Seconde partie de l’entretien d’hier avec Patrice Lair. Après avoir discuté sur son changement de management qui lui a été profitable en championnat et dont il relativise, la portée de l’échéance à venir face à l’Olympique Lyonnais, qui même avec une victoire, ne les mettraient pas prétendants au titre ; la discussion s’est plutôt continuée sur l’avenir et les objectifs proches du PSG, tournés vers l’Europe et la Coupe de France et plus précisément le championnat en 2018.

lesfeminines.fr Une fois, j’ai vu une vidéo sur laquelle il y avait Philippe Bergerôo lors d’un entraînement à Clairefontaine avec l’EDF et tu regardais attentivement au loin. J’ai le sentiment que dans les deux années sabbatiques, tu as beaucoup regardé les autres travailler.

Patrice Lair : J’ai regardé les autres travailler, que ce soit au masculin comme au féminin. On fait son auto-critique. Je le demande à mes joueuses et je suis aussi capable de me remettre en question sur certaines choses.

Aujourd’hui, j’espère être un meilleur entraîneur. Je finis mon dernier module du BEPF. C’est vrai que j’ai des formateurs qui m’apportent beaucoup. Des garçons comme Guy Lacombe, Franck Thivilier et Patrick Gonfalone que je vois assez souvent à Clairefontaine et qui m’apportent beaucoup dans ma gestion.

Même si je vais sur mes 56 ans, je pense toujours pouvoir progresser. Passer des échelons dans ma gestion humaine, sur ma gestion tactique ou technique avec mon groupe. Il y a toujours moyen de progresser. Je le demande à mes joueuses. Je dois avoir la même exigence moi-même.

Il y a des choses importantes qui se profilent à l’horizon avec la Women’s Champions League en mars 2017. A chaque fois, tu as dit que tu étais un peu en-dessous des autres. Est-ce un effort de modestie ou une réalité ?

On a été très bon lorsque l’on a renversé la vapeur face à Lillestrøm Sportsklubb Kvinnermais (perdu à l’extérieur 3-1 ; gagné à Charlety 4-1) et je pense qu’on les a surpris tactiquement avec les filles qui ont très bien assimilé ce que je leur avais demandé. On avait réussi à marquer rapidement contre une bonne équipe. Au tour suivant, l’équipe avait été plus faible (BIIK Kazygurt, Kazakhstan 7-1 sur les deux matches) mais on a été très sérieux.

On passe des caps, l’équipe s’améliore. Il y a une progression, on reste costaud défensivement et offensivement on progresse. C’est à nous de continuer sans se prendre la tête.

Samedi, (11è journée, réception de l’Ol à égalité de points avec les fenottes), pour nous, c’est une fête. Etre au coude à coude face à l’Olympique Lyonnais, aujourd’hui c’est super.

J’ai félicité les filles pour leur match face à Juvisy (10è journée, 3-0) et je leur ai dit que pour moi, c’était extraordinaire d’être là depuis le début de la saison. Le capital point, on l’a ; on va jouer sans aucune pression. On va continuer pour essayer d’engranger. Si on peut faire un très bon match, on va le faire et si on peut prendre des points, on le fera aussi.

Il y a un contexte, une unité. On joue au Camp des Loges. On a un public plus près de nous. Cela va permettre de sensibiliser un peu plus le PSG. On est peut être un grand club mais on a besoin d’un contexte favorable pour essayer de faire de bons matches. On a besoin de tout cela. D’un identité. Aujourd’hui, je suis aussi là pour faire aussi avancer le football féminin français et si on me donne la possibilité de faire progresser des jeunes et de les voir en équipe de France ou d’en relancer d’autres comme Eve Perisset qui a réussi à y entrer aujourd’hui, je pense que c’est une bonne chose. Pour le club, les équipes nationales et ce football.

Comment sens-tu l’évolution du football féminin depuis deux ans avec la plus grande possibilité pour les filles d’être « payées » dans plus de clubs ? Quels sont les aspects positifs et ceux négatifs notamment avec ce nombre de spectateurs qui n’évoluent pas au regard de la compétitivité que veut donner ce championnat et le statut des joueuses ? Quelle est ton analyse ?

C’est un petit peu compliqué avec un championnat qui a très peu d’équipes (NDLR : douze, ce qui est la normale européenne ; l’Angleterre en a moins quand l’Espagne est le pays à en avoir le plus (16)). L’arrivée des clubs professionnels qui investissent un peu plus, c’est bien mais il faut arriver à avoir un championnat un peu plus homogène. Il y a encore malheureusement de grosses différences et il faut absolument réduire cela pour que les gens s’intéressent plus.

Il faut garder aussi cette idée de spectacles dans les stades. Ce matin, j’en