Interview Vendredi. Elise Legrout (21 ans), je l’ai connu pour l’aider à intégrer une Université française lorsqu’elle venait de signer pour Juvisy, maintenant Paris FC. Son domaine, c’était le marketing. Bac ES, mention très bien (16 de moyenne au minimum sur une dizaine de matières). Le même profil que Théa Greboval (bac S, mention très bien) venue toutes les deux du Nord de la France. Un premier profil d’études très bien réussi. Théa avait choisi la kiné et il fallait la faire entrer dans l’école réputée de kiné de Saint Maurice. Pour la jeune Elise, c’était le marketing.

Jeunes internationales françaises, elles ont choisi un chemin qui associent « études et sport de haut niveau ». Elise, championne d’Europe U19 en 2016 est maintenant aux USA pour suivre son cursus universitaire.

Je trouvais qu’elle était la meilleure personne pour nous décrire ce que sont les USA en matière de sport de haut niveau. Le temps d’un appel Whatsapp, et après deux entraînements qu’elle avait programmée, on échange sur les USA. Qu’est-ce que c’est quand tu es jeune, sportive de haut niveau et joueuse internationale de « SOCCER » française.

Lesfeminines.fr. Bonjour Elise, ce qui est bien dans votre parcours, c’est que le football vous a permis de bouger.

Elise Legrout. Je suis venue en Août 2018. Cela m’a bien permis de bouger, je suis surtout partie aux Etats-Unis pour pouvoir continuer mes études. C’était difficile de continuer en France pour un Master avec un sport. Du coup, pourquoi pas les USA ? Les Etudes et le sport se conjuguant plutôt bien. Il me reste une saison à faire avant d’être diplômée et de ne plus pouvoir jouer en Universitaire.

Lesfeminines.fr Comment tout cela s’organise ? 

Elise Legrout. Une saison est courte ici. D’Août à Décembre. C’est assez intense, on a deux matches par semaine. Et après on passe à un travail athlétique de Janvier à Mai. Le côté athlétique est plus développé qu’en France. Ici ce n’est pas possible de ne pas faire de musculation. Quelque soit le sport. Du coup, cela fait pas mal de temps que je n’ai pas fait de compétition.

Lesfeminines.fr Dans le passé, j’avais même remarqué que tout le monde travaille son corps.

Elise Legrout. C’est vrai. Aux Etats-Unis, ils sont soit « Fat » soit hyper musclé avec des corps très dessinés. Il n’y a pas comme en France de personnes plutôt fines.

Lesfeminines.fr Quel est l’apport que tu as ressenti ?

Elise Legrout. J’ai beaucoup gagné en puissance au niveau de mes appuis et de la vitesse. Et à titre personnel, beaucoup de choses en découvrant un nouveau pays, une nouvelle façon de travailler, de faire des études. Cela m’a beaucoup amené.

Lesfeminines.fr. Comment conjuguent-ils le sport de haut niveau avec des études qualitatives ?

Elise Legrout. En France, on va aller de 8h à 17h en cours avec des journées très intense où on est peut être quatre heures dans une même classe. (32 heures en cours, plus le travail à la maison). Alors qu’ici pas du tout. En Master, j’ai par exemple 3 heures en classe par semaine (…. là, je demande la répétition). En spring, j’avais 3 heures, en Fall (spring, summer, fall, winter), c’était 6 heures. C’est vraiment le maximum.

Lesfeminines.fr. Comment est-ce possible ?

Elise Legrout. Le fait d’être en Master, ce sont des étudiants plus âgés. Les études sont très chères. L’année c’est 30.000 euros l’année. Il y a des étudiants qui viennent de terminer leur Bachelor, ils ne peuvent pas continuer sur un Master. Ils travaillent et ensuite ils reviennent aux études plus tard.

Avec un travail et une famille et ils n’ont pas de temps à passer en cours. J’ai plein de camarades de classe qui ont des enfants et ils se perfectionnent pour postuler à des postes un peu plus haut au niveau Master.

Lesfeminines.fr. Mais les évaluations ?

Elise Legrout. Les évaluations sont des devoirs maisons. Des « Research Papers ». On a un sujet, on doit lire des articles, correller les articles entre eux en proposant des hypothèses ou ce sont des projets de groupe avec des présentations orales. On a aussi souvent des quizz avec des questions type QCM. C’est digitalisée comme étude.

Lesfeminines.fr. Et les corrections ?

Elise Legrout. Les professeurs nous laissent des commentaires. Si c’est 50/50 réponse bonnes, c’est simple. « C’est très bien vous avez maitrisé la leçon ». Si on n’a pas eu bon, il y a des corrections amenés par le professeur et souvent on a un mail du professeur dans lequel il souhaite discuter avec nous de notre devoir, pour échanger sur certains points qu’on a développé et qui n’étaient pas ceux attendus.

Ils essaient de comprendre comment nous avons perçu le sujet et peut-être nous accorder des points si notre position peut s’entendre. Ils veulent comprendre « pourquoi avoir donné cette réponse là alors que la professeur était plutôt sur un autre axe ? » 

Lesfeminines.fr. Le diplôme n’est pas donné à la moyenne ?

