Hervé Didier vient en région parisienne. Ce sera pour la dernière fois en tant que coach. Neuf ans dans le même club. A Saint-Etienne. C’est une génération. Une joueuse de 30 ans, il l’a vu arriver à 21 ans. Cela fait un regard quand même. Il a eu le temps de voir des inconnues devenues connues. Des jeunes qui se sont imposées. S’adapter à un football qui a bougé. Vu l’évolution des médias. Il a un oeil. C’est sûr.

A la discussion, On sent une pointe d’amertume aussi. Pour les raisons qui m’avaient plus qu’interpellé quand il s’était expliqué au téléphone, mais tout autant, à mon avis, à l’idée du départ. A l’évidence, le coach des Amazones est un émotif. Le dernier match sera difficile contre Guingamp.

Il lui reste encore des beaux matches : le FC Metz qui remonte, Montpellier qu’ils ont éliminé en Coupe de France et qui se doit de gagner tous ses matches pour garder sa deuxième place surprise mais réelle ; Rodez qui commence à être un des plus vieux clubs de la D1F avec ses huit saisons ; et enfin l’Olympique de Marseille. L’OM, dans les derniers matches, ce n’est pas rien. Surtout s’il a l’âge d’avoir vibré sur les « Saint-Etienne OM ».

Et puis qui sait ? Peut-être une finale de Coupe de France ?

Je pense que l’homme aura des larmes intérieures. Il a trop donné. Il a beaucoup donné. En fait, à l’avoir entendu assez souvent. Il y a un mot qui serait son graal. C’est le mot RESPECT. Je le comprends. En tant que Conseils, c’est un mot que j’ai souvent entendu et qui vient à l’esprit quand on se retourne sur son passé.

Lesfeminines.fr Hervé Didier, quels sont vos meilleurs moments ?

Hervé Didier : C’était une belle aventure et j’ai pris énormément de plaisirs à m’occuper d’un groupe de féminines à haut niveau. Les meilleurs souvenirs c’est sur la finale de la Coupe de France que l’on gagne. La demi-finale en 2013 quand on gagne 2-0 avec de très jeunes joueuses comme Audrey Chaumette, Candice Gherby, Léonie Fleury qui sont les artisans de notre victoire. Nous étions moins fortes que maintenant mais cela nous a permis d’aller en finale.

J’ai un fort souvenir. Quand on se sauve face à Montpellier lors du dernier match. On était mené. Sarah Palacin nous sauve et égalise. Au coup de sifflet final, on avait gagné la Coupe du Monde !
J’ai un autre souvenir, presque aussi fort, c’est l’année où l’on a failli descendre. Il fallait absolument faire un match nul contre Montpellier et ce jour-là, on a fait la fête comme si on avait gagné la Coupe de France ou la Coupe du Monde. Ce jour là, on est passé par toutes les émotions alors que l’on perdait (1-0) à la mi-temps. Il a fallu égaliser ce qu’on a fait par Sarah Palacin et ensuite, il a fallu tenir tout le reste du match jusqu’au coup de sifflet final où ce fût l’explosion !

Beaucoup d’émotions même si c’était un match de maintien.

Lesféminines.fr Hervé, et vos plus mauvais moments ?

Hervé Didier : Justement cette année qui était difficile sur le plan sportif car on n’arrivait pas à trouver les solutions pour s’en sortir. J’y suis arrivé à la fin quand même car le groupe était de qualité mais il est arrivé un moment où j’ai failli lâcher car je ne trouvais plus les ressources. Je me suis dit que pour arriver à quelque chose, il fallait peut être une changement. J’ai été soutenu par Michel Saez, le Président de l’Association.

Et le plus mauvais moment, c’est cette saison là où je quitte le groupe après neuf années.

Lesfeminines.fr. Il y a une semaine, on s’est eu au téléphone. Je sentais de la réflexion. Maintenant, je sens de l’amertume ?

