Les coachs ont de l’ambition

Le football féminin bouge.

Le niveau de l’élite monte avec une super élite qui s’est créée comprenant l’Olympique Lyonnais rejoint par le Paris Saint Germain. Montpellier a assuré une troisième place quand on a vu Juvisy descendre de son siège du cercle du Top Four.

L’Olympique de Marseille, en gérant graduellement sa montée, est installé avec qualité dans une quatrième place dont on ne sait si elle se renouvellera en se référant au passé, avec Soyaux qui avait fait le même parcours (5è) comme d’autres dès leurs montées.

On peut penser qu’ils ne lâcheront pas ce siège disponible du Top Four.

les coachs voient le football féminin évoluer !
La tendance pourrait aller vers les clubs professionnels masculins mais on voit que les quatre clubs amateurs (Rodez, Albi, Soyaux, Juvisy) ont gagné leur place en D1F pour l’année prochaine quand, comme d’habitude, ce seront deux des trois clubs montants qui redescendront en D2F, en étant supportés ou tenus par des clubs de football professionnels (FC Metz, Girondins de Bordeaux).

Dans cet environnement, un bon nombre de coachs vont arrêter leur collaboration.

Gérard Prêcheur, Hervé Didier, Sébastien Joseph. C’est avec ce dernier que j’ai eu une longue conversation. L’interview remonte à plusieurs semaines. Juste après que l’information de l’arrêt de collaboration pour Sébastien Joseph soit passée qui d’ailleurs précédait celle d’Hervé Didier, le coach de Saint-Etienne.

L’un, coach de Rodez, inséré dans un club mixte amateur ne renouvellera pas son contrat en raison d’une vision différente ; l’autre, inséré dans le club professionnel de Saint-Etienne, ne renouvellera pas pour un manque de moyens structurels.

Les deux sont venus en argumentant, prétextant que le niveau de la D1F évolue très rapidement et se trouvant de trop, sur un fil à chaque saison, voyant dans une vision ambitieuse, la réponse à ce problème qui pourrait les amener à descendre de division ;

Les clubs « n’ont pas » les moyens de cette ambition

Pour être tous les deux, ramenés aux enjeux économiques des clubs masculins, quelque soit leur niveau. Pour Saint-Etienne, la L1 ; pour Rodez, les contraintes amateurs et associatives qui doivent faire vivre tout un club.

La réponse est « non » à l’investissement.

Les résultats montrent qu’il faut aussi autre chose pour avoir une équipe gagnante.

En football féminin, les vérités des résultats du milieu de tableau sont difficiles à établir. Rodez, club totalement amateur, est venu faire match nul face à Juvisy, composé d’internationales avec un budget proche du million d’euros ce qui condamnerait les propos de Sébastien Joseph, d’autant plus quand Saint-Etienne a pris un fessée retentissante, à domicile, par Montpellier (0-8) !

Pour ma part, je crois qu’avec les filles. Le véritable vecteur : c’est la motivation et l’esprit de groupe.

Lesfeminines.fr Quelles sont les raisons de votre départ de Rodez ?

Sébastien Joseph : Une divergence d’opinion sur la politique sportive menée pour cette équipe première et des moyens à lui donner comme équipe d’élite.

Lesféminines.fr Quelle est votre position ? 

Je suis favorable à la professionnalisation des joueuses
Sébastien Joseph : Je suis plutôt favorable à la professionnalisation des joueuses des équipes de 1ère division car le niveau de performances nécessitent d’avoir des filles à disposition pour pouvoir s’entraîner dans de bonnes conditions. Le niveau de la compétition a considérablement augmenté, les moyens mis par les adversaires ont aussi beaucoup changé et les filles commencent à être de véritables athlètes comme les garçons et je pense que cela nécessite de mettre des moyens pour que les joueuses soient mises dans les meilleures dispositions pour se maintenir dans cette élite.

Lesféminines.fr Quelle est la position du club ? 