Elise Legrout. C’est un cumul de notes A, B, C, D, E. Pour valider une classe, il faut une lettre A ou B, qui correspond à des pourcentages. Par exemple, A c’est 90% de la classe. Donc ce n’est pas la moyenne ? C’est cela. Souvent quand on a B, on passe. Après C, cela dépend de la difficulté de la classe. Ce qui est recommandé, c’est d’avoir un A ou un B.

Lesfeminines.fr. Donc, il faut être parmi les meilleurs mais si tu as une autre vision, on écoute. On évite le moule. Par contre, il faut maitriser 90% de la leçon, sinon cela ne sert à rien ?

Elise Legrout. C’est cela. Ici dans les études, chacun fait comme il a envie. Par contre, si tu veux être le meilleur, il faut travailler plus que les autres. C’est cette mentalité là.

Si tu veux pas venir en musculation, tu ne viens pas. Les coaches et les préparateurs physiques ne te diront rien. C’est pour toi. Si après tu ne joues pas, c’est que tu n’as pas fait les travaux nécessaires en fait.

Lesfeminines.fr. Je t’ai vu jouer en France. Je t’ai trouvé potentiellement très bonne mais on avait le sentiment que tu étais sur la réserve car encore jeune. En plus, en France, si tu n’es pas dans les petits papiers, cela peut être difficile de jouer. 

Elise Legrout.  Je trouve qu’aux USA, ils ont d’abord une mentalité hyper positive. On va te donner toujours confiance en toi. Peu importe ce que tu fais, même si ce n’est pas très bien, on va valoriser l’effort que tu as fais. Si tu fais tes efforts, quoi qu’il arrive, on va te donner ta chance pour que tu puisse t’exprimer.

Et après, peu importe le résultat que tu fais. On va te dire qu’on est fière de toi, tu as donné le meilleure de toi-même. Pour la fois d’après tu prends confiance, et encore après. C’est un travail qui est fait pour mettre les gens aux meilleurs de leurs potentiels.

Lesfeminines.fr. Amandine Henry dit la même chose que toi. 

Elise Legrout. Elle était avec les professionnels. Avec Portland, je crois. Je pense que c’est réellement en train de me transformer. J’ai incroyablement évolué mentalement et physiquement. J’ai encore une année à faire, cela va encore plus m’emporter !

Lesfeminines.fr. La Coupe du Monde, que voyez-vous aux USA ?

Elise Legrout.  Pour les premiers matches, j’étais en France. Je suis allée au match d’ouverture. France-Corée. C’était superbe. Et un autre à Valenciennes, c’était très sympa. Mais en rentrant aux Etats-Unis, je suis rentré dans le bain. Cours, entraînements. Je n’ai pas vu grand chose mais un peu quand même.

Les américains sont un peu dedans mais pas comme en France, le pays hôte. On regarde les matches. On se chambre un peu entre français, américains, anglais mais il n’y a pas forcément de rassemblements pour regarder les matches. On en discute mais il n’y a pas d’encore d’effervescence comme en France. En France, c’est le contraire mais quand tu fais un évènement FIFA, ce n’est pas confidentiel, tu crées du volume automatiquement. Exactement.

Lesfeminines.fr. Les USA vainqueurs ?

Elise Legrout. Oui. Je les ai vu jouer contre l’Angleterre, c’était un match « IN-CROY-ABLE ! » (avec un accent très américain). Elles ont été MONS-TRUEUSES ! Vraiment ! (rires sur le ton américain !)

Lesfeminines.fr. Pourtant, le parcours n’a pas été si facile !

Elise Legrout. Mentalement, elles se sont accrochées. Je ne les vois pas lâcher avec ce mental. Et quand je les vois physiquement, elles vont faire des pressing à la 88′. C’est vraiment « IM-PRES-SION-NANT » (toujours l’accent américain, sourire). Elles ne peuvent pas lâcher. Si j’avais 100 euros à mettre, je les mettrais sur elles.

Lesfeminines.fr. Le seul malheur qui peut leur arriver, c’est que les Pays-bas défendent tous les ballons. 

Elise Legrout. Mettre le bus. (Elle réfléchit). Peut-être qu’elles vont réussir à être intelligentes et les faire sortir un peu dans une finale. Si j’étais les Pays-Bas, j’essayerais de défendre.

Après les USA elles jouent pas mal en contre. Contre l’Angleterre, elles étaient derrière et en deux-trois passes, elles arrivaient vite devant le but et elles enchainaient une frappe.

Lesfeminines.fr C’est possible pour avoir un peu d’espace. Ce qui m’a impressionné chez elle. Arriver en finale, c’est impressionnant. Il y avait 7 équipes européennes en quart, elles étaient les seules. Elles arrivent en finale. Magnifique comme performance. Et avec un regard de footeux. Si tu prends l’EDF on a pas le dernier geste, les centres sont mauvais. O’hara quand elle a centré, Press n’a pas bougé d’un centimètre. Rapinoe pareil pour le centre d’Heath.

