Quand vous avez Corinne Diacre, à 99 jours de la Coupe du Monde, qui « réclame » une situation difficile pour la France lors de la conférence d’avant-match face à l’Allemagne (2e mondial), notamment d’être menée, cela surprend même si cela se comprend ;

Quand vous avez la même coach qui conclut, en conférence de presse, quelques instants après le coup de sifflet final à Laval, que cette défaite est « bien ! Une très bonne piqûre de rappel » et qu’elle conclut avec son argument de poids « on ne pourra pas nous taxer d’être championne du monde des matches amicaux, et c’est très bien ! » Fermez les bans, quasiment soulagée.

Bien que le spectacle des françaises aient été vus par 950.000 téléspectateurs qui avaient pris RDV avec l’un de ces France-Allemagne qui façonnent les émotions des spectateurs, et qui là se termine sur un « non-jeu » des françaises face à une équipe allemande déterminée mais moyenne. Que vous vous souvenez des propos de Carine Galli sur les regards attentifs de Corinne Diacre de sa zone technique, surprise quant à ses silences face aux réactions de ses joueuses opposées à cette Allemagne dominatrice.

Que vous notez son intervention retardée jusqu’à la mi-temps du match et sans faire entrer un banc de titulaires mais à continuer à faire des expérimentations, on se demande si l’idée de la « difficulté souhaitée par la sélectionneuse » n’était pas tellement entrée avant la rencontre dans la tête des joueuses, qu’elles l’ont appliqué de manière consciente ou inconsciente. Le tout, avec ce coaching de Corinne Diacre qui n’est pas loin de nous avoir fait penser qu’elle n’était pas contre cette défaite qui l’éloigne peut-être d’une deuxième place mondiale et d’une étiquette de favori pour la Coupe du Monde 2019, que Corinne Diacre ne veut pas.

Car ce que veut Corinne Diacre, c’est du travail. C’est dans ce mot et cet univers qu’elle se ressent. Le travail du détail. Rien de mieux qu’une défaite pour remobiliser ses troupes sur ses messages et en même temps avoir une observation précise de leurs réactions et faiblesses face à une équipe de haut niveau.

Cette idée amène deux questions.

La sélectionneuse française ne fait-elle pas un combat inutile à lutter contre l’étiquette de favori ?

Comment ne pas être favori d’une compétition que l’on organise quand on est 3e mondiale ?? Comment ne pas l’être quand la précédente compétition en Europe a vu les Pays-Bas (12e Fifa) emporter un Euro 2017 inattendu devant une marée de spectateurs oranges, le prenant à l’Allemagne, propriétaire de 8 titres dont 6 continus. Alors pourquoi pas la France en 2019 ? Comment ne pas l’être en ayant vaincu les équipes du Top Ten qui se sont présentées – y compris les USA – à l’exception de l’Angleterre et maintenant de l’Allemagne ?

Même sans cette victoire américaine, même avec cette défaite allemande, les 23 équipes adverses mettront la France dans le panier des favoris au titre 2019.

Et peu importe qu’elle n’ait encore rien gagné dans son passé. Une compétition s’écrit au présent notamment pour les jeunes qui regardent hier, sans s’intéresser au passé, à part le leur. Souvent comme un poids d’ailleurs. Là, une défaite.

Jill Ellis, la coach américaine le disait lors du tirage des groupes du 8 décembre à la Seyne Musicale de Boulogne-Billancourt. « 50% de mon groupe 2019 n’aura pas gagné le Mondial 2015. Ces 50% joueront pour gagner leur Mondial, et pas pour conserver le titre de 2015. Je dois leur apprendre à gagner. »

N’est-ce pas une erreur que de se mettre en challenger ?

Il faudrait demander aux lyonnaises, habituées à être favoris et gagnantes. Est-ce une difficulté ou cela ne constitue-t-il pas un « gap » qui oblige les autres concurrents à aller chercher une performance qu’elles ne trouvent pas toujours, tout le temps. Exact, cela est un avantage, sauf qu’il faut avoir les moyens de rester en haut, pourraient répondre les lyonnaises. Roger Federer penserait de même.