Sébastien Joseph : Le club est plus sur une vision et un management avec l’idée d’avoir des activités professionnelles pour les filles.

Le Club pense que c’est au club à s’adapter à la situation professionnelle des joueuses alors que je crois qu’il faut faire le contraire.
Je pense que c’est plus au club de faire le nécessaire pour adapter la situation professionnelle à la situation de sportive de la joueuse là où le club pense que c’est plus au club de s’adapter à ces contraintes professionnelles et ensuite jouer au haut niveau.

Lesfeminines.fr C’est une position sans consensus ?

On voit que Lille va monter avec la volonté de professionnaliser son équipe et Les Girondins de Bordeaux, s’ils restaient en D1F, voulaient le faire la saison suivante.

On voit que des clubs comme l’OM ont été tout de suite dans cet esprit là, et on s’aperçoit que lorsqu’on met les moyens, on est capable de faire partie du Top 5.

Je ne suis pas contre même si cela reste compliqué à mon sens quand on voit les adversaires que l’on rencontre. Cela reste difficile de marier les deux avec le rythme d’entraînement et ce qu’impose la D1F aujourd’hui. En plus, on augmente le risque de blessures potentielles.

Mais ce n’est pas un raisonnement partagé par tous puisqu’il y a même au sein du club, des filles qui étaient là depuis un certain temps en 1ère division et qui sont arrivés à ce niveau avec des conditions différentes qui permettaient plus facilement d’accéder au haut niveau.

Lesfeminines.fr Quels sont vos arguments ?

Il y a un changement de générations et des joueuses qui demandent à s’investir totalement dans le football féminin
Aujourd’hui, on a des filles qui passent par des centres de formation, des pôles, apprennent la rigueur et l’exigence pour aller au haut niveau ; alors que les précédentes n’ont appris cette exigence qu’en arrivant au haut niveau. On se retrouve avec des filles qui pensent pouvoir jouer en D1F en s’entrainant trois fois par semaine face à des filles qui elles, veulent maintenant s’entraîner dix fois par semaine. On est sur ce plan, à la frontière entre deux générations qui n’ont pas la même optique de leur sport.

Le second argument c’est que les équipes bougent et vont prendre ces filles qui veulent s’engager « exclusivement » dans le football féminin.

Lesfeminines.fr Pourtant quand on regarde, les deux clubs qui vont descendre sont le FC Metz et les Girondins de Bordeaux alors que les clubs amateurs dont vous faites parties sont bien là. Dans les faits, il y a une différence par rapport à votre vision. 

Je parle de moyens mis en oeuvre et pas de maillot. Si je parle de Bordeaux avec qui je discute souvent, ils sont dans une situation identique à la nôtre. Des joueuses étudiantes qui s’entraînent à 19h, des moyens de transport compliqués, avec un effectif un peu moins bon en expérience que des Soyaux ou des Rodez et cela ne suffit pas pour se maintenir.

Lesfeminines.fr Je trouve que les jeunes joueuses, pourtant bien formées, ont du mal à s’imposer par rapport aux anciennes. A l’inverse du football masculin. Pourtant, elles ont été bien plus formées. Qu’en pensez-vous ? 

Je ne suis pas d’accord avec vous. On a déjà un effectif très jeune et on a recruté trois jeunes et ces filles là ont joué avec nous. Leurs acquits athlétiques et techniques permet de s’adapter rapidement mais ensuite, il faut de l’expérience et du temps de jeu.

La professionnalisation pose la question de la grille des salaires et la hauteur de la rémunération.
Lesfeminines.fr Les passer professionnels, mais avec quels salaires ? 

Professionnaliser n’est pas la sortir d’une formation, après elle fera ses choix.

Lesfeminines.fr Il y aussi le problème de la blessure où on voit une intensité physique qui est demandée aux joueuses. 

Je ne suis pas d’accord. Pour moi, les joueuses professionnelles sont plus protégées et en plus, mises en meilleures conditions pour la ré-athlétisation.

