Aurélie Kaci, 29 ans, bientôt 30 ans. Une joueuse qui a vu le démarrage de l’OL de Jean-Michel Aulas (2004-2005), elle qui gamine jouait au FC Lyon de Farid benstiti et Paul Piemontès, repris par le Président lyonnais pour en faire la machine de guerre actuelle que tout le monde connait : 12 titres consécutifs de championne de France. 6 Coupes de France, 5 Ligue des Champions.

Aurélie Kaci, qu’on a vu décoller au PSG (2012-2015) dans un milieu à trois, composé de Shirley Cruz et Kenza Dali. Passée du groupe lyonnais à la titularisation parisienne sous le coaching de l’ex-lyonnais historique, Farid Benstiti, dans un PSG devenu professionnel qui avait l’ambition de s’opposer à l’OL. Réalisant dans cette période, la qualification européenne prise à Juvisy et Montpellier, une finale de Coupe de France (2014) et une autre européenne (2015)

Aurélie Kaci, repartie à l’OL (2015-2017) avec d’autres parisiennes. Retirée par Jean-Michel Aulas au club parisien qui voyait l’arrivée d’un nouveau coach tout autant ambitieux que Farid Benstiti : Patrice Lair (deux titres de Women’s Champions League, 1 finale européenne), lui aussi de l’école lyonnaise.

L’Espagne, c’est l’eldorado des passionnées du football

Aurélie Kaci, maintenant à l’Atletico Madrid (2017-2019), en plein épanouissement de ses moyens. Championne d’Espagne 2018, en tête du parcours 2019. Très heureuse de jouer dans ce pays « à la culture football ». « En Espagne, la culture du foot est plus imprégnée. Masculin comme féminin. Masculin, on en parle même pas. Je n’ai jamais vu cela ! Le foot féminin, ils n’ont pas cette différenciation. En fait, dans la rue, quand on dit en tant que fille qu’on joue au foot, la réaction va être super positive. Les gens ne vont pas te parler de la différence. Et l’échange se terminera ainsi : C’est super, vous jouez quand ? »

Il faut dire que l’ex-lyonnaise a encore dans le ton de la voix, le bonheur et la surprise d’avoir joué un quart de finale de la Copa de la Reina devant 48.000 spectateurs, au stade San Mamés, en plein territoire basque. « Je ne sais pas comment cela a été possible ! Un mélange d’orgueil basque ? l’affiche contre nous qui sommes leaders ? Bilbao qui est la seule ville en Espagne à pouvoir faire cela ? C’était juste extraordinaire ! Peut-être que les places étaient gratuites ? La joueuse française qui pourrait postuler à une convocation en Bleue, répond. « Ecoutez, c’est à vérifier, mais je crois que les places étaient à 5 Euros. » terminant, par cette réflexion enjouée. « On reçoit prochainement le FC Barcelone dans le stade des hommes, au Wanda Metropolitano, on verra si cela venait de Bilbao ou si le football féminin connait un véritable essor, dans la droite ligne de la culture football ! ».

Avec une joueuse titulaire et championne d’Espagne, on pourrait faire courir la discussion sur cet appel en Bleue qu’elle ne peut que souhaiter. Je préfère revenir sur cette sensation incroyable de jouer devant une telle assistance. Un record européen pour une compétition seulement nationale. Lorsque la joueuse, mature, revient sur ses sensations, elle pourrait mettre en avant son but (94’), sa passe décisive. Non, la sensation qui reste est ailleurs. Dans l’abnégation et l’exigence de ne rien lâcher, associé au spectacle de 48.000 spectateurs qui font un coeur joyeux, festif, bruyant. « Honnêtement, c’était pas tant le but (elle a marqué à la 94’, libérant les cochonneras d’un retour basque (0-2) et donné une balle décisive). On était à 10 depuis la 50′ et du coup on a vraiment souffert. Alors, il a été le but de la libération. Marquer, c’est toujours bien on ne va pas se cacher. Je retiens plus les choses inhabituelles. Quand on est rentré sur le terrain, le bruit, l’ambiance, l’animation. C’est juste super. Un vrai plaisir. C’est une expérience unique qui va me rester à vie.» 48.000, c’est juste exceptionnel pour le football féminin.

Gagner un championnat, c’est très simple puisqu’il faut gagner tous les matches. La formule est « travail, exigences à l’entrainement et dynamique de groupe ».

