Aujourd’hui, qui n’a pas entendu parler de football féminin ? Même les EHPAD branchés sur TF1 n’échapperont pas au jeu des Bleues d’Amandine Henry et consoeurs, télévisées sur les écrans de France et du Monde entier. On attend 1 milliard de téléspectateurs pour le Globe.

Si la médiatisation va être intense, les moyens et outils au quotidien sont bien moins conséquents, personne ne peut en douter. Le monde associatif est un monde plein d’idées, mais sans pétrole .. pour reprendre la maxime des années 80.

Comment alors parler du football féminin sans se trouver devant une salle vide du simple fait qu’il n’y a que 170.000 licenciées féminines pour un peu plus de 2.000.000 de licences masculines sans compter les pratiquants d’autres disciplines du football, telle que le foot à cinq, clientèle privée.

David Welferinger, ex pro-nantais, ex-coach d’Albi Asptt, s’est attelé à la question en cherchant des axes d’innovations pour l’habituelle réunion d’information de l’Amicale des Educateurs du Tarn. Une salle pas si facile à remplir, un soir entre 20h et 22h sur une thématique de conseils, en pleine semaine.

Ancien du football féminin, il a tenté le pari de cette innovation.

Le football féminin, un outil d’innovation ?

La problématique était d’innover, de sortir des habituelles réunions autour des problématiques de jeu, « On est un soutien des éducateurs et chaque année on fait intervenir des entraîneurs réputés pour des problématiques de jeu. C’est super mais aussi redondants d’autant que notre réseau s’amenuise avec le temps. Et en plus, tu crées une routine et tu mets en difficulté des gens renommés comme Christophe Pellissier de la région, Pascal Duprat (Toulouse), Paul Le Guen, René Girard, etc .. tous venus nous parler dans le passé de leurs problématiques de terrain. Au final, tu t’aperçois qu’elles évoluent peu. Les entraîneurs te parlent toujours des mêmes choses. Grosso modo, que tu sois à Paris ou à Lyon, les problèmes restent les mêmes. Seul le management des grands joueurs va changer, selon que tu as un joueur correct ou un international. »

Hors, David a fait le constat d’être face à des éducateurs qui ont besoin aussi d’échanger sur des questions plus proches de leur quotidien. « Cette année, on a voulu aller vers des directions nouvelles. D’où l’idée de prendre comme thème : « l’environnement du football ! ».

Pour réunir, bien construire son offre.

Par exemple, l’environnement du foot. « On avait deux choses devant nous. Les problématiques des agents avec les relations des clubs puisque l’on voit bien qu’aujourd’hui les coaches ont plus de problèmes avec les agents qu’avec leur management général et la gestion au quotidien dans un club pour des éducateurs. On s’est posé ces questions « Qu’est-ce qui se passe autour du terrain avec le staff ? Le corps arbitral ? Les dirigeants ? Une autre question plus élitistes et pour répondre à une curiosité saine, comment sont organisées les soirées quand Canal Plus prend en charge les matches ? »

Pourquoi avoir choisi d’insérer du football féminin dans un contenu déjà assez conséquent ? La réponse est claire. L’organisation de la Coupe du Monde de football en France a été le déclencheur mais plus que cela, la possibilité d’avoir des compétences de proximité pour en parler au quotidien. Et avec le club d’Albi qui a fréquenté la D1F, David Welferinger était bien dans un contenu de proximité, avec des enjeux nationaux pour situer l’intérêt de la démarche.

Des intervenants adaptés au sujet

Si l’emballage est beau et que le contenu est vide, la salle se vide. Il a donc été chercher des personnes qui correspondent à ces doubles notions de compétences et de notoriété sans pour autant aller à la recherche de la star qui va monopoliser la parole et les questions.

Nicolas Dieuze, l’ancien joueur de Toulouse est conseiller sportif comme entrepreneur avec les salles de foot à 5 et il a choisi la manageur d’Albi, Aïvi Mitchai, en double projet sur un DESS de Management au Creps de Toulouse et une présence 15 jours par mois au club. En fin de carrière sur le terrain, qui est venue au club pour le développer dans un football féminin qui a beaucoup évolué depuis trois à quatre ans. Pour l’approche médiatique, il a réussi à avoir l’accord de Laurent Paganelli qui demeure pas loin à Avignon, grâce à son réseau. « Il fallait aussi être attractif et le choix de Paga n’est pas neutre. Il a tout connu, en tant que joueur et maintenant journaliste puisqu’il y a un diplôme de journaliste. »

L’organisation de la parole

Rien de pire que d’être sur scène pour écouter les autres intervenir et n’être réduit qu’à cinq minutes de parole. Contraint soit à l’effet de scène pour retenir l’attention ou alors, à la synthèse qui -synthèse de synthèse-, se termine quasiment par un slogan. Sans grand effet, dès lors que le contenu n’a pas été développé.

David et son équipe ont donc organisé le temps de parole. Tout cela dit avec le sourire du Tarn que l’on entend au téléphone. « La règle était que je permette un échange libre mais aussi qu’on le maitrise. C’est à dire qu’on additionnait le temps de parole comme dans un débat politique pour le CSA afin que chacun puisse s’exprimer et que toutes les questions ne soient pas posées à Laurent et Nicolas. »

Le bilan final.

Des choses à dire. Des choses à écouter. Au final, le bilan tiré par David est totalement positif. « Cela s’est super bien passé avec d’ailleurs à ma surprise, beaucoup de gens qui venaient du féminin. Il y a eu un bel échange avec des idées audibles et convaincantes. »  Une réunion qui a duré deux heures, de 20h-22H avec visiblement du mal à clôturer. Il a fallu sortir la fameuse phrase : « les deux dernières questions » car derrière nos invités avaient leurs obligations ».

Quand on lui demande de retracer quelques questions intéressantes liées au football féminin, il réfléchit quelques secondes et se remémore : « comment fait – tu quand tu es manager d’Albi pour exister ? Alors que tu es dans un club situé dans un bassin de population entre Toulouse et Rodez. » Deux clubs, soit avec plus de moyens, soit avec une meilleure renommée. Rodez, huit ans de D1F même si cette saison, elles redescendent.

« Et derrière, elle répond à cela. Ce que je vais développer peut être une faiblesse de l’extérieur mais de l’intérieur cela peut être une force. On peut récupérer des jeunes bien formées par ces clubs. On peut mettre en place une force identitaire locale avec l’arrivée de ces nouvelles licenciées quand jusqu’à présent c’était plutôt un recrutement au petit bonheur. Elle a bien compris qu’elle ne pourrait pas lutter contre Toulouse au niveau du porte-monnaie comme contre Rodez, et par contre, en même temps que le club ait un socle solide, c-a-d un nombre suffisants de joueuses pour faire tourner l’école de foot, pour travailler sur la formation et sur l’identité de jeu. ce que l’on ne pouvait pas faire avant, il faut rester au même niveau pour continuer à être attrayant. »

De nouvelles logiques qui se mettent en place ou chacun peut trouver sa place dans la région. La carte est redessinée.

Pour l’association, le bilan a été positif. Des éducateurs les ont sollicité pour adhérer.

Le football féminin ne peut pas justifier à lui seul d’un contenu, à moins de s’adresser à des spécialistes. Il a sa place dans un ensemble bien maitrisé, dans lequel le réseau de proximité n’est pas inutile.

Ce que David Welferinger a réussi, il vous reste à l’essayer.

William Commegrain Lesfeminines.fr