plus que temps faible, c’est « temps » j’en peux plus. Mais les anglaises n’iront jamais mettre en danger la Suède sur ces moments forts. On le sait les filles du Nord, très sensibles à l’écologie, trouvent toujours des ressources renouvelables quand le non-renouvelable se met au rouge.

Les anglaises méritent mille fois d’égaliser. Elles ont la balle, l’envie, le jeu, la détermination.

Est-ce la couleur du maillot ? Est-ce le coeur de caroline Seger que toutes veulent faire pleurer. Peut-être est-ce le soleil qui fait briller le jaune de leur maillot. Mais à chaque force anglaise, on trouvera un caractère, un tempérament de fille. Une fille suédoise qui ne veut rien lâcher. White en tape de dépit le sol.

Et qui, à la 74′ et 76′ pointent par deux fois le nez et ose même un contre de Sofia Jakobsson qui s’essaie à un tir, parti fort mais arrivé comme un tir de missile. L’attaquante de Montpellier n’a plus rien dans la chaussette (88′).

Les anglaises sont des filles qui ne baissent jamais pavillon. Encore moins Lucy Bronze qui envoie les 60 millions d’anglais au Paradis de l’égalisation. Une reprise de volée qui ne peut que rentrer, Lindahl est à terre. C’est même elle qui lui a donné cette balle d’égalisation. La joueuse lyonnaise envoie un exocet bien maitrisé, prête à courir de bonheur devant le but qui s’annonce.

La balle ne passera jamais la ligne.

Renvoyé de la ligne par la tête de Nilla Fischer. A côté d’elle, il y avait caroline Seger. A côté de Seger, il y avait Ericsson. C’était un centre et où étaient les suédoises d’expérience. Par sur les joueuses, sur la ligne de but. Si la ligne Maginot avait été construite par les suédoises, la guerre de 39-45 n’aurait pas duré plus de six mois.

Tout le monde à la maison, et n’oubliez pas les patins.

Les suédoises avaient certainement un cadeau à faire. On en peut pas penser autrement. Zigiotto entrée en cours de jeu part en solo faire concurrence à Blackstenius et Jakobsson. Et que je vais à droite, puis à gauche. Et que je tire. et que je tire. Et que je me relève. La tête est dans le rouge. Elle ne voit que les buts. Boum ! telford sort la balle quand Blackstenius, seule à côté, la regarde. Interpellée. Elle ne l’avait même pas vu, elle qui n’avait qu’à faire un pas de danse pour mettre le score à (1-3).

Il reste une poignée de secondes. Une poignée et j’en souri. la balle tombe dans les pieds de Jakobsson au milieu. la joueuse qui sera élue meilleure joueuse du match, seconde récompense, n’en peut plus. Elle t’envoie un exocet. Elle n’en veut plus de cette balle. De ce jeu. Le Rouge est passée rouge carmillon. Elles n’attendent qu’une seule chose, le sifflet de l’arbitre.

Elles s’en souviendront longtemps de ces trois coups de sifflet. C’est la fin et la médaille qui est là. Pour elles.

Les anglaises auront fait leur match. A une technologie près et le détail d’une main près, elles égalisaient et peut-être qu’elles prenaient le meilleur sur une Suède fatiguée. Les anglaises nous ont montré qu’elles avaient le niveau pour aller chercher le plus haut et nous ont rappelé ce qu’elles étaient : une équipe entière avec des valeurs.

La Suède a mérité cette 3e place.

Une superbe performance qui confirme que les stéréotypes ont la peau dure. Caractérisée comme équipe du passé, les Jaunes et Bleues ont réussi dans cette dernière décennies d’avoir un bronze Mondial en 2011, une demi-finale lors de l’Euro 2013, une médaille d’argent aux JO de 2016 et maintenant un bronze mondial en 2019.

Un superbe match qui montre ce qu’est le football féminin. Un football engagé. Normal. … Sur le terrain, pour moi.

La performance est féminine. Aujourd’hui, il y a eu de la performance à Nice.

William Commegrain Lesfeminines.fr

Mondial 2019. Finale 3e place. ANGLETERRE (1-2) SUEDE. Stade de Nice, Nice. Arbitres PUSTOVOYTOVA Anastasia (RUS), KUROCHKINA Ekaterina (RUS), IUGULESCU Petruta (ROU). 20.316 spectateurs. Moore (95′), Lindahl (85′)

  • Asllani (11′)
  • Jakobsson (16′).
  • Kirby (31′).

ANGLETERRE – Telford – Bronze, Houghton, McManus, Greenwood – Kirby, Scott, Moore – Parris (73′, Carney), White, Mead (50′ Taylor). Coach : Phil Neville.

SUEDE : Lindahl – Glas, Fischer, Sembrant, Eriksson – Bjorn (72, ILESTEDT), Asllani (46′, Zigiotti), Seger – Jakobsson, Blackstenius, Rolfö (27′ Hurtig). Coach : Peter Gerhardsson.