Une émotion qui a du être incroyable. D’ailleurs, quand je lui poserais la question de la formule magique pour gagner un championnat, après ses passages à l’OL, PSG et Atletico Madrid. Elle reviendra sur ce match, pour dire l’importance de l’esprit d’équipe qui aide à renverser les montagnes : « La dynamique de groupe, c’est essentiel. Clairement. Après le travail et l’exigence à l’entraînement qui sont les bases des victoires ». Des mots qu’elle a dû souvent entendre de Farid Benstiti et Patrice Lair et qui avec le temps, l’âge, l’expérience et l’habitude deviennent des valeurs évidentes pour se transformer en ses propres valeurs. « Même si une équipe est moins forte qu’un adversaire, si c’est une vraie équipe, elle gagnera même si les adversaires sont meilleures individuellement. Un groupe qui sait se transcender. Avec on dépasse nos limites et on joue pour la copine d’à côté. » 

Cela aurait pu être des mots en l’air. La fille est devenue depuis longtemps une femme. On ne fait pas tout ces clubs sans évoluer, sans acquérir de l’expérience, sans savoir ce que les jeunes ne savent pas. L’expérience est là. Je la teste. Avez-vous des souvenirs d’esprit de groupe fort ? Elle en voit deux. Le premier ? Elle était dans les tribunes, blessée. Les croisés. « J’ai vu en finale de la WCL 2016. L’Ol revenait en finale après avoir raté 2014 et 2015. On était toutes avec les joueuses. Le groupe entier était avec les joueuses sur le terrain. On l’a gagné aux tirs au but contre Wolfsburg. »

Le seconde fois c’était dans ce quart de finale de Copa de la Reina à Bilbao. « Avec l’Atletico contre Bilbao. Dans le stade Mamar, celui des garçons. 48.000 personnes, on ne pouvait pas communiquer avec la coéquipière. Trop de bruit. Tout était en trop. On joue à dix. C’est une coupe, on joue à l’extérieur. Chez les basques qui ne jouent qu’avec des basques. Devant 48.000 personnes. On s’est crée un esprit de groupe incroyable. On communiquait par regards. Le simple fait de se regarder, de savoir que la copine n’arrivait pas à courir, on y allait. On voulait, toutes, gagner contre l’adversité. Et on a gagné. Incroyable de sensations ! ».

Inévitablement, face à une joueuse qui s’implique autant dans le jeu, on a envie de lui poser deux dernières questions. Pas pour la déranger, mais juste pour échanger.

Aurélie Kaci avec l’Atletico Madrid. Photo Marca.

 

OL – PSG, tout est possible. Cela arrivera bien un jour que le PSG passe devant mais il faut plutôt le constater que de le prévoir.

La première concerne les prochains OL-PSG. D’abord en championnat, en lui rappelant que le PSG tape à la porte de son club formateur, l’OL : une première question arithmétique « Elles sont à combien de points ? » Deux points si on parle d’un même nombre de matches. La réponse arrive, calmement. Elle connaît les deux clubs. Elle a vécu les deux aventures. Celle de la certitude d’être championne avec l’OL ; celle de l’envie de prendre le titre en tant que challenger avec le PSG. « On dit souvent cela, malheureusement pour Paris, elles n’y sont jamais arrivées. Cela arrivera bien un jour. Pour le championnat, je suis plus réservée car Lyon est une vraie machine. Lyon c’est au maximum une erreur, pas deux. » La lyonnaise connait ses lyonnaises.

Sur un match de Coupe, cela reste envisageable ? « Après, il y a les quarts. La Coupe, sur un seul match. C’est plus possible. »  Puis, dans la foulée, « Par contre Lyon va être revanchard après son titre perdu contre le PSG (1-0) en finale de la Coupe 2018. Et Lyon revanchard, cela fait mal en général ! »

Reste que l’OL battu par le PSG, « cela arrivera bien un jour ! ». Elle n’est pas sportive de haut niveau pour rien. Sauf, qu’elle connait les niveaux du très haut niveau et que l’OL et Wolfsburg, c’est très au-dessus de tout le monde. Alors, le prévoir serait une folie, le constater une éventualité.

Ce n’est pas autrement qu’elle a analysé les performances de l’Atletico Madrid en Women’s Champions League. Eliminé lourdement, deux fois, par Wolfsburg. « Pour nous c’est trop tôt. On avance bien, puisqu’on a éliminé Manchester City qui est un gros club. Pour être à la même hauteur de Lyon et Wolfsburg, c’est compliqué. Elles sont au très Haut niveau depuis des années, elles jouent ensemble depuis longtemps. C’est trop tôt. Il y a un vrai fossé. » Fossé de structures et de clubs.

Aurélie Kaci, sans surprise, a un pincement au coeur à chaque 23 annoncés par Corinne Diacre. 

Et les Bleues ? Quand on voit la diversité d’origine des choix de Corinne Diacre qui puise ailleurs qu’auprès de l’OL et du PSG, on ne peut que se demander si la joueuse championne d’Espagne attend avec émotions, la liste des 23 donnée à chaque période FIFA.

