ITW. Les clés du film « Comme les garçons ». Fréderic Jouve est un artisan du cinéma. Il cherche le détail pour le mettre en valeur et le proposer aux autres. Producteur depuis 12 ans (19 films), il s’est promené de l’esprit africain « d’Afrik Aïoli » (2013)  mettant en opposition le pragmatisme sénégalais et celui européen, à l’environnement de Roland Garros « Terre Battue » (2014), où on découvre la recherche de la gloire d’un père et d’un fils aux limites de la ligne blanche des valeurs. Plutôt adepte de la comédie, il va pour autant dénicher les recoins sombres des univers du combat avec « la vie violente » (2017) en proposant une plongée directe dans l’univers de la Corse Indépendante et connait le premier succès avec Planétarium (2016) avec Natalie Portman.

Producteur, sa performance se fait dans le plaisir de la création comme dans celui du résultat : l’argent. Il en fait assez proche de la notion de performance, chevillée au corps des sportifs et sportives de haut niveau. Dans le cinéma, il faut savoir regarder les autres avant d’être ébloui par un projet. Et dans le sport féminin, il y a quelques performances cinématographiques.

Pourtant ils ne sont pas nombreux les films qui mettent en scène la sueur et le stress féminin. L’extraordinaire « Million dollar Baby » de Clint Eastwood (2005) au budget de 30 millions de $ pour 40 jours de tournage et 230 millions de recettes finales trône et trônera pendant longtemps au firmament du rêve sportif féminin avec ces 4 Oscars (2005). Même si « Moi Tonya » (2018) est une belle réussite, plus tournée sur la psychologie des personnages, dépeints au couteau acéré de la vie, pour des recettes estimées à 45 millions de dollars avec un coût plus mesuré de 11 millions et l’ Oscar du meilleur second rôle féminin pour Allison Janney.

Il reste que dans le foot féminin, il y a une vraie star. « Joue là comme Beckham » de 2002 qui n’aurait coûté que 6 millions € pour finir par 76 millions de recettes.

Produire un film sur le sport féminin peut être un vrai jackpot, « lesfeminines » se sont donc intéressés à en savoir plus sur cette aventure française retraçant la création de la première équipe féminine de football, à Reims … le Barcelone français du football européen dans les années 60.

Lesfeminines.fr Pour quelles raisons un film se fait ou ne se fait pas ?

Fréderic Jouve. A écouter les réponses de l’homme marseillais qui prévoit un match difficile entre « Salzbourg et OM » mais qui ne cache pas sa passion des Ciels et Blancs, il faut que l’univers soit interpelant. « Le réalisateur est un camarade de longues années avec qui j’ai fait mes courts métrages et quand on a cherché un sujet pour son premier long métrage, il voulait faire un film « pop », « anglais », « coloré », avec l’idée d’une histoire autour de la fin des années 60 et en même temps il avait envie de défendre un sujet. » 

Le retour aux Poppys dans cet univers des cinquante ans de Mai 1968 qui brûle actuellement nos écrans d’ordinateurs. Cela aurait pu être de replonger dans la découverte des « mots qui font peur » de Daniel Cohn Bendit à l’icône Charles de Gaulle quand à cette époque, la jeunesse à table ne s’entendait qu’au bruit de leurs mâchoires mastiquant religieusement le plat dominical préparé par maman, espérant l’arrivée des 21 ans pour fêter la quille du service militaire.

C’est un autre univers qui interpellera les deux hommes « on a  entendu ensemble l’histoire des filles de Reims de l’époque à la radio et on a trouvé cela génial. Quelque chose de très moderne avec l’idée que les femmes ont des droits égaux aux hommes et en même temps que tout cela avait une singularité pour l’époque avec une épopée intéressante. Donc on s’est jeté dessus. » 

Lesfeminines.fr Comment se crée un film ? 

Frédéric Jouve. Mon métier est assez simple. je produis des films de cinéma et accessoirement des films pour la télévision. Je réunis un scénario, un réalisateur, des techniciens, de l’argent pour fabriquer le film pour qu’ensuite, je m’occupe de sa diffusion. Je suis un garant technique du projet auprès des personnes qui investissent dans le film quand le réalisateur est le garant artistique du projet.

Effectivement avec ma société, j’ai un peu investi sur le film mais le principe de la production, que ce soit en France ou à l’étranger d’ailleurs, c’est que l’on pré-vend les droits de diffusion du film. On l’a pré-vendu à Canal +, à C8, à des distributeurs ce qui nous a permis de financer la fabrication du film avec un budget autour des 3 millions € ce qui est dans la petite moyenne des films.

Lesfeminines.fr Comment se crée une histoire et son scénario ?

