Il y a de l’ex-Juvisy dans la manière de penser des joueuses allemandes. Tenir compte du professionnel même si cela doit coûter des sélections et de la performance. Un schéma qui peut aussi expliquer la baisse de niveau de l’équipe allemande, rattrapée par la professionnalisation sportive des autres joueuses des équipes nationales.

Mais, on ne joue pas avec son avenir, même si c’est pour jouer au foot. Il n’empêche que l’idée de voyages vient avec les sélections et Tabea Kemme a envie de s’essayer en Angleterre, nouvelle terre à construire du football féminin.

Un avis avisé après une médaille d’Or aux JO de Rio en 2016, la WCL en 2010 et la finale en 2011. Le championnat de Bundesliga en 2009, 2010, 2011 et 2012 et trois coupes d’Allemagne. Le tout a 26 ans, 140 matches avec Turbine Potsdam et 41 sélections dans la Mannchaft auxquelles s’ajoutent un titre de Championne du Monde U20 en 2010.

lesfeminines.fr Cela fait 12 ans que vous avez joué pour le 1. FFC Turbine Potsdam. Qu’est-ce qui vous a motivée de rester si longtemps au même club ?

Tabea Kemme. Jouer au foot tout simplement. Ou plutôt je n’ai jamais choisi d’être exclusivement joueuse professionnelle. Dans ce cas j’aurais du dire, je mise tout sur le sport et je m’y oriente complètement. Cependant à partir de la quatrième j’ai été à la Sportschule besucht et en 2011 j’ai passé mon bac. Pour moi c’était tout à fait clair que je cherchais un métier. Et en 2012 la police du Land de Brandenburg a établi un projet pour soutenir les sportifs. J’ai posé ma candidature et j’ai été acceptée.

Je n’avais absolument pas l’idée d’aller jouer ailleurs. La première fois, c’était en 2015, l’idée d’aller à l’étranger me plaisait. C’était peut-être parce que cette année j’avais participé au premier tournoi de l’équipe nationale (Mondial au Canada), parce que j’avais voyagé et l’idée d’aller à un moment donné jouer au foot à l‘étranger m’a plu. Changer de club au sein de la Bundesliga je n’y ai jamais pensé, pour cela Turbine Potsdam est ma seule et première adresse. L’année dernière j’ai fini mes études, j’ai travaillé dans ma profession et maintenant je veux quitter ma zone de confort et pendant un certain temps me consacrer exclusivement au foot.

Lesfeminines.fr On dit qu‘à Potsdam les entraînements sont très durs, lors de la préparation pour la saison on s’entraîne même trois fois par jour. Est-ce vrai?

Tabea Kemme.  Oui, c’était le cas sous l’entraîneur Bernd Schröder, qui m’a entraîné pendant huit ans. On apprend comment s’y prendre avec les exigences de l‘entraînement. C’est purement une question d‘habitude. Quand j‘y repense: ma première préparation a duré sept ou huit semaines avec trois entraînements par jour et le week-end on a eu un match. J’avais 16 ans, on est simplement résistant, mais j’ai aussi appris de ne pas remettre cela en question, de plutôt faire les choses.

Lesfeminines.fr Est-ce un fardeau pour les joueuses qui viennent d’autres clubs de foot?

Tabea Kemme. Je pense que Oui, en tout cas. Le premier problème c’est le changement. Je connais beaucoup de joueuses qui sont venues ici, qui d’abord ont perdu du poids parce qu’elles ont eu tant d’entraînements, qui étaient très chargées mentalement. Tu vas parfois te poser la question pourquoi tu fais cette dure préparation, mais vers la fin de la saison tu en sauras l’avantage. Surtout dans la deuxième partie du championnat, lors des derniers matches retour, à partir de la 70ème minute, j’avais toujours un deuxième souffle. Comme cela tu peux toujours être plus rapide que les adversaires. Et cela te donne toujours une satisfaction quand tu comprends que c’est la raison pour laquelle tu survis dans cette préparation : afin d‘avoir un second souffle pour jouer.

Lesfeminines.fr Vous avez joué à différentes positions à Potsdam, laquelle vous arrange le mieux?

Tabea Kemme. J’avais commençé dans l‘attaque, mais après j’ai longtemps joué dans la défense. Le nouvel entraîneur, Rudolph Matthias, m’a utilisé dans l’attaque où je joue maintenant depuis deux ans. Ça m’est bien égal où on m’utilise, tant que j’ai encore la possibilité d’aller à l’offensive.