Elise Legrout. Je pense que cela joue au niveau de la lucidité et de leur préparation. Elles font des efforts que nous sommes capables de faire mais nous quand on arrive dans le dernier geste, on a plus cette lucidité pour donner le bon ballon, ajuster le centre. On a le sentiment d’avoir fait le plus difficile, on met la balle au centre et on verra bien. Les USA sont un cran physiquement au-dessus de nous et garde cette dernière lucidité que l’on a pas. C’est physique, par contre techniquement, les deux équipes se valent

Lesfeminines.fr. Les PB tu ne peux pas dire que ce n’est pas dangereux, sauf qu’elles ont joué une prolongation, un jour de récupération en moins et qu’en face c’est les USA. Cela fait beaucoup d’obstacles. 

Elise Legrout. Je pense que cela va être compliqué pour elle. Après sur un match tout est possible. J »ai vraiment hâte de voir cela. je vois les USA directement gagnante.

Lesfeminines.fr. Cela bouge aux USA cette finale ? 

Elise Legrout. La finale va être assez regardé et mouvementée. On va voir des gens avec le maillot dans la rue c’est sûr. J’ai hâte de vivre cela aux USA.

Lesfeminines.fr. Quel est ton avenir ?

Elise Legrout. J’ai été en France Assistante marketing chez Natural Grass à l’IAE Gustave Eiffel en alternance. Cela m’a bien plu. Je vais continuer dans cette voie Marketing-management car c’est un univers que j’adore et où qu’ont peut concilier avec le sport. C’est très sympa.

Lesfeminines.fr. En France ?

Elise Legrout. Franchement je suis bien aux USA. Le football européen va de mieux en mieux. Peut-être que pour des perspectives professionnelles je vais me rapprocher de l’Europe. En France, mais l’Allemagne ou l’Angleterre m’intéressent aussi.

Je vais voir en fonction de ma saison, si je fais une très bonne saison. Tout va se conditionner par rapport à ma saison que je vais commencer en Août. J’ai aucune barrière où je peux atterrir ensuite.

Lesfeminines.fr. Les USA ?

Elise Legrout. J’aimerais bien. Aux USA, pour les places au niveau des joueuses internationales (étrangères), C’est restreint. Combien ?Je dois vérifier mais je crois que c’est 5 joueuses internationales par clubs. Ils préférent appeler des joueuses comme Amandine Henry. Des joueuses d’expériences.

Mais tout est possible. Si je fais vraiment une bonne saison, cela peut être une bonne opportunité pour moi.

Lesfeminines.fr. Ils te voient comme une jeune internationale ?

Elise Legrout. Oui. Comme une internationale française. Ils savent que j’ai gagné le championnat d’Europe en 2016 en U19. Les Universités cherchent d’ailleurs les joueuses qui ont été en équipes internationales jeunes. Angleterre, Espagne, France Allemagne.

Théa Greboval et Elise Legrout, joueuse de Juvisy (Paris FC) pour Théa, partie ensuite à la VGA Saint Maur pour Elise. (source fff)

Lesfeminines.fr. Tu es payé ?

Elise Legrout. J’ai une bourse à 100% qui me permet de payer tous les frais de scolarité. Les frais de nourriture et de logement. Et on a une somme pour les extras.Tout est pris en compte. Je ne suis pas malheureuse, c’est sûr.

Lesfeminines.fr. Tu es où ?

Elise Legrout. A l’UCF. Université Centrale de Floride qui est rattachée à la ville d’Orlando. On est à 20 minutes. La Floride, le sable blanc, ca va ! La plage est à une heure. Ce n’est pas un problème. Key West. Rires. Tout va bien. L’environnement est superbe. Rien à dire là-dessus. Il y a le soleil, le foot, les études.

Lesfeminines.fr. Tes parents doivent être très contents pour toi. 

Elise Legrout. Ils voient que je vis ma meilleure vie.

Lesfeminines.fr. Super, c’est le football qui t’a permis cela.

Elise Legrout. Exactement. Je suis vraiment reconnaissante de cela au football. OK, c’est du sacrifice mais au final tu as des opportunités qui sont incroyables dans la vie quand même. Sans foot, je ne vivrais pas cette vie là.

William Commegrain Lesfeminines.fr

PS : Elise Legrout se transforme comme tous les jeunes. Son expérience de vie lui donne un autre regard. Elle voit les choses en grand et autrement. Un bagage qui lui servira dans sa vie ou à un moment de sa vie. Là, elle s’est fixée elle-même des entraînements pour commencer la saison. Tout va se jouer en cinq mois pour elle sur le plan sportif. En 10 mois pour les études. Après, en fonction de ses résultats, elle décidera en fonction de ce qu’on lui proposera.

A mon avis, ce serait bien de lui proposer le plus tôt possible. Une jeune, quand elle est motivée et pragmatique, c’est une bombe pour savoir donner le meilleur de ce qu’elle peut faire.