Lesféminines.fr Il y a un risque, dans les clubs masculins, l’enjeu fait disparaître l’enjeu sportif du football féminin. Rodez est proche de la montée en Nationale (1er), la division « du dépôt de bilan », car elle est gourmande financièrement et n’a d’intérêt que pour une montée en Ligue 2. Est-ce que cette question s’est posée avec vos dirigeants. 

Non. je n’ai pas senti cela. Il y a du côté de Rodez une vraie volonté de faire cohabiter au même niveau la section féminine et masculine, sauf que la section féminine fait partie de l’association avec ses propres revenus quand la masculine est dans la SASP. Les comptes sont dissociés même si il y a une transversalité.

Lesfeminines.fr Il faudrait que les féminines soient autonomes alors. Est-ce que le fait d’être en D1F vous amène des partenaires particuliers ? 

Le fait d’être en D1F est un avantage. Cette manne financière amenée par des partenaires, collectivités, mécènes, mais qui va à l’association globalement, avec l’ensemble de ses équipes masculines (réserves et jeunes) comme féminines. Pour nous, c’est plus difficile, on a juste un bassin plus limité que Juvisy par exemple.

Les autres avancent et ils ne vont pas nous attendre
Lesfeminines.fr La question qui se pose alors n’est-elle pas celle du retour impossible pour des investissements ? 

On peut les voir comme une dépense mais aussi comme un investissement. La question qui se pose est surtout de voir que les autres avancent et qu’ils ne vont pas nous attendre.

Lesfeminines.fr Justement, le danger ne serait-il pas de ne plus avoir de joueuses qui partiraient ailleurs ? 

C’est une évidence car huit joueuses sur dix ont des agents. Si elles prennent des agents c’est qu’elles veulent des contrats. Je n’ai que très peu de joueuses qui veulent conserver leurs activités professionnelles. Elles veulent vivre du football et le marché économique de la D1F le leur permet, notamment sur des compléments.

Lesféminines.fr Je reviens sur la notion de salaires. 

Dans le football masculin, les joueurs arrivent à vivre de leur activité de footballeur, aux alentours de 2500 € à 3000 €. Pour notre part, nous ne sommes pas à ce niveau puisque l’on parle de primes de match seulement. D’ailleurs, quelle peut être la motivation d’une joueuse à gagner dès lors que cette victoire ne lui donne pas un revenu significatif face à tous les déplacements et les investissements que demandent le football féminin de l’élite.

lesfeminines.fr Vous ne trouverez jamais un club qui a les moyens de payer chaque joueuse de son équipe à ce niveau là qui est celui d’un club de National. 

Cela peut-être à la fédération d’amener tout cela avec des droits TV plus conséquents comme cela s’est réalisé avec le rugby.

La conversation continuera dans d’autres domaines (…)

Le constat des coaches est juste. Les autres avancent et ils n’attendront personne. La limite des clubs est juste. Les sommes du football féminin commencent à être significatives pour un club, notamment si l’ambition est présente pour un retour très limité avec des priorités vers le masculin, soumis à de fortes contraintes.

Il faut des entrepreneurs qui prennent le risque, faut-il qu’ils en aient d’abord l’envie et ensuite les moyens.

Mon sentiment, c’est que « chacun se renvoie la patate chaude ». D’un côté, une fédération qui n’a pas beaucoup de moyens financiers à proposer, recherchant plus à élargir la base de pratiquantes en s’adaptant à ses moyens et de l’autre, des clubs -féminins ou mixtes- qui ne trouvent pas de partenaires en montants suffisants, en concurrence avec un football masculin qui absorbe toute la médiatisation et les revenus du football.

William Commegrain lesfeminines.fr

PS : l’an dernier Rodez a réalisé une excellente prestation en étant 5è de la saison dernière et en réalisant une demi-finale de la Coupe de France.