Ecrire sur le football féminin, il y a ceux qui vont le faire par intérêt et d’autres par passion. L’éditeur, à l’aube de la Coupe du Monde, sait que le thème sera d’actualité. L’écrivain, à la réflexion, se pose la question du contenu. Olivier Corbobesse, la quarantaine tranquille, aime le football féminin depuis une bonne vingtaine d’années.

Une découverte en Suède au cours d’études et de matches mixtes qui l’ont enchanté, l’homme devenu cadre dirigeant dans un service public, par monts et par vaux sur le plan professionnel, est toujours resté de plein pied en contact avec cette émotion vécue et ressentie d’un football partagé.

Un voyage en Iran, une mission à Saint Pierre et Miquelon, des diplômes d’éducateurs passés dans ce territoire d’outre-mer collé au Canada, fier de préciser que « cet archipel est la terre française qui a le plus fort taux de pratique féminine, soit 25% de femmes quand l’hexagone se limite à 7% », lui ont permis d’écrire un superbe ouvrage autour de soixante questions liées à cette pratique, qu’il ne peut avoir terminé sans cette soixante-et-unième qui lui tient à coeur, transformée en épilogue : « vers une mixité des équipes ? ». Pour lui, une des voies de l’avenir.

Lesfeminines. fr. Olivier, pourquoi avoir fait cet ouvrage ?

Olivier Corbobesse. Tout simplement car j’ai des choses à dire et à partager avec le grand public. Le football féminin reste une niche peu explorée dans les livres. On trouvait jusqu’ici deux types d’ouvrages, pour faire simple. Soit des biographies de joueuses comme celle de Marinette Pichon par exemple, soit des articles ou thèses sociologiques et universitaires. Ces derniers sont très intéressants puisque je m’en suis inspiré pour mes travaux, mais ce sont des ouvrages qui s’éloignent du grand public.

En fait, il n’y avait pas véritablement de livres, en France comme à l’étranger, en tout cas à ma connaissance, qui fassent un point global sur la culture foot féminin dans tous ses aspects : historique, sociologique, culturel, sportif, géopolitique…

Lesfeminines.fr. Avez-vous des questions originales qui vous ont interpellé ? 

Olivier Corbobesse. J’hésite entre la 25 « Quid de l’amorti de la poitrine ? », question légère mais qui a trait à nos représentations sur la pratique, et celle qui demande : « Y-a-t-il des chansons liées aux footballeuses ? » car il y a eu quelques initiatives dans la culture pop, pour terminer par une dernière : « Y-a-t-il des musées sur le football féminin ? ».

Lesfeminines.fr. Si pour les musées, le Musée des Bleues est d’actualité, et comme pour l’amorti de poitrine on sait que cela ne pose pas de problèmes, qu’en est-il pour les chansons ? 

Olivier Corbobesse. Ce n’est paradoxalement pas aux USA que j’en ai trouvé le plus. La plus belle chanson que j’ai dénichée tous pays confondus, bien que cela soit affaire de goût, est celle de Mickey 3D, le groupe de rock de Saint-Etienne qui avait déjà chanté sur le foot. Son tube « la footballeuse de Sherbrooke » (une petite ville du Quebec) doit être une des chansons les plus poétiques qui puissent représenter une footballeuse.

Maintenant, certaines sont de véritables flops (chez les gars aussi). En amont de la Coupe du Monde 2011, quelques groupes se sont risqués à l’exercice avec une compilation sur le football féminin qui est sortie, et même un hymne officiel que tout le monde a oublié, avec une Spice girl qui en a fait un tube.

Dernier exemple, en Ecosse, il y a une chanson qui sert en quelque sorte d’hymne à l’équipe nationale. Elle se veut sous l’angle plus à la mode de l’empowerment, cette capacité à la responsabilisation pour donner du courage aux filles, en disant « vivez votre rêve et ne vous faîtes pas enfermer dans les normes sociales ».

Lesfeminines.fr : D’autres questions plus générales ? 

