Après la sélection de Novembre, la France lancera sa saison en 2018. Corinne Diacre l’a dit : « je vais analyser les choses et commencer à créer un groupe stable pour qu’il joue ensemble ». Nul ne sait quand ? Mais ce ne sera certainement pas trois mois avant le Mondial 2019 ! Les places vont se réserver maintenant. Il y aura sûrement du « surbooking » comme des joueuses qui seront éliminées. Un sélectionneur, s’il sélectionne, c’est qu’il élimine.

Corinne Diacre et sa légitimité

Corinne Diacre a 44 ans. Elle a été 121 fois internationales en A,  nous dit wikipedia. « Toutes sous les couleurs de Soyaux », comme elle aime bien le préciser. L’actualité fera oublier qu’elle a été adjointe de Bruno Bini pendant six saisons (2007-2013) à la tête de la sélection féminine et qu’elle a découvert le métier de coach en s’occupant de Soyaux (D2F) pour les réinstaller en D1F, ce qui sont des compétences et des performances.

Le grand public l’a identifié comme ayant été la première femme coach d’un club de football professionnel à Clermont (Ligue 2).

Les plus avertis diront qu’elle a été en France, la première à obtenir son diplôme du DEPF en formation initiale (deux ans) lui donnant le droit d’être la coach de toute équipe professionnelle. Elle a connu ses moments de doute puisqu’elle n’avait pas été renouvelée quand Philippe Bergerôo avait pris la succession de Bruno Bini alors que ce dernier faisait partie de l’équipe pédagogique qui devait lui donner – ou non – ce titre suprême des footballeurs qui veulent continuer l’exercice de leur profession sur le banc.

Elle a connu ses moments de compétition quand elle a dû s’installer dans cette Ligue 2 et travailler à sa crédibilité. Avec des moments forts et faibles qui sont le lot de cette division pour finir par être une coach avant d’être une femme. Dans un monde où le jeu appelle au machisme, c’est une performance.

Tout cela l’a endurci. Elle le dit, elle-même, pour reprendre ses propos au cours de l’émission « Téléfoot », vatican des paroles bibliques du football : « Je suis une entraîneure dur ».

Corinne Diacre met un grand coup de pied dans la fourmilière

En communiquant sa première sélection, totalement innovante de celles que produisaient Olivier Echouafni son prédécesseur mais aussi de celles de Philippe Bergerôo comme de Bruno Bini, Corinne Diacre a mis un grand coup de pied dans la fourmilière du football féminin français, plutôt récente dans son développement et surtout dans l’importance de son élite.

Si elle n’y avait pas pensé au mois d’Août pendant ce qui a pu être une période de discussion et de négociation entre la fédération et le Président de son club de Clermont qui l’avait encore sous contrat ; alors elle ne s’est pas tournée les pouces dès la fin du mois d’Août (30 Août) pour annoncer sa première sélection mi-septembre (5 septembre).

Pas moins de sept nouvelles joueuses (Solène Durand, Hawa Cissoko, Théa Greboval, Ines Jaurena, Marion Torrent, Perle Morrono et Ouleymata Sarr) et l’appel nombreux de joueuses qui ne dépassaient pas les vingt sélections (Asseyi, Gauvin, Morroni, Toletti, Karchaoui). En fait, on cherchait les anciennes et on comptait celles qui n’avaient pas été élues avec l’étonnement qui va avec : Gaetane Thiney, Marie Laure Delie, Elodie Thomis, toutes à plus de cent sélections en équipe de France.

Et la seconde sélection a été dans le même esprit avec de plus, l’appel de nouvelles joueuses quand certaines, blessées devaient laisser leurs places. Fin Novembre, elle aura vu une quarantaine de joueuses sur 132 titulaires (12 équipes, onze joueuses). Si on compte les B et les U19, la moitié du championnat français doit être en Bleue.

En football, c’est une révolution.

Les jeunes au pouvoir !?

Il parait que c’est un phénomène de mode. Les anciens actifs vous diront « qu’ils manquent d’expérience ». Les anciens retraités crieront : « Enfin ! », bien allongés sur leur transat. Les mûrs vous demanderont : « pourquoi ? » cherchant à se ranger dans la catégorie des jeunes ou des mûrs suivant la réponse donnée et les jeunes, bougeront tout le monde, pour dire « mais si, il y a encore de la place ! ».

Ce sont les réactions habituelles et peu surprenantes. Elles auraient suffi dans un monde sans compétition et sans concurrence.

Sauf que le sport d’élite est l’archétype de l’endroit où celui qui détient la vérité est celui qui gagne. Et pour jouer, il faut être au niveau demandé.

Corinne Diacre leur a montré le niveau qu’elle souhaitait. Il reste aux joueuses dont elle a réveillé l’instinct de compétition à s’y mettre pour solliciter une place qui, quatre ans avant, n’aurait fait soulever un cil qu’à quelques unes d’entre elles … Sauf que là, la Coupe du Monde est en France. Et cela, comme source de motivation, c’est du niveau des marches du Festival de Cannes.

Beaucoup les regardent, peu les montent. Une expérience de femme inoubliable. Sous les cris, les flashs, « Tournicoti-tournicota », trois petits tours et la Princesse s’en va. Mais quel manège et quelle Princesse !

Les jeunes au travail !

Les journées de championnat qui vont venir seront la vérité du football féminin français. Quelles seront les jeunes appelées qui vont se mettre au niveau désiré et qui revendiqueront, dans leur jeu et leur influence sur le résultat de leur équipe, le maillot bleu pour être de celles qui postuleront à lui donner une étoile : celle de championne du Monde !

C’est loin d’être facile car le jeu féminin est encore plus que chez les hommes, un jeu collectif. Il y a longtemps que les coaches ont renvoyé les Messis du football féminin dans les cours de l’école, pour jouer avec les garçons.

Il va falloir trouver les nouvelles joueuses. Une ou deux peut-être mais onze ou douze, cela va être un sacré pari.

Pourtant, il est vrai qu’un jeune bien encadré, bien motivé et qui ne s’occupe que de s’améliorer en faisant confiance à celui ou celle qui lui demande des efforts ; alors il peut atteindre la lune. L’être humain est débordant de compétences inexploitées. Les gens qui ont de l’expérience le savent d’autant mieux en jetant un regard sur leur passé.

Mais l’enjeu est de taille. Renouveler tout un groupe et le mettre au niveau. L’enjeu est de taille.

L’expérience est là !

C’est pour cela que je pense que les joueuses d’expérience ont de la marge et que ce système a aussi été fait pour les piquer dans leur orgueil. Car dans les faits, elles sont autant responsables que leurs coaches de n’avoir rien gagné.

Reste à savoir si les piqûres ont été judicieuses ? Dans la vie, il y a le football mais pas que le football. Et les trentenaires doivent s’investir encore plus pour qu’il n’y ait que le football dans un monde où les belles choses sont nombreuses et souvent, de bien meilleures qualités.

C’est tout le pari que l’on peut envisager de Corinne Diacre. La marmite a été chauffée. De toute manière, elle sera servie. Reste à savoir avec qui ?

La réponse au terrain.

William Commegrain lesfeminines.fr