Il y a des jours où vous semblez marcher sur l’eau. Il y a des jours où vous êtes là, mais votre tête est au Paradis. Il y a des jours qui resteront longtemps dans votre mémoire. Il y a des jours qui seront plus que des jours. Pour Benoît Dauga, en zone mixte, ce jour était celui de l’Ascension. Le 25 Mai 2017 qui, pour les personnes de confession catholique, annonce la venue du « Saint-Esprit » et préfigure « la Vie éternelle ».

Le coach est en zone mixte. Sur un ton clair et posé, le voilà qui se laisse aller à la parole. Tranquillement. On voit défiler les moments de la saison bordelaise, puis il arrive à la soirée avant le match. Un coaching d’équité et de partage s’annonce. On s’est demandé avec les joueuses quels étaient les meilleurs moments de la saison ? Toutes ont eu un mot sur les bons matches que nous avons fait malgré notre classement (relegable), j’ai juste terminé cet échange en disant : « Pour moi, le meilleur match est celui que nous ferons Demain. »

Effectivement, il avait raison. Et le bonheur qu’il nous communiquait n’était pas celui d’avoir raison mais d’avoir vu les filles se donner raison.

Cela n’a pas été facile. Bordeaux se sauve de la descente en D2F alors qu’il aurait suffi d’un but de plus du PSG, finaliste européen, pour qu’il y plonge. Les dernières minutes ont été folles après la remontada du PSG de 0-2 à 2-2 à la 86′.

Bordeaux s’en souviendra. Quatre minutes et des brouettes. C’est long quand tu joues une saison et beaucoup d’espoir face à un ogre de laD1F, en plus finaliste de la Women Champions League qui va jouer Jeudi prochain et qui doit, à tout prix, envoyer un message fort à l’Olympique Lyonnais, au moins, celui d’une victoire.

C’est Très long mais cela a tenu.

L'explosion de joie de Jerôme Dauga à la fin du match. Crédit Gianni Pablo. Lesfeminines.fr

L’explosion de joie de Jerôme Dauga à la fin du match. Crédit Gianni Pablo. Lesfeminines.fr

Comment cet exploit a-t-il pu se réaliser ?

Patrice Lair, le coach parisien, avait mis au repos certaines joueuses titulaires, notamment Cristiane et Sabrina Delannoy, pour cette dernière en D1F qu’elle ne jouera pas mais dont la fête lui sera acquise, sans pour autant diminuer à l’excès son potentiel sauf à donner sa chance à des jeunes de « sortir du lot ».

Tout au long du match, les parisiennes ont semblé avoir la tête à Cardiff, avec l’enjeu européen d’une finale face à l’Ol en jouant proprement mais en ne se mettant jamais réellement en danger, tant dans les initiatives que dans la finition. L’esprit et leur enjeu de titularisation a diminué sans contexte le dernier geste qui fait la victoire ; quand, de leur côté, les Girondines ont bien eu l’esprit totalement au championnat avec le mince espoir mais véritable de faire plus de points que son adversaire Saint-Etienne qui recevait Guingamp, ce qui passait au mieux par une victoire.

Le football féminin de cette après-midi férié, sous un soleil d’été à Charlety, va se dérouler entre ces deux univers. Celui européen et émotionnel pour le Paris Saint Germain, celui comptable pour les Girondins de Bordeaux, version féminin, qui deviendra, à la fin du match, émotionnel.

Sabrina Delannoy, fêtée par les Ultras à la fin du match. Crédit Gianni Pablo. Lesfeminines.fr

Sabrina Delannoy, fêtée par les Ultras à la fin du match. Crédit Gianni Pablo. Lesfeminines.fr

La possession au PSG

Sous les chants des ultras venus pour s’échauffer avant Cardiff, le PSG prend le ballon et pendant 45 minutes cherche toutes les solutions pour amener le cuir devant les buts girondins gardés par Elisa Launay, afin que Ouleymata Sarr ou Marie-Laure Delie terminent l’action pour la « mettre au fond ».