Hervé Didier : Je ne regrette pas ma décision de ne pas continuer. D’abord, car je suis fatigué de cette saison et que je n’ai pas envie de revivre cela la saison prochaine. J’espère que mon départ aura été un déclic pour que cela change mais j’ai un peu d’amertume car les raisons pour lesquelles je m’arrête sont des raisons qui auraient pu très vite changer si le club avait eu envie de me garder au club.

Je trouve que je n’ai pas eu le respect que mon travail méritait. Je n’ai vu aucun Président. J’ai vu quelqu’un qui représentait les Présidents. Mon amertume vient plus de ce manque de reconnaissance car pendant neuf ans je n’ai pas fait que le travail d’entraîneur. Il fallait faire autre chose que le travail d’entraîneur pour construire ce groupe féminin.

Lesfeminines.fr Justement, quelles sont les recettes pour s’occuper d’un groupe féminin ?

S’occuper des féminines, c’est s’investir à temps complet. Il y a le terrain mais il y a aussi les relations. Elles ont besoin d’être écouté, que l’on s’occupe d’Elles.
Hervé Didier : Il faut s’investir davantage car il y a le terrain mais aussi il y a la relation. Elles ont besoin d’être écouté. Elles ont besoin que l’on s’occupe d’elles. Et tout cela ne peut fonctionner que si on est présent et à leur écoute. C’est un investissement complet et la passion fait que l’on a envie de les aider car ce sont des jeunes qui ont vraiment du mérite : elles sont à fond dans leurs études et leurs passions qui est le football de haut niveau. Il faut avoir les épaules.

On a essayé de le faire tant bien que mal et j’espère que l’on a pu les aider.

A discuter, je ressens aussi de la fierté car à Saint-Etienne, on a fait évoluer pas mal de filles qui sont maintenant en Equipe de France en jouant dans des clubs comme Paris, Lyon, Juvisy, Montpellier. Saint-Etienne a servi un peu de tremplin. Il y en a pas mal et je dirais que c’est une fierté car c’est aussi un rôle de formation.

Lesfeminines.fr Vous avez le souvenir de filles que vous avez vu grandir ?

Hervé Didier. Oui, je pense à Camille Catala. Sarah Palacin, quand elle était à Saint-Etienne je lui faisais confiance et du coup, c’est elle qui justement nous sauve à Montpellier. C’est grâce à elle que l’on fait ensuite une saison intéressante car elle se met à marquer plein de buts. C’est vrai que cette confiance là, elle nous l’a rendu grâce à son travail.

De la fierté pour Camille Catala, Kheira Hamraoui, Méline Gérard, ce sont des filles qui se sont formées à Saint-Etienne avant d’entrer en Equipe de France
Kheira Hamraoui qui était chez nous mais dont on sentait qu’elle avait un potentiel alors que l’on avait pas les structures pour qu’elle puisse se développer. C’est quelqu’un qui avait besoin qu’on la prenne en charge. Il lui fallait plutôt un centre de formation et nous ne pouvions pas lui proposer cela. Le fait d’être à Paris lui a apporté. Maintenant, Kheira Hamraoui est en Equipe de France car elle a su travailler dans ces clubs là et gagner sa place.

Méline Gérard qui est arrivé à Saint-Etienne comme une bonne gardienne de buts. Puis elle a travaillé avec sa volonté farouche d’être en équipe de France. Elle en parlait tous les jours. C’est une fierté d’avoir une joueuse comme cela qui est reconnaissante en plus, il y a des liens.

Lesfeminines.fr L’évolution du football féminin, est-ce une évolution ou un déclic voire un danger ?

Hervé Didier. Une évolution mais pas un déclic. Cela s’est fait progressivement. Ne serait-ce que lorsque j’ai démarré à Saint-Etienne, on avait beaucoup d’U19 qui était à Clairefontaine et quand il y avait des sélections, il n’y avait plus personne à l’entraînement et maintenant je n’ai que des séniors à part Mylène Chavas qui est U19.

En france, les filles de la D1F sont devenues des athlètes avec un bon niveau tactique et technique.
Cela montre que la formation se passe plutôt bien et les filles qui sont en D1 sont maintenant de vraies athlètes. Avant on trouvait des joueuses qui n’étaient pas du niveau de la D1. Aujourd’hui, il est difficile de trouver une fille qui n’est pas du niveau du championnat.