« Tout le monde pense à l’équipe de France, c’est sûr. Surtout quand une Coupe du Monde se fait à la maison. Après, j’essaye de ne pas trop y penser et je me dis que si je fais mon travail avec mon club, je n’aurais rien à me reprocher. C’est ce que je suis en train de faire. Et Si on m’appelle, forcément, je serais là et super contente. Sinon, j’aurais tout essayé. Etre sportive de haut niveau, c’est vivre avec cette dualité incroyable de la performance en club et de l’attente du choix des sélectionneurs. Acteur d’un côté, spectateur de l’autre. Il faut donc une philosophie qui fait partie du bagage nécessaire à ce niveau de compétition.

« Si on essaye tout, alors on a rien à se reprocher. Je vais continuer à travailler, parce que cela passe par le travail ! ».

Il n’y a rien de revendiqué. Elle sait que la sélection implique d’être choisie et sélectionnée. Pour autant, elle est légitime à espérer d’en être, titulaire en Espagne, maitrisant avec le temps, au mieux, à 29 ans, les aspects tactiques, physiques et psychologiques du haut niveau.

Une Espagne qui marque sera dangereuse à la Coupe du Monde, bien moins si elle ne marque pas.

Que pense-t-elle d’ailleurs de la sélection espagnole, qui a tout remporté en jeunes en 2018 (Euro U17 et U19), Argent Mondial U20, avec un FC Barcelone qui peut se placer en finale de la WCL, terminée première de son groupe de qualification et battue, seulement (1-0) par les USA ? Sera-t-elle l’équipe surprise du Mondial ? « L’Espagne, si elles ont la balle et qu’elles marquent. Alors elles gardent bien la balle et elles ne risquent plus rien. Du coup, il faut qu’elles marquent. C’est donc possible mais elles ont un problème. Pour en parler avec les filles de mon équipe, c’est un peu comme avec les hommes. Elles ont le ballon, joue en possession mais dans la verticalité, elles pêchent pour marquer des buts. Si elles y arrivent à marquer, elles vont faire une superbe coupe du monde. Si elles n’y arrivent pas, cela va être compliqué, car elles vont avoir la balle mais elles se prendront des contres. Et çà, pour l’Espagne, c’est compliqué. 

Contre les USA, les filles m’ont dit qu’elles avaient eu la balle mais elles n’ont pas réussi à marquer. Les USA même dominées, elles mettent un ballon devant, elles courent et elles marquent. Pour le reste, au niveau du jeu, l’Espagne, c’est top. C’est une équipe qui de base, va faire courir pas mal les autres équipes. »

Aurélie Kaci, en Espagne, en France, en Italie, en Angleterre, en Chine ?

Aurélie Kaci, 29 ans, bientôt 30. Quatre Women’s Champions League (2011, 2012, 2016, 2017), deux finales (2010 et 2015). Aurélie Kaci, 8 titres de championnes de France, quatre Coupes de France, Une Liga Espagnole. Un contrat qui se termine en 2019 avec l’Atletico, Où va jouer Aurélie ?

« J’ai toujours une très grande envie de jouer. Mon contrat se termine fin 2019. Je n’ai pas complètement réfléchi. J’aime beaucoup ma vie à Madrid, cela se passe très bien avec le club. Je verrais en fin de saison. On verra ce que l’on a gagné ou pas cette année. »

Quand je lui rappelle que les françaises à l’étranger ne sont pas nombreuses. Elle me les cite sans souci. « Kheira, Aissatou, Laura en Italie, Pauline à Arsenal ». Le reconnaît et l’explique « par une envie de découvrir d’autres cultures, un autre monde, un autre football pour toujours aimer en jouer. Performer, s’adapter. Comprendre ».

D’ailleurs, pour elle, peu importe le nombre d’internationales étrangères dans une équipe. Chacune y trouve son compte, y compris le club : «Cela ne dépend pas de la nationalité mais plutôt du comportement et du jeu. Comment cela va avec l’équipe, est-on dans l’esprit du jeu et du club ? Les étrangères à Lyon m’ont permis une ouverture d’esprit comme de connaître d’autres cultures. De parler anglais. Je suis plus pour les individus que de me déterminer selon la nationalité. »

Aurélie Kaci, une joueuse dynamique qui a grandi. Mature. Aimant le jeu. Celui court et vif. Capable de répondre sur 95 minutes de jeu aux exigences du haut niveau, n’ayant pas peur de mettre « le pied là ou il faut quand il le faut » me dit-elle en souriant. Candidate à la liste de Corinne Diacre si le besoin se fait sentir, candidate au titre espagnol, candidate aux stades pleins comme à ceux trop vides. Joueuse de football international qui a fait du football, un superbe bagage de vie.

Toujours prête pour donner le meilleur sur un rectangle vert.

William Commegrain lesfeminines.fr