Aissatou Tounkara, 23 ans, d’origine sénégalaise, a pris une sacré décision lorsqu’elle a décidé de quitter le Paris FC naissant pour tenter le diable de l’avenir, en optant pour le maillot de l’Atletico Madrid.

L’Espagne, connue mais pas encore convaincante.

L’Espagne, brillante en jeunes avec le plein de titres en 2018 (Euro U17 et U19, Argent mondial U20) n’existe pas encore au niveau des A. Des huitièmes de la Women’s Champions League débutants pour les clubs jusqu’à des demi-finales. Un championnat méconnu et une équipe nationale A qui réalise ses premiers Euros en 2013 et 2017, qualifiée au Mondial 2015 mais trop éloignée des trois premières européennes pour être qualifiées aux JO 2016.

A part, Véro Boquete, globe-trotter internationale, vainqueur de la WCL en 2015 sous les couleurs de Franckfort, l’Espagne au féminin au plus haut niveau, cela reste à voir.

Pourtant Aissatou décide en Juin 2018, à la surprise générale, de poser ses valises en Espagne, à l’Atletico Madrid qui vient de remporter son second championnat (2017-2018) et bouter, un cran derrière, le FC Barcelone.

Quitter le Paris FC, en prenant le risque du lendemain !

Aïssatou, c’est une jeune joueuse qui en 2013, en 1/2 finale de la WCL face à l’OL, avait tout d’un Patrick Vieira tellement elle semblait capable de briser une ligne au milieu de terrain, comme un guépard. Rien qu’avec des appuis de félins, tout en souplesse et en finesse. Replacée ensuite derrière.

Là, où les changements en Bleues ne peuvent être que très rares. On ne change pas une défense qui flambe. Encore moins quand elle est 3e Mondiale.

Une décision pas simple car il n’est jamais simple de quitter l’ex-Juvisy, maintenant Paris FC, quand on a porté pendant huit saisons ses couleurs (2010-2018). De la formation aux équipes de France U16, U17, U19 et U20 avec un titre de Championne du Monde 2012 U17, et un Euro U19 2013. Un club, pendant cette période, qui considère que tout départ est quasiment une rébellion.

Une décision vraiment pas simple après sa grave blessure de mars 2018. Quand elle part avec les 23 Bleues pour la tournée américaine, elle sait qu’elle n’aura pas beaucoup d’autres cartes à joueur. Sa 6e sélection seulement. Elle qui avait vu sa « fesse droite » Griedge MBock entrer depuis longtemps chez les Bleues après avoir choisi l’Olympique Lyonnais, affichant maintenant 47 sélections quand « sa soeur jumelle », Kadidiatou Diani, partie au PSG, même génération alignait les performances avec 44 sélections. Alors l’ex-juvisienne, sous les couleurs du Paris FC, s’était donnée lors de cette convocation au plus grand tournoi du Monde, opposant les quatre meilleures nations mondiales (France, USA, Angleterre, Allemagne).

Le pire arrive. Une blessure double fracture ouverte du tibia reçue lors de la SheBelievesCup de mars 2018 où la France entière avait entendu le craquement net sur un choc qu’elle avait assurée contre l’Allemagne face à Dzsenifer Marozsan.

Six mois d’indisponibilité. Réapprendre à marcher, puis à courir et surtout à jouer pour postuler au plus haut niveau français.

Quelques apparitions en Equipe de France. Rien de significatif. Travailler pour revenir et cette Coupe du Monde qui arrive en Juin 2019 avec une certitude. Les jeunes qui entrent dans la sélection seront les cadres de Corinne Diacre, avec son contrat de quatre ans (2017-2023), de Demain.

Elle aurait pu rester au Paris FC. Jouer la sécurité. Pourtant, elle part.

Est-ce l’exemple du départ, la saison précédente, de Kadidiatou Diani son alter-ego à Juvisy qui a explosé au PSG ? La baisse de performance du Paris FC depuis plusieurs saisons ? L’échéance de la Coupe du Monde 2019 et le risque de ne pas y être ? Le goût du challenge ? Se créer sa vie ? Difficile de répondre, mais quand elle part, il y a du « Little Miss Soccer » dans ce départ. Beaucoup d’aventures avec le football de haut niveau pour moteur :

Jouer une place de titulaire dans un nouveau groupe quand on sort de blessures. Courant chez les hommes, très rare chez les filles, sans antériorité significative de sélections. Convaincre un nouveau club d’investir dans un football sans grands moyens où les dépenses sont comptées. Et tenter d’avoir son nom dans la liste de 23, avec quelques mots d’espagnol donné par un bac STMG mercatique, seconde langue.

En plus, Corinne Diacre au début ne s’en cache pas au début de son mandat. Elle n’est pas spécialement adepte des joueuses à l’étranger. Aller jouer ailleurs, c’était prendre le risque de ne pas être vu. Elle sait juste que Laura Georges (188 sélection, 33 ans) est en fin de carrière et qu’une place se libère en défense centrale dans une liste de 23.

Aïssatou Tounkara a tenté tous ces challenges et est en train de les réussir.

Elle a pris une place de titulaire à l’Atletico de Griezmann. Elle a été appelée par Corinne Diacre qui lui a renouvelée sa confiance. Elle a joué contre le Brésil et les USA comme titulaire sur le côté pour être testée. Elle a joué les deux derniers matches des Bleues en titulaire en défense centrale, pour pallier à la blessure de Griedge MBock Bathy Nka. Elle est très bien intervenue face à l’Allemagne, sérieuse contre la faible Uruguay, cherchant à être complémentaire au roc Wendie Renard.

Voilà une jeune fille de 23 ans qui a pris beaucoup de risques, et qui a réussi. Bien placée pour être Championne d’Espagne 2019, visiblement dans le groupe des 23 de Corinne Diacre.

Sans flatterie qui est incompatible avec le sport de haut niveau. Voilà une joueuse, qui à son jeune âge, a prouvé quelque chose. Respect et Super Aissatou Tounkara.

William Commegrain lesfeminines.fr

Photo Manu Cahu pour Foot Belles.