Étant défenseure latérale tu peux courir le long de la ligne de touche dans toutes les directions, comme tu veux et tant que tu peux, et puis j’ai aussi souvent joué très offensivement, j’ai pu centrer et aussi marquer des buts. Le nouvel entraîneur de Turbine a simplement voulu me donner « un nouvel input » après toutes ces années sous Bernd Schröder. Il voulait me donner un redémarrage et m’a mis sur cette position. J’en suis très contente, il n’y a rien que j’aime plus que de marquer. Le plus je m’approche du but, le plus je me sens bien.

Lesfeminines.fr Comment voyez-vous la situation en Bundesliga? Avant c’étaient Turbine Potsdam et le FFC Frankfurt qui étaient les champions, maintenant le FC Bayern München et le VFL Wolfsburg sont les clubs forts? Est-ce que dans l’avenir ces deux clubs tout seuls domineront la Bundesliga?

Tabea Kemme. Ce sont en tout cas les deux clubs, qui seront parmi les Top 3, Top 4. Je pense aussi qu’on verra encore quelle joueuse va encore changer de club. Je pense à Fribourg – on dit toujours que Fribourg est un club de formation. Cependant on a vu lors du championnat passé qu’il y a un vent frais qui souffle à Fribourg et qu’elles sont concurrentielles.

Quand seulement je regarde la composition des équipes de Bayern et de Wolfsburg, ce sont des joueuses d’une grande qualité individuelle, c’est tout simplement aussi une question purement financière. Plus le budget du club est grand, plus ils peuvent investir dans des joueuses.

Déjà en ce qui concerne le scouting. Ils le font sur le plan international – comme on l’a fait avec moi sur le plan national. À Wolfsburg il y a par exemple l’internationale de la Pologne Ewa Pajor, qu’on a scouté très tôt et qui maintenant est une des top joueuses à Wolfsburg. Cela montre une structure, qui n’est plus en phase de création. Ces équipes profitent de telles structures établies.

Lesfeminines.fr Dans l’avenir vous allez jouer dans le championnat anglais, qu’est-ce que vous en attendez?

Tabea Kemme.  J’attends définitivement ce genre de foot offensif. En Angleterre on joue un autre style de foot – je n’ai pas tellement suivi le foot féminin, mais si je regarde des reportages sur les matches des hommes je vois ce foot offensif. Dans le passé j’ai déjà souvent exprimé mon opinion en ce qui concerne le foot masculin. Que le foot masculin ne me plaît pas tellement à cause du théâtralisme et ce genre de comédie lors des matches. Ce qui m’agace, vraiment me rend furieuse à ce point que j’éteins la télé, parce que je n’ai plus envie de m’énerver.

Je ne trouve pas cela en Angleterre. C’est un autre genre de duel, en tout cas duel avec fair-play. Peut-être cela vient de ma façon de jouer, mon jeu vit de mes propres duels, c’est simplement mon style et c’est pour cela que je suis tellement contente de pouvoir jouer en Angleterre, d’un côte à cause du foot offensif et de l’autre côté il y a l’aspect du changement.

Lesfeminines.fr Est-ce que vous auriez aussi pu vous imaginer un autre championnat en Europe?

Tabea Kemme. En effet j’y suis allée et j’ai regardé la France. La raison pour laquelle je n’y suis pas allée, c’est que les choses dans le championnat sont très claires et fixées. Les places 1 à 4 sont stables et pour les autre matches on peut s’attendre à un résultat élevé. En Angleterre c’est plus équilibré. Je n’avais pas cette impression en France.

Je m‘étais rendue en Angleterre et mon coeur m’a dit que le chemin est bon. Je n’avais pas ce sentiment en France. C’était tout simplement une décision intuitive, le côté financier étant secondaire, sans grande importance. Je suis en congé concernant ma profession (police), alors je dois avoir des revenus suffisants pour compenser de façon que cela ne soit pas négatif, mais c’est tout.

Lesfeminines.fr Vous êtes encore dans une longue rééducation, resterez-vous encore en Allemagne?

Tabea Kemme. Le moment de ma blessure n’a pas pu être pire. Mais heureusement les deux clubs coopèrent pour le bien de la joueuse blessée. J’ai parlé avec les deux clubs et les départements médicaux respectivement et j’ai décidé de poursuivre la rééducation en Angleterre. Quand on se rend dans un autre pays, quand on va jouer dans un autre championnat, rejoindre un autre club, il est important de s’insérer, d’avoir des contacts et de comprendre l’organisation et la philosophie du club.

C’est la raison principale pourquoi encore lors de ma rééducation je vais vivre là-bas.

Bonne chance en Angleterre et bonne rééducation.

Gerd Weidemann pour les féminines.fr