En football, sur un terrain, on est pas tous égaux.

Sur un terrain, vous avez des passes qui vous sécurisent plus que d’autres. Bon nombre ont dû avoir celle-là : « quand vous êtes en difficulté, que vous cherchez un partenaire voire que vous cherchez une transmission sécurisante, la sensation n’est pas la même quand vous la donnez à l’un plutôt qu’à l’autre ». Votre pression se relâche légèrement. Vous savez que la balle ne va pas revenir immédiatement et vous mettre en danger. Le joueur ou la joueuse qui l’a, ne la perdra pas. Au contraire, il la sécurisera voire la bonifiera.

Kadidiatou Diani, 22 ans, « pas encore 23, me dit-elle » est devenue au Paris Saint Germain, en l’espace d’une année, cette joueuse là. Elle perd rarement le ballon qu’on lui donne souvent.

Évoluant au plus haut niveau français. Les parisiennes -alors qu’elle vient juste d’y poser ses crampons- que ce soit face à l’Olympique Lyonnais, Montpellier et le Paris FC, la cherche et la trouve très souvent.

Son influence sur le jeu est montée d’un cran.

Comment s’est réalisée cette transformation ?

La joueuse native de Vitry sur seine, nous répond. Revenant sur un parcours plus que surprenant pour une jeune joueuse qui a démarré le football vers treize-quatorze ans. Sachant élever ses ambitions au fur et à mesure qu’elle constatait qu’elle en possédait le niveau.

« Quand j’ai commencé je ne savais pas que j’allais finir dans un club de D1F. C’est au fur et à mesure que j’ai vu que j’avais les possibilités d’intégrer des clubs huppés. Petit à petit, cela m’a amené à Clairefontaine (Pôle France) et ensuite à Juvisy. Mais je ne pensais pas que cela allait me mener dans un club professionnel.

Il y a eu une belle opportunité qui s’est présentée à moi et je l’ai saisi ».

Kadidiatou Diani vit son ambition au présent, sans s’appesantir sur le passé.

D’un coup de crayon assez rapide, sec tout en étant juste, elle relative les sept saisons avec le club leader de la D1F, Juvisy-Essonne, membre du Top Four. « Je n’ai pas vraiment fait sept ans. Pendant trois ans j’ai fait Clairefontaine et donc j’étais à Juvisy juste le week-end, pour les jours de matches. »

On voit la différence entre l’administratif -sous la forme d’une licence- et ce qui fait le quotidien d’une joueuse. L’endroit où elle vit, où elle s’entraîne, où elle communique. Trois ans à Clairefontaine, il en reste quand même quatre à Juvisy.

Quel est pour autant son bilan ? A sa réponse, on voit que Kadi se découvre épanouie en étant professionnelle. Elle mesure le saut qu’elle a fait. « Juvisy, C’est une bonne expérience car cela m’a fait passer un petit palier. » Je lui précise bien le mot « petit », sachant que tout ce qui est petit n’est pas grand. Elle s’explique : « On m’a souvent reproché de ne pas être à fond à Juvisy. Si j’avais fait un grand palier, j’aurais joué au top de ma forme. On m’a toujours dit que je ne me donnais pas les moyens. Les gens qui sont au-dessus des joueuses. Je l’entendais souvent. C’est pour cela que je dis un petit palier en fait. »  

C’était certainement une vérité mais la joueuse n’était pas dans la dynamique où elle se trouve maintenant. Naturellement, on voit que Diani est faite pour jouer en tant que professionnelle. J’en avais quelques fois parlé avec Sandrine Mathivet, coach jusqu’en 2013 de la Juve francilienne.

C’est ainsi, et cela ne remet pas en cause l’ADN du « double projet » de l’équipe blanche et noire, devenue Paris FC. Pour preuve, l’internationale aux 35 sélections confirme, dans le cours de la conversation : « si j’ai une seule interrogation qui me préoccupe aujourd’hui, c’est ma future reconversion ». 

Une évolution avec le Paris Saint Germain.

Pour l’instant et pour un certain temps, la voilà en pleine évolution de jeu avec une protection de balle incroyable de qualité et de performance.

Elle m’accorde qu’il y a eu une évolution mentale. Par exemple, lorsqu’elle a joué pour la première fois, contre ses anciennes coéquipières : « C’est un match particulier, ce sont des copines. J’ai pu faire abstraction de tout cela et j’ai joué comme je le faisais en début d’année. La première fois, cela m’a fait bizarre. C’est un peu normal, mais on s’habitue. » 

Jusqu’à en tirer partie : « C’est vrai que je connaissais l’équipe. Du coup je savais sur quoi jouer. Prendre de vitesse ou pas ».