Olivier Corbobesse : J’ai posé des questions plus profondes, dans un esprit pédagogique à l’aube de cette 8e Coupe du Monde qui arrive prochainement en France (7 Juin – 7 Juillet). Par exemple, pourquoi le ballon rond est-il aussi populaire chez les Américaines ? Comment le cinéma aborde-t-il le football féminin ? Le hooliganisme épargne-t-il les femmes ? Le mouvement féministe a-t-il déjà investi les terrains ? Faut-il inciter sa fille à faire du foot ?

Photo Olivier Corbobesse. Christine Sinclair, peinte sur un mur de Portland.

Lesfeminines.fr : On se connaît un peu. Vous bougez sur la planète et pourtant votre regard est toujours présent sur cette pratique. Qu’est-ce qui vous attire dans le football féminin ?

Olivier Corbobesse. Il y a deux aspects qui m’interpellent. Sur le plan du jeu, je trouve ce football plus aéré, débarrassé de certains éléments parasitants (fautes à répétition, pression asphyxiante sur le porteur du ballon…), bref une pratique qui pourrait par certains côtés rappeler l’âge d’or du football masculin des années 1970. C’est aussi l’aspect sociétal qui m’intéresse, plus précisément le fait socio-culturel très intéressant que représente la pratique. J’ajoute que j’anime des séances pour les féminines, en tant qu’éducateur, d’où une sensibilité accrue.

Un des premiers matches de football féminin

Lesfeminines.fr : une innovation vous interpelle, c’est la mixité du jeu. Vous pouvez nous en dire plus ? 

Olivier Corbobesse. Quelque part, c’est la conclusion de l’ouvrage. Un ouvrage qui veut montrer que le football féminin est passé d’une contre-culture à une pratique qui s’inscrit de plus en plus dans le courant dominant. Le paroxysme de la convergence avec le football masculin se retrouverait donc dans le football mixte.

Celui-ci est une pratique qui possède un fort potentiel. A titre personnel, je joue régulièrement en mixité en futsal et en « indoor soccer ». On voit aussi quelques symboles qui apparaissent comme le dernier match du Variétés Club de France qui était un match mixte. Le premier de l’Histoire du Variétés.

Avec un plus grand recul historique, on constate que le football mixte est très populaire depuis les années 1980 en Amérique du Nord, où il est appelé le « co-ed », avec énormément de Ligues loisirs qui l’organisent. On a donc déjà un recul d’une trentaine d’années sur cette pratique.

J’y crois, ce sera une nouvelle tendance, comme on a celle de l’« indoor soccer » ou du « beach soccer ». Une nouvelle pratique qui sera institutionnalisée. Cela reste un pronostic (sourires).

Lesfeminines.fr : on échange et on pourrait se reconnaître, en tant que passionné de ce football au féminin, comme appréciant particulièrement les chemins non exploités. En dehors de la masse et du conformisme. 

Olivier Corbobesse. (Après réflexion). C’est exact. Il y a la volonté de s’intéresser à la différence pour la voir grandir et se développer, en perdant le moins de son identité. Il y a des liens entre les gens qui suivent cette pratique. Je pense par exemple à des supportrices américaines rencontrées au Canada en 2015. Nous sommes toujours en contact et dans l’impatience de se revoir au Mondial 2019, en ayant acheté ensemble les places !

Un ouvrage à se procurer pour en savoir plus et mieux sur la pratique.

L’échange, la mixité, le jeu aéré, voilà des éléments caractéristiques du football féminin. Olivier Corbobesse est dans l’approche sociétale. Diplômé de Sciences po, il intervient à l’Université des Sciences sociales de Toulouse 1. Auteur en 2018 de Culture Générale Football Club, 170 questions-réponses pour mieux comprendre le monde grâce au foot, il a également écrit en 2019Histoire du football à Saint-Pierre et Miquelon, un autre regard sur l’archipel. Personne ne sera surpris qu’il soit aussi membre de l’Académie des livres de Toulouse.

William Commegrain Lesféminines.fr

• « Le football au féminin en 60 questions. »

• Editions Marie B.

• EAN:979-10-93576-68-8, 180 pages, 16€