Oui mais Roger Federer est Suisse. Les soeurs Williams sont américaines. La France, nous avons rarement gagné en étant favori dans l’Histoire du sport, sauf en hand-ball pour les filles comme pour les hommes. Le Poulidor est un gène qui se transmet de générations en générations chez les coqs français. On semble aimer le rôle de challenger. En football féminin, il faudrait demander au Paris Saint Germain, au Paris FC, à Montpellier de nous détailler les difficultés d’être challenger et de gagner.

Pour ma part, je me souviens des mots de Farid Benstiti lors de son intronisation (2012) au Paris Saint Germain, chargé de transformer les parisiennes amateures en parisiennes professionnelles. Sans cesse, il demandait à ce qu’elles se prennent pour des favoris. Toutes ses interventions en zone mixte allaient dans ce sens. Venu de Lyon, bâtisseur de l’esprit lyonnais (2003-2010), il ne voyait pas d’autres moyens de les faire grandir pour se mettre au niveau lyonnais aussi rapidement.Alors, perpétuellement. il demandait qu’elles imposent leurs nouveaux statuts à leurs adversaires. D’abord aux 9 clubs de la D1F. Ensuite, à Juvisy le concurrent direct devenu ennemi sportif. Une quête des mots perpétuels, continuels.

Il avait un contrat de quatre ans (2012-2016) pour le faire. Au final, cela a fait deux finales de coupe (2014 CDF et 2015 WCL) et quatre places de second. Mais pas de titres.

Patrice Lair n’a pas fait autrement pour ce club qu’il a intégré en (2016-2018) et qui cherchait des titres à prendre à l’Olympique Lyonnais. Idem, une finale Coupe et une finale européenne.

Le PSG n’a pris un des titres à l’Olympique Lyonnais qu’en 2018, quand Bernard Mendy a coaché la finale, en laissant les filles jouées leur match. D’ailleurs dans un contexte émotionnel fort où il a fallu tenir à la pression des dirigeants lyonnais de renom et faire face à une interruption de 45 minutes pour cause d’orage.

Difficile de savoir ce qui convient. Pour les supporters, en discutant avec eux, la réponse est simple. « Les Bleus ont perdu contre la Colombie ce qui ne les a pas empêché d’être champions du monde ». Les Bleues sont-elles les Bleus ? Sinon, voilà encore une bonne raison d’être favori du titre pour 2019. Surtout avec l’histoire rêvée d’être la première équipe à doubler chez les Hommes et les Femmes.

Le moyen le plus sûr de remplir les fans zones.

Corinne Diacre a son identité « le travail et les détails ».

Bruno Bini laissait jouer les joueuses en fonction de leurs talents qu’il avait sélectionné pour qu’il lui convienne. Philippe Bergerôo a travaillé les Bleues en appliquant les principes du BEPF. Sorte de mandarinat footballistique qui donne des codes communs à tous les coaches professionnels diplômés de la formation gérée par la DTN. « Un match se joue avec ces ingrédients là et pas d’autres ».

Olivier Echouafni, formé par Philippe Bergerôo a cherché à donner du coffre à cette équipe en lui faisant accepter les coups, à encaisser avant de donner pour répondre à la critique de Bregerôo au lendemain de la défaite en quart des JO. « Cette équipe ne sait pas revenir au score, elle n’a pas de mental ! » 

Corinne Diacre, formée par le même Philippe Bergerôo, travaille sur la notion d’efforts dans le travail. A l’entraînement. Dans les stages. Elle souhaite régler des détails. Pour elle, l’entraînement est le lieu sacré de la performance. Bergerôo, d’ailleurs, ne disait pas autre chose : « les places se gagnent à l’entraînement ».

Chez les hommes, cela n’est plus souvent le cas. Aujourd’hui, le choix permet de mettre en place des joueurs en fonction de la tactique. Chez les filles, la politique est moins évidente. Moins de choix. Si on change de tactique et de joueuses, on peut baisser en qualité.

En tout cas, quelque soit ce qu’on peut en penser, et là n’est pas mon propos, car je garde ma pensée, il est intéressant de montrer les différences que chacun peut prendre. Corinne Diacre a surpris « en demandant voire en suppliant » plusieurs fois pour avoir cette difficulté. Dans trois mois, elle et elles sauront quel aura été l’apport de cette défaite dans le parcours des Bleues à la Coupe du Monde 2019.

Intéressant à suivre.

William Commegrain lesfeminines.fr