Frédéric Jouve. L’idée du départ était de faire un hommage à ces filles là sans recréer un biopic pur et dur qui aurait obligé de coller totalement à cette réalité, ce qui en aurait fait un documentaire. Julien Hallard, qui est un des scénaristes a approché les filles pour qu’elles racontent cette histoire et assez vite, il a voulu s’en éloigner pour en créer une qui rendait hommage aux filles de l’époque de vouloir jouer au foot mais qui en même temps nous permettait de raconter autre chose quand même.

Il a commencé à créer un univers, des nouveaux personnages, et il a gardé quelques éléments de la réalité tout en s’apercevant que la réécriture était en fait proche de la réalité. D’ailleurs, pour moi, c’est l’hommage à l’histoire originale qui me plait plus. Je trouve qu’elle y est. On l’a montré à toutes les pionnières du club de Reims et elles ont toutes dit qu’elles avaient eu l’impression de revivre cela. J’ai l’impression qu’on a retranscrit l’esprit de l’époque qu’elles avaient avec l’aventure qui va avec.

Les combats collectifs pour acquérir des droits, c’est toujours passionnant. Ce qui m’intéressait le plus c’était de rendre hommage à ces filles là. C’est l’histoire de ces nanas là qui se sont mises ensemble pour jouer au foot. Ce n’était pas les seules. mais quand je vois le film fini avec les filles de l’époque, je trouve cela génial. L’émotion pour moi est là. Après, la partie comédie qui a été recrée me fait rire et m’amène ailleurs.

Lesféminines.fr Quelle est le nombre d’entrées en salle ? J’ai une première semaine à 40.000 comme chiffre pour 230 salles environ.

Frédéric Jouve. Elle est actuellement de 70.000 entrées (Jeudi 3 mai) et le film va finir entre 150 et 200.000 entrées (plus près de 100 à 120 selon nos estimations) ce qui est un peu faible. On espérait plus mais c’est très correct. On va voir la vie qu’il aura derrière. en DVD, CD et il est programmé sur Canal et C8. On est un peu déçu du score en salle car on espère toujours faire un énorme carton mais cela reste correct. Les critiques sont plutôt bonnes. On est assez content de tout cela.

Lesfeminines.fr Quel est votre vision actuelle du football féminin ? 

Frédéric Jouve. On a fait le coup d’envoi du PSG-OM. Je ne connais pas assez. Vous pouvez préciser ? Le côté amateur et professionnel du foot féminin ? Je ne suis pas assez le foot féminin pour en avoir une vision mais j’ai l’impression que cela commence à intéresser de plus en plus de monde en France. Il va y avoir la Coupe du Monde en France qui va être un vrai événement. J’ai trois filles qui ont entre 1 et 8 ans, et les deux grandes jouent facilement au foot dans la cour de l’école. J’ai l’impression qu’il y a une petite barrière qui est en train de tomber. Après est-ce qu’il y aura des équipes mixtes dans le foot professionnel ? Je n’y crois pas trop. Après que le sport féminin soit reconnu ? Je trouve cela encourageant et j’ai l’impression qu’on va y arriver petit à petit.

Voir un match de football féminin est intéressant sur l’aspect tactique mais cela va moins vite que le football professionnel. C’est un autre spectacle et pour revenir au match PSG-OM où on a perdu -je suis marseillais donc je suis supporter de l’OM même féminin- et j’ai trouvé le match d’un très haut niveau et les joueuses du PSG jouent très vite. Après il y a un côté très spectaculaire dans le football masculin qu’il n’y a pas dans le foot féminin en même temps, sur le jeu, sur la technique et tactique les filles n’ont pas beaucoup à envier aux garçons.

Lesfeminines.fr Justement qu’avez-vous pensé des chants des Ultras parisiens qui était une nouveauté dans le foot féminin ? 

Frédéric Jouve. Je crois que c’était les supporters qui ne pouvaient pas faire le déplacement à Bordeaux et qui étaient venus au match féminin. Je ne crois pas, ils étaient venus parce que c’était l’OM. L’antagonisme crée par les clubs ne m’intéresse pas spécialement. j’ai des amis qui sont supporters du PSG et cela se passe très bien. J’ai été choqué par la violence des chants contre les filles qui étaient entrées sur le terrain et qui ne demandaient rien à personne. D’un autre côté, je ne suis pas anti-supporters et quand il y a des chants, des couleurs, je trouve cela génial. Après, tant que cela reste dans les tribunes et qu’il n’y a pas de violences physiques, c’est malheureusement ou heureusement la situation dans les stades. On ne peut pas faire grand chose.

William Commegrain lesfeminines.fr

Pour les nostalgiques des années 70.