A ce jeu de la possession, les occasions parisiennes hors cadre se multiplient (16′, 22′, 24′, 29′, 31′, 44′) sans pour autant inquiéter la gardienne bordelaise qui n’aura qu’un tir cadré à maitriser dans le jeu (17′ Delie) et surtout, donnera un sacré « peps » aux ambitions de l’Aquitaine, avec une superbe horizontale sur une tête d’Ouleymata Sarr (19′).

Les imprécisions parisiennes dans la finition donneront du souffle et de l’air à des bordelaises solidaires qui montrent aussi leurs potentiels offensifs, à l’image d’une très bonne maitrise du jeu orchestrée par Juliette Loumagne, (élue plus beau but de la saison), suivi de la vitesse d’Emelyne Laurent qui a tout d’une Elodie Thomis.

A l’évidence, les visiteuses sont dans leur match et donne du sens à la tactique proposée par Jérôme Dauga : « nous n’avons pas l’expérience pour avoir le ballon et faire le jeu. Nous sommes meilleurs dans une situation de défense et de contres, notamment avec Emelyne Laurent qui nous a apporté de la profondeur, depuis son arrivée à la trêve hivernale ».

Ce sont deux équipes ayant fourni du jeu qui rentrent aux vestiaires sous le sifflet de Sandrine Bonnin arbitrant avec maestro et tranquilité cette rencontre, non sans avoir vu Patrice Lair s’échauffer à la « pause chaleur » que les 26° de Charlety imposait. Il manquait au PSG, la tête à ce match qui n’avait aucun autre enjeu que d’envoyer un message, sauf que les joueuses étaient en train de transformer leur recommandée européen à l’Olympique Lyonnais en message adressé par « pigeon voyageur ».

Bordeaux n’en est encore qu’à des espoirs. Les yeux rivés au téléphone, à espérer que les aficionados de la dernière journée, envoie un missile d’informations à Paris, indiquant que les bretons envahissent le Forez, au nom évocateur de « chaudron vert » que les filles de l’Aquitaine, espère éteint.

Les équipes rentrent aux vestiaires avec ce constat : le Paris Saint Germain a la tête ailleurs quand Bordeaux a bien la sienne dans le championnat. A la pause, on voit bien Patrice Lair pousser « un coup de gueule » dont les prémices ont été aperçues lors de la pause « chaleur » de cette première mi-temps.

L’espoir est dans les deux camps, à juste raison. Un autre match commence, en football, on appelle cela « une seconde mi-temps ».

COUP DE TONNERRE A CHARLETY !

Les coachs font leur travail et Eve Perisset entre à la place d’Andonova, sans impact dans ce premier acte alors que Jérôme Dauga relève que les latérales parisiennes sont très hautes et donc qu’il existe des possibilités de contres sur ce côté qu’il faudrait exploiter.

Les Girondines de Bordeaux aux Anges

Contrer est une chose, la mettre au fond une seconde. Quand vous êtes dominé et que vous contrez, faut-il encore avoir une qualité incroyable de vitesse pour arriver à tenter sa chance face à la gardienne ou pouvoir trouver une partenaire qui vous a suivi. Car quand vous contrez, inévitablement, vous allez vite.

Et bien, c’est exactement ce qui arrivera à Bordeaux. Deux fois, la joueuse qui va contrer va aller au bout de ses intentions, seule et marquer.

Le premier éclair viendra de l’ex-parisienne Gouthia Karchouni, revenue des Etats-Unis à la trêve, esseulée et excentrée sur la droite, qui va envoyer une mine, surprenant en hauteur la gardienne internationale des Pays-bas, Geurts, venue suppléer Katarzyna Kiedrzynek tout juste nommée « meilleure gardienne de la D1F » par la fff.

