Saki Kumagai, 27 ans, Olympique Lyonnais, est la joueuse la plus titrée du championnat de France. Et pourtant, certainement la plus silencieuse. La capitaine des Nadeshiko depuis janvier 2017 pratique le silence comme d’autres possèdent l’anglais maternel. C’est familial. Ce sont les autres qui parlent le mieux d’elle. Lucy Bronze, l’internationale anglaise aux capacités physiques hors norme, nouvelle lyonnaise depuis cette saison en a déjà fait l’analyse : « Saki est extrêmement perfectionniste et professionnelle ; elle veut que chacune de ses passes soient parfaites, tout en donnant l’impression que c’est facile. Elle se fait très discrète sur le terrain mais sans elle, le jeu manque souvent de qualité et de précision »

Il faut remonter loin en « googlisant » son nom pour trouver la trace d’une imperfection japonaise de celle qui a donnée la Coupe du Monde 2011 au Japon à 20 ans, au cinquième tir au but face aux Etats-Unis. Place qui lui semble, depuis lors, réservée.

Quelques mots et photos lâchés après cette victoire incroyable contre les américaines numéro 1 mondial sur les terres de l’Allemagne qu’elles avaient battu en quart, numéro 2 FIFA quand le Japon trônait tranquillement à la 5e place mondiale. Imaginez le retentissement dans l’Ile japonaise, devenue numéro 1 asiatique – mais sans titre – devant leur rivale chinoise (finale olympique 1996 et mondiale 99) – et qui là, obtenaient le titre suprême quand l’équipe masculine végétait à la 50E place.

Tout cela valait bien quelques bières. Vite oubliées après l’intervention du Président de la fédération japonaise rappelant « l’exigence de comportement japonais ».

Saki Kumagai, Impératrice du palmarès et du silence

Sept ans plus tard, voilà la joueuse de 27 ans, plus que confirmée sur le plan international, avec et sans l’Olympique Lyonnais.

Seule Championne du monde titulaire dans la D1F (98 matches, et seulement 3 matches sur le banc cette saison) quand on met encore un bémol sur l’américaine Morgan Brian (arrivée en Janvier 2018 à l’OL, 4 matches, 2 titularisations) depuis que les allemandes Linda Bresonik et Annike Krahn (2003 et 2007), japonaises (2011) et américaines comme Mégan Rapinoe et la très médiatique Alex Morgan (2015) sont reparties au pays. Vice-championne Olympique en 2012 à Londres et vice-championne du Monde en 2015 ; si on rajoute la Coupe d’Asie des Nations gagnée en 2018, voilà quatre palmarès qui la font trôner loin devant les autres.

Et en intégrant le palmarès acquis avec les fenottes depuis son arrivée en 2013-2014, alors on trouve deux Women’s Champions League (2016 et 2017), quatre titres consécutifs de championnes de France et de Coupe de France (2014, 2015, 2016, 2017) et deux nominations parmi les dix meilleures joueuses FIFA (2013, 2016), sans compter celles faite par l’UEFA.

En D1F féminine, équipe nationale et palmarès de club, vous ne trouverez pas mieux. Et jamais un mot. Toujours le silence. C’est la joueuse la plus titrée du championnat même devant la brésilienne Formiga actuellement sous les couleurs du PSG depuis un peu plus d’une saison (janvier 2017), multiple championne de la Copa América (six sur sept) mais qui n’a pu obtenir que deux finales olympiques (2004, 2008) et une mondiale (2007) à son palmarès. Le Brésil, les Pays-Bas masculin (finale mondiale de 74 et 78) du football féminin.

A 27 ans, la mathématicienne du jeu lyonnais.

Elise Bussaglia, référence européenne au milieu de terrain (Juvisy, Montpellier, PSG, OL, Wolfsburg et Barcelone) disait d’elle à son arrivée sur le Rhône « Même si elle ne maîtrise pas encore le français, on sent qu’elle peut être leader sur le terrain. Il ne fait aucun doute qu’elle a une grosse intelligence de jeu. ». Cinq ans plus tard, son français est toujours hésitant mais, tradition oblige, la japonaise s’est encore plus concentrée sur son jeu.

Au meilleur âge du football masculin, la joueuse de Reynald Pedros après être passée des mains de Patrice Lair (2011-2014) à ceux de Gérard Prêcheur (2015-2017) joue avec la même qualité tactique qu’elle soit en défense centrale ou placée au milieu de terrain.

Son placement, à la différence de Formiga, parisienne, amatrice d’aller vers le ballon dans des courses transversales, se trouve plutôt au centre du jeu. Là pour intercepter la balle adverse et empêcher son avancée dans la surface lyonnaise. Comme une Maître tacticienne, elle trace des droites perpétuelles pour être toujours à la bonne distance de ses partenaires dans ce milieu de terrain à trois, avec Dzsenifer Marozsan et Amandine Henry, qui doit balayer et récupérer le ballon dans un espace de 60 mètres de large sur trente mètres de hauteur. C’est son territoire. Rarement vous la verrez dans la surface de réparation, ou alors en train de poser le ballon sur le point du pénalty (5 buts, 5 pénaltys en 2017-2018). Dans le silence du stade, elle prend de la distance, laisse la gardienne s’émouvoir pour placer un tir souvent ras de terre à gauche, quelque fois plat du pied à droite.

Elle est une des causes essentielles pour lesquelles les coaches adverses se gardent bien de mettre en place un jeu avec un numéro dix face à l’OL. Ce serait gâcher du temps et surtout des ballons. Elle sera certainement une des clés de l’OL pour endiguer le caractère fougueux de l’excellente danoise Pernille Harder (2e joueuse FIFA en 2017) en finale de la Women’s Champions League à Kiev (24 mai) et devra lutter contre la brésilienne Formiga (40 ans, seule joueuse au monde à avoir fait 6 coupes du monde et six jeux Olympiques) le 31 Mai à Strasbourg pour la finale de la Coupe de France.

Son intelligence de jeu associée à une qualité technique de passes de niveau mondial en fait une des régulatrices des fenottes, dans la branche diesel en complément d’une Henry, plus « percuteuse » dans le style rugissant d’une Ferrari.

Le plus beau palmarès européen de ces dix dernières années ? Et toujours en silence.

Sous contrat jusqu’en 2020 (29 ans), elle brillera jusqu’aux JO de Tokyo (2020) tout en risquant de voir arriver de la concurrence, notamment si elle ne retrouve pas le succès des pénaltys (trois pénaltys arrêtés avec la finale de la Coupe de France 2017) et tirs aux buts. Une arme qui la rend indispensable dans les matches de Coupe.

Les JO de Tokyo, moment idéal pour dire Au revoir à l’Europe, avec dans sa besace, quelques titres supplémentaires. Elle a de bonnes chances d’avoir le plus beau palmarès féminin européen de ces dix dernières années.

Et toujours en silence.

Ne serait-ce qu’avec l’Olympique Lyonnais, sans lui souhaiter celui mondial de 2019 en France mais sans avoir le droit de lui refuser d’y penser. Les Nadeshiko reviennent tranquillement dans la hiérarchie féminine. Avec un titre de Championne d’Asie 2018 pour avoir le droit d’y croire. Pas assez haut pour en faire vérité (11e). A une bonne hauteur pour surprendre. Comme pour les Pays-Bas à l’Euro (12e) et le Japon lors de la Coupe d’Asie.

William Commegrain lesfeminines.fr

source titularisations D1F : footofeminin.fr