Par rapport au niveau tactique et technique, il y a très peu de points faibles sans comparer avec Lyon et le PSG qui sont dans une autre dimension. Le niveau est en train de s’élever et on voit un petit peu moins de gros scores.

L’interrogation va plutôt au niveau de l’arbitrage. C’est un petit peu dommage que la fédération souhaite faire arbitrer tous les matches par des filles. Il y a des filles qui arrivent et qui sont un petit peu en difficulté sur l’arbitrage. C’est les garçons, on leur interdit de faire des matches mais comme le foot est assez développé, il ont tous des notions de jeu ; mais pour les arbitres, elles aiment ce sport là mais je ne suis pas sûr qu’elles aient tous pratiqué ce sport. Il y a une marge importance de progression de ce point de vue dans le football féminin.

Les côtés négatifs par rapport au terrain. Je ne voie pas. je ne trouve que des côtés positifs. Il n’y a pas de tricheries. Pas de mauvais gestes. Pas de violences. C’est un plaisir de coacher un groupe dans le football féminin.

Lesfeminines. Et cette transformation d’un club amateur intégré par un club professionnel ? Le sentiment général, c’est que « c’est bien sans être super. »

Les clubs sont contents et attentifs à avoir une section féminine de qualité. Après, ils sont réticents car il y a ce côté financier qui fait que cela coûte aux clubs sans qu’il y ait de retours sur investissements. Cela bloque donc au niveau des féminines. Même si la Fédération apportait des partenaires, à leurs yeux ce ne serait pas suffisant pour en tenir compte financièrement.

On a démarré à hauteur de 150.000 euros pour être maintenant à 700.000 euros. Avec le même budget de l’époque, on ne serait plus en D1F. Quand je pense avec quel budget on a gagné notre Coupe de France !
C’est pourtant en plein développement mais les clubs sont réticents par rapport à cela. Ils ont leurs contraintes avec des besoins financiers pour les garçons qui prélèvent la totalité et cent mille ou deux cent mille euros, ce qui n’est pas grand chose dans leur budget, ils ne peuvent suivre car ils ont fixé un budget et ne veulent pas en sortir.

Pourtant notre budget a augmenté. On a démarré à hauteur de 150.000 euros et nous sommes actuellement sur 700.000 euros mais quand je vois avec quel budget on a fait une finale de Coupe de France en 2011 ; avec le recul, on se demande comment on a pu le faire ? On avait pas le même matériel, les mêmes équipements. Ce qui est sûr c’est qu’avec le même budget de l’époque, on ne serait pas en D1F. C’est sûr.

Si par malheur on était amené à descendre, ce que je ne souhaite pas, je pense que l’ASSE mettrait un gros frein.

Lesfeminines.fr Vous avez une fille. Vous lui conseillerez de jouer au football féminin ?

J’ai une fille mais elle est ingénieur. On a Maeva Clemaron qui finit ses étude d’architecture. Rose Lavaud qui fait kiné. Quand elles auront fini leurs études, elles auront envie de se consacrer pendant quelques temps au football. C’est la formule de faire des études et d’être professionnelles ensuite. Lesfeminines.fr Il ne faut pas le faire trop longtemps, car si vous ne travaillez pas avec votre diplôme, au bout de cinq ans, les places sont prises. 

Mes filles ne font pas de football car lorsqu’elles étaient jeunes, le football féminin n’existait pas mais si elles devaient arriver maintenant, je pense qu’il y a une bonne période et si la France gagne la Coupe du Monde, il va y avoir un engouement, alors je lui dirais de tenter.

Mais vous savez, à la condition de gagner, car il faut gagner pour être reconnu.

William Commegrain lesfeminines.fr

PS : vous vous êtes un peu chauffé avec Patrice Lair. C’est de l’histoire ancienne. On était à fond dans nos clubs. On s’est parlé depuis et on se respecte beaucoup.