« Non Monsieur, Non Madame ». Marquer des buts n’est pas facile même quand on est à l’Olympique Lyonnais avec ses onze titres de championne de France, neuf Coupes de France, quatre Women’s Champions League, la compétition européenne du football féminin. « Non Monsieur, Non Madame », c’est encore moins facile d’en mettre 226 pour ses couleurs ! Pourtant, la lyonnaise de 28 ans vient de battre le record lyonnais détenu par la suédoise Lotta Schelin avec une moyenne légèrement supérieure à 28 buts par saison.

Eugénie vous dirait qu’il faut croire en ses rêves, savoir qu’on en a la capacité, mais surtout travailler et persévérer pour toujours s’améliorer afin d’atteindre son graal : l’objectif que l’on s’est fixé. Sans oublier de vouloir rester la meilleure, pour pouvoir continuer, dans un OL où les places sont très chères.

On dit du Taureau qu’il est persévérant et qu’il s’épanouit encore plus sur la durée. Eugénie Le Sommer, bretonne née à Grasse, 28 ans, Taureau de signe astrologique, attaquante de l’Olympique Lyonnais depuis la saison 2010-2011 pourrait avoir de ce tempérament avec ses huit saisons au « Réal Madrid » du football féminin européen et mondial.

A 28 ans, elle n’en restera pas là. Elle le sait. A la question posée, jusqu’où irez vous ? Après réflexion, on sent qu’elle ne veut pas se donner de limites. Qu’elle ne sent pas de limites. A 28 ans, quoi de plus normal ?! Alors avec le sourire qu’on devine, elle répondra : « Je sais que ce ne sera pas le dernier en tout cas ! ».

On ne peut qu’en sourire. Sourire et respect approbateurs. Rien n’est facile dans le sport de haut niveau. Femmes et hommes confondus. Hommes et femmes impliquées. La numéro neuf d’un mètre 62 est prête à écrire l’Histoire. Elevée au lait de l’OL, attendez-vous à ce qu’elle ne lâche surtout pas l’Histoire en marche.

Eugénie Le Sommer, itinéraire d’une « sériale » buteuse ! 

Cette sportive s’est battue. Battue pour que sa mère accepte qu’elle s’investisse dans le football féminin. « Au départ je n’étais pas trop soutenue. J’ai mon caractère. Je n’ai pas lâché. Je me suis battue pour pouvoir jouer et j’ai fini par le faire. » Battue pour jouer dans les équipes de garçons. « Sans arrêt se battre pour pouvoir joueur contre les garçons. Prouver qu’une fille peut jouer cela forge le caractère et cela amène des choses en plus pour être performante au niveau mental. » Elle le confirmera. Tout cela a donné du sens à un moteur et à un caractère qui n’attendaient que cela pour s’exprimer : « cela a été un moteur car j’étais persuadé que je pouvais réussir dans ce milieu ! »

On peut vouloir être dans un domaine, se battre mais sans avoir la capacité d’aller au plus haut niveau de son objectif. Eugénie Le Sommer, elle, est dans le très haut de son objectif. Elle a réussi à vivre du football professionnel -plutôt bien- quand il était inconcevable d’imaginer en vivre dans les années 2000 à 2010. Elle a gagné quatre Ligue des Champions avec l’OL, six Coupes de France, et sept championnats. Deux fois meilleure joueuse de la D1Ft, une fois meilleure buteuse, cinq ou six fois nominée dans les 10 meilleures joueuses du monde. A 28 ans, c’est pas si mal …

145 sélections en Bleues avec 64 buts. A un but de la meilleure buteuse en activité, Marie-Laure Delie. Un écart de -seulement- 17 buts avec Marinette Pichon, recordwoman des Bleues. C’est même plutôt pas mal.

A l’avoir écouté … ce sera bien quand elle les aura dépassé. Et ce sera très bien quand elle aura tout donné. Car Eugènie Le Sommer a une religion, en dehors de sa famille (Six soeurs et deux frères) et des valeurs de partage comme d’autonomie que cette vie d’enfance lui a donné : « Être la meilleure et améliorer sa performance ! ».

Lesféminines.fr D’où vous vient cette envie positive d’aller toujours de l’avant ? 

Eugènie Le Sommer. J’ai toujours envie d’aller de l’avant, de progresser. D’être la meilleure possible dans tout ce que je fais. j’ai envie de réussir et dans le foot, on peut toujours progresser. Mon objectif chaque jour, c’est de m’améliorer et être encore meilleure et plus performante. C’est ma philosophie mais c’est aussi celle du sport de haut niveau. De toujours aller plus haut quand on a atteint l’objectif et de viser encore plus haut.