Mais si la joueuse a évolué, ce n’est pas seulement face au Paris FC.

Le Paris Saint Germain se bagarre pour avoir cette seconde place qualificative en espérant un faux pas de l’Olympique Lyonnais, pour rêver à ce qui est -pour le coup- un rêve : prendre le titre de Championnes aux couleurs lyonnaises.

C’est au sein du PSG que la joueuse s’est transformée : « Ils m’ont aidé à élever mon niveau de jeu. Je ne sais pas comment ? C’est très bizarre. Ils m’ont permis de passer un vrai palier. Peut-être que j’avais besoin d’un milieu professionnel. Je suis plus épanouie et donc plus performante. » rajoutant lorsqu’on lui joue le stéréotype « Patrice Lair et ses engueulades » : « Contrairement à ce que peuvent penser les gens, Patrice Lair il ne m’engueule pas beaucoup. Au contraire, il essaie de me motiver. » Et pour finir sur cette caméra braquée sur ses sensations à Bougival -pour une joueuse qui vient d’arriver en début de saison et qui a été d’ailleurs le premier transfert entre les deux clubs franciliens – : « Les internationales étrangères ? On découvre de nouvelles nations. Une manière différente de jouer, cela change du football français ». A aucun moment on ne sent la moindre appréhension. Kadidiatou Diani, avec ses 35 sélections en Equipe de France a confiance. Plus elle est sereine. Prête à faire ce qu’il faut pour garder sa place.

Une bleue qui confirme mais qui doit encore s’affirmer

Lorsqu’on lui fait remarquer qu’elle est la seule joueuse de la génération Canada 2014 (U20) à être appelée régulièrement en Equipe de France, sous les trois sélectionneurs : Philippe Bergerôo, Olivier Echouafni et Corinne Diacre. Elle écoute, rajoute immédiatement : « Non, il y a Griedge ». Puis : « j’ai eu une période où je n’ai pas été prise ». Effectivement, courte.

Elle conclut d’ailleurs avec cette objectivité : « Cela montre que j’ai un peu de régularité mais cela n’a pas toujours été le cas. Cela prouve qu’ils ont confiance en moi et en mes capacités et même si parfois je n’étais pas à mon top niveau, ils savaient ce que je pouvais valoir ». 

L’oeil de la joueuse a changé. Elle sait maintenant ce qu’elle peut faire et en jetant un coup d’oeil derrière, sait ce qu’elle ne doit pas refaire. Les pieds sur terre.

D’ailleurs quand on veut l’emmener dans la direction du rêve, elle ne vous suit pas. Un avenir ailleurs qu’à Paris ? « Je suis à Paris. Je me plais bien. J’ai du mal à me projeter vis à vis de cela ». 

Joueuse qui a fait partie de cette génération dorée avec le titre de Championne du Monde U17, Championne d’Europe 2013 et médaille de bronze au Canada au Mondial U20, quel est son meilleur souvenir après son Mondial 2015 avec le A, les JO en 2016 à Rio et l’Euro 2017 aux Pays-Bas ? Sa réponse fuse : « La coupe du monde U17  car on l’a remporté. Ma meilleure compétition. J’ai passé de bons moments avec mes coéquipières. Tout était réuni. Et en plus, c’était la première ».

Et le pire ? Elle répond, après réflexion : « Je n’en ai pas. En fait que de bons moments. » Le pire, à 22 ans, n’existe pas. Surtout quand tu as fait quasiment le tour du Monde avec 90 sélections en Bleues, des U17 au A.

Comment ne pas terminer avec les deux Coupes du Monde en France. « En U20, oui, elles ont leur chance. Avec la génération qu’elles ont je pense qu’elles ont leur chance de remporter le titre ou une médaille. » Pour se projeter comme actrice actuelle de celle de 2019 : « Cela ne va pas être facile je pense qu’on a un groupe pour le faire. Maintenant, il faut le faire et arrêter de dire que l’on a les moyens de le faire. Il faut agir. Il y a de bonnes équipes. C’est pour cela qu’il faut arrêter de parler et plutôt agir. J’espère qu’on fera un bon résultat à la Coupe du Monde. »

Elle terminera notamment l’interview en disant : « maintenant il faut que je marque ». Deux buts en équipe de France, ce n’est pas suffisant.

Kadidiatou Diani, 22 ans bientôt 23. Joueuse professionnelle au Paris Saint Germain. « Les pieds sur Terre. »

William Commegrain lesfeminines.fr