Nous sommes à la 48′ et la jeune fille se met à crier son bonheur, elle qui se « trouve » à la maison en écoutant les Ultras. Avec (0-1) et Saint-Etienne qui n’arrive pas à marquer dans le forez, Bordeaux installe le centre spatial à Charlety pour être envoyé en urgence en D1F. Face au finaliste européen de cette année, c’est un exploit comparable à la concurrence faite aux américains dans l’espace.

Thomas Pesley, l’astronaute français, verra arriver le blason bordelais une seconde fois quand Juliette Loumagne glisse un ballon à Emelyne Laurent, dans un trou de souris face à un PSG très haut, qui voit Irene Paredes rater l’interception, et toute la vitesse de la Bordelaise s’exprimer.

Un boulevard s’ouvre devant elle. C’est trente, trente cinq mètres sans joueuse. Avec au loin, seulement la gardienne. Une situation d’entraînement qu’on voit rarement en match. Sauf que là, c’est du réel. Du concret. Personne ne peut imaginer ce qu’a du ressentir cette jeune joueuse pendant cette course. Un torrent d’informations. Une inondation de sentiments. Couler, ne pas couler. Mieux, surfer.

Le pire semble arriver pour Bordeaux et le meilleur pour le PSG. La gardienne veut sa place ou son honneur. Elle remporte ce premier duel. Son plongeon est bien sur la balle que la bordelaise a voulu dribbler sur sa droite. Mais il est dit que rien ne sera dit dans ce match. Le ballon lui échappe des mains. Il est jouable. Emelyne Laurent a fait, pendant cet instant, une transfusion sanguine en s’injectant du sang froid.

Cette balle est disponible. Elle la reprend. Elle voit un tacle de Laura Georges ce qui, pour toute personne connaissant le football féminin, est un vrai risque. Elle utilise son gauche. Décale le ballon. Frappe. Et la balle passe la ligne blanche du bonheur pour terminer sans force au fond des filets. (0-2, 54′).

Le bonheur est incroyable. Il est inhumain, d’autant plus qu’à Saint-Etienne, Desirée Oparanozie vient d’ouvrir la marque pour EA Guingamp. Le calcul est simple. Bordeaux a 3 points de plus. Saint-Etienne aucun. Thomas Pesquet, l’astronaute français, a maintenant un groupe entier bordelais qui frappe au hublot.

Le rêve de l’impossible est réel. Incroyable, le PSG est mené 0-2 à Charlety à une semaine de sa finale européenne. En face, c’est une équipe qui était en D2F l’an dernier qui joue sa tête.

Pour autant, à Charlety, les Ultras omniprésents continuent de chanter, visiblement venus pour s’échauffer et saluer le dernier match à domicile de Sabrina Delannoy. Oui, vraiment, le PSG a la tête à l’Europe.

La remontée du PSG

La pression parisienne commence à payer

Tout va changer avec la réduction du score de Marie -Laure Delie (77′, 1-2) sur un corner de Véronica Boquete. Ce qui est difficile avec l’Espace, ce n’est pas quand vous montez, mais visiblement lorsque vous redescendez. La vraie question pragmatique qui se pose est : comment va être l’atterrissage ? Monter si haut impose de pouvoir des cendre d’aussi haut.

Face au PSG, c’est une vraie question bien réelle et la certitude de l’internationale espagnole « qui dit avec des gestes simples » : « enfin ! » laisse présager que les différences vont s’exprimer. D’un côté une équipe finaliste européen faite de professionnelles internationales ; de l’autre une équipe régionale qui l’an dernier était en D2F.

Les occasions chaudes explosent du côté parisien et elles sont maintenant six dans la surface girondine à défendre, du bout du pied avec tout ce qu’il est possible de faire !

Le pire arrive pour les bordelaises a la 86′ avec un coup franc direct d’Eve Perisset juste après la sortie d’Emelyne Laurent (2-2, Perisset, 86′). Les voici à (2-2) et la dernière flèche bordelaise rentre sur le banc. Il est clair que la tactique est : « la défense ! ».