Lesféminines.fr Vous l’aviez au fond de vous-même ou bien c’est l’OL qui vous l’a inculqué ?

Eugènie Le Sommer. Je l’ai toujours eu en moi. Même dans les sports-études, j’avais envie de progresser et d’être la meilleure. J’ai connu des entraîneurs qui avaient de l’exigence envers moi et j’avais de l’exigence pour moi-même. Sauf quand on arrive à l’OL, on se doit d’être performante et je savais que j’étais à ma place et que j’allais progresser dans ce club.

Lesféminines.fr Quel record ! Vous avez pensé que vous marquiez votre 226è but pour l’OL ? Quelle a été votre sensation ? 

Eugènie Le Sommer. Oui forcément car je savais avant le match qu’il me manquait trois buts. Quand je l’ai marqué, je savais que j’étais en train de battre le record de Lotta Schelin. J’ai été très heureuse et très fière de battre ce record qui recouvre beaucoup de choses. Cela fait toujours plaisir de marquer l’histoire et de détenir ce record qui était détenu auparavant par Lotta. D’autant que j’ai joué avec elle pendant 6 ans. Elle a contribué à beaucoup de victoires de l’OL. C’est une joueuse importante de l’équipe et quand je suis arrivé à l’OL c’était la star et moi j’étais la petite jeune qui arrivait. J’ai beaucoup appris à ses côtés et je m’en suis inspirée. 

Lesféminines.fr Justement, vous avez monté un stage à Lorient pour les jeunes filles de 7 à 15 ans. Imaginons qu’une gamine vienne vous demander des conseils. Que lui diriez-vous ? 

Eugènie Le Sommer. J’interviens plus en grande soeur. Pour réussir au football, la première chose c’est de croire en ses rêves. De regarder devant. J’étais passionnée quand j’étais petite et j’ai tout fait pour vivre de ma passion. Juste persévérer et si c’est vraiment ce qu’elle a envie de faire, de le faire tout simplement. Après sur les conseils au niveau du jeu,  il faut travailler à l’entraînement et être sérieuse. Le travail, l’abnégation à l’entraînement, la remise en question et le sérieux.

Lesfeminines.fr Dans le registre de l’attaquante. Quand on est jeune, souvent on a peur de passer son adversaire et on tire avant plutôt que de perforer. Quelle sensation cela vous donne de passer un adversaire ?

Eugènie Le Sommer. C’est sûr que cela fait toujours plaisir de dribbler un adversaire et de s’ouvrir le but plus facilement. C’est forcément une marque de réussite que de pouvoir dribbler et passer son défenseur. Cela montre aussi le niveau qu’on peut avoir. Quelqu’un qui ne passe jamais son adversaire, c’est compliqué pour elle de jouer devant. Cela va forcément de pair avec le rôle d’attaquante. C’est un peu votre signature ! Oui cela m’arrive. Je ne sais pas si c’est ma « manque de fabrique » mais passer une accélération avant le but, c’est une belle sensation. Cela dépend aussi des situations mais je peux frapper avant de passer un adversaire.

lesfeminines.fr Je vous ai souvent donné le surnom de « Calamity Jane », car vous tirez plus vite que votre ombre ! Quelle sensation avez-vous avant de tirer ?

Eugènie Le Sommer. C’est difficile comme question. Pour moi le foot, c’est beaucoup d’instinct. Cela va très vite dans la tête. Quand je tire, c’est de l’instinct. Entre un tir et une passe, il y a une prise de décision forcément. Quand on prend l’initiative d’un tir, c’est un choix très fort. Quand on frappe, c’est qu’on pense que l’on peut marquer.

Lesfeminines.fr. Des fois cela ne marche pas. Cela vous est arrivé de vous dire qu’avec cette gardienne, cela sera difficile ?

Eugènie Le Sommer. Quelques fois quand cela ne rentre pas mais c’est plus en raison du fait qu’on tire sur elle. Cela nous arrive souvent sur le nombre d’occasions que l’on a, surtout à Lyon, et que la gardienne sorte le grand jeu. Mais j’ai jamais eu peur d’une gardienne en particulier. Sauf qu’au niveau international, c’est plus dur car le niveau est plus élevé. On sait que cela va être plus dur de marquer des buts.