Paris a dans les pieds le maintien de Saint-Etienne avec un but supplémentaire quand Bordeaux, a dans le coeur et les tripes, la possibilité de réaliser un rêve que le calendrier donnait pour impossible.

C’est le coeur qui l’emportera, donnant aux bordelaises la sensation rare de l’exploit alors que les parisiennes resteront sur le tarmac pour répondre aux chants des Ultras qui chanteront de longues minutes pour Sabrina Delannoy.

Bordeaux se maintient, Paris fait match nul face au 11è de la D1F avant son match de Cardiff. Patrice Lair donnera la consigne de reprendre immédiatement le car. Bordeaux chantera.

Ne vous y trompez pas. Paris a joué le jeu. Son jeu. Et personne n’y pourra rien, la tête est à l’Europe (Jeudi 1er Juin). Ni plus, ni moins. Quand à Bordeaux, à l’évidence, elle mérite leur maintien en D1F. C’est une bonne équipe de milieu de championnat et elle présente toutes les caractéristiques pour s’y maintenir voire plus, dans un projet à plus long terme.

William Commegrain lesfeminines.fr

PARIS SAINT GERMAIN (2-2) GIRONDINS DE BORDEAUX. 

  • . Buts pour Bordeaux : Ghoutia Karchouni (0-1), Emelyne Laurent (0-2).
  • . Buts pour le PSG : Marie-Laure Delie Delie (1-2), Eve Perisset (2-2).

PSG : Geurts; Georges, Paredes, Lawrence, Morroni (Boulleau 58′), Cruz (cap), Diallo (Formiga 51′), Boquete, Andonova (Périsset 46′), Delie, Sarr
Banc : Kiedrzynek, Cissoko
Bordeaux : Launay; Lardez, Eliceche, Montegut, Mustaki, Loumagne (Ouinekh 73′), Karchouni, Istillart (cap), Chatelin, Cambot (Sumo 62′), Laurent (Mannon 85′)
Banc : Nadal, Lacroix.

Réactions Jérôme DAUBA :

« Sur le PSG et Patrice Lair. Personne ne les attendaient à ce niveau là avec beaucoup de jeunes. Une finale de Ligue des Champions. Il a su faire un gros travail et cela va mettre le football féminin français en avant. A quelques semaines de l’Euro, c’est bien.

On va tirer les enseignements de cette saison, ne pas réitérer quelques erreurs et rester sur cette dynamique de fin de saison qui est excellente. Après, on va essayer de se maintenir rapidement pour avoir une fin de saison plus tranquille car vivre des émotions de la sorte, c’est un peu trouble.

Sur la première partie de championnat, après le match contre LYON ET PARIS, on avait su en tirer les enseignements et je pense que le déclic est notre match contre Montpellier. On fait une grosse prestation et on se dit que si on y arrive contre les grosses écuries on pouvait rivaliser. Cettee année, on est en apprentissage et c’est plus facile pour nous de défendre et contrer que de prendre le jeu car on n’a pas assez d’expériences dans le jeu et face à Albi, à Metz, à Rodez et à Soyaux, on s’est fait prendre à notre propre piège.

Et sur les quatre derniers matches, on s’est dit : voilà si on veut prendre des points et se maintenir, voilà ce qu’il faut faire. On a réussi à mettre en situation ce que l’on disait et c’est ce qu’elles ont fait.

L’avantage d’Emelyne Laurent, c’est qu’elle nous a donné de la profondeur dans le jeu que l’on avait pas. Elle a franchi réellement un palier.

Pour l’année prochaine, le recrutement dépendra des dirigeants. Ce sont eux qui détiennent les cordons de la Bourse. »

Ulrich Ramé, rencontré ensuite, semblait prévoir deux à trois arrivées à budgéter pour jouer le maintien.