Eugènie Le Sommer face à Linda Sembrant de Montpellier lors e la dernière confrontation en championnat. Crédit OLweb. lesféminines.fr

Eugènie Le Sommer face à Linda Sembrant de Montpellier lors e la dernière confrontation en championnat. Crédit OLweb. lesféminines.fr

Lesféminines.fr Est-ce que vous savez que vous marquez votre premier but avec l’OL contre Toulouse (2010) et que vous battez le record face à Toulouse ! 

Eugènie Le Sommer. Oui je m’en rappelle. C’est anecdotique que ce record vienne face à Toulouse. C’est drôle. 

Lesfeminines.fr Huit saisons après. J’ai l’impression que vous êtes capable de vous rappeler de tous vos buts.

Eugènie Le Sommer. Exact. De beaucoup. J’ai une mémoire assez forte. Je me rappelle de beaucoup de matches et de beaucoup de buts. Quand je discute avec mes coéquipières, « tu te rappelles de ce but ? ». Elles ne s’en souviennent pas. Moi si. 

Lesfeminines.fr Un but c’est une médaille. 

Eugènie Le Sommer. (sourire). Le but c’est ma passion. Le football a une place très importante dans ma vie et quand je suis sur le terrain, c’est un moment fort. Je vis pleinement d’être joueuse de foot et cela va de soi de me rappeler de mes matches et de mes buts. C’est une fierté quand on est attaquante et que l’on marque. On s’en rappelle. 

Lesfeminines.fr J’ai lu que vous entendiez très bien avec Ada Hegerberg. On peut marquer des buts en étant des attaquantes très différentes.

Eugènie Le Sommer. Dans le football tous les profils sont adaptés. Grand, petit, fort, gringalet. Tout le monde peut avoir sa chance à chaque poste. il y a des profils d’attaquantes différentes. L’une est grande et costaud, alors que l’autre est petite et rapide. Chacune à sa place. Ada et moi on n’a pas le même profil et pourtant on peut évoluer dans la même équipe. Etre complémentaire et avoir des qualités de finition différentes.

lesféminines.fr. Sur les 226 buts, quel est votre plus beau ?

Eugènie Le Sommer. J’en ai deux. Celui contre le PSG (3-0) l’année dernière en championnat. Le premier match du triptyque. Au mois de mai. On était devant en championnat. Un beau but, avec une action individuelle. Je dribble deux joueuses (Irène Parèdes et Laura Georges) avant de tirer et marquer le premier but dans un match important pour le titre. (elle s’appuie et se retourne face à Irène Parèdes, puis s’infiltre et fait un contre pied à Laura Georges pour passer et marquer du droit -voir plus bas)

Et contre Juvisy en 2013 à Gerland (3-0). Une frappe de loin en dehors de la surface qui est allée sous la barre (0’46 »).

Lesfeminines.fr Et avec l’équipe de France ? 

Eugènie Le Sommer. Je croyais avec l’OL. Avec l’EDF en Hongrie avec une amortie poitrine et reprise du gauche à l’entrée de la surface. Puis celui contre la Nouvelle Zélande. C’est le plus beau de ma carrière pour l’instant. Il y avait tout dedans.

Derniers mots. Si je vous dis : « sport de haut niveau ». Vous me répondez quoi en trois mots ? 

Eugènie Le Sommer. Performance, travail, compétition.

Et récompenses ?

On peut être un sportif de haut niveau sans jamais gagner. Etre un des meilleurs dans sa discipline sans gagner mais j’ai eu la chance de gagner beaucoup de choses.

lesféminines.fr A l’Ol vous êtes élevé au mot « récompense ».

Eugènie Le Sommer. C’est sûr, c’est ancré dans le club. Le club nous donne les moyens pour réussir et nous on se donne les moyens de réussir. Ce n’est pas aussi facile de gagner un championnat et une Ligue des Champions quand on est à l’OL. Je pense qu’il faut voir ce qu’il y a derrière. Le travail, la concurrence. Ce n’est pas facile tous les jours mais quand on est récompensée à la fin de la saison, on est contente !

Merci Eugènie.

Voilà. derrière un record, il y a un gros travail mais surtout un tempérament particulier. On le voit bien. On ne met pas 226 buts pour son club sans avoir un caractère précis, qui s’exprime profondément et dans sa globalité lors des 90 minutes qui font un match. Avec une très forte intensité, lorsque l’on est à l’OL et encore plus en fonction de l’adversaire.

Eugènie Le Sommer. Une sériale buteuse. A 28 ans. Encore pour longtemps.

William Commegrain lesfeminines.fr

source : fff.fr you tube.

Le but 2016-2017 face au PSG (voir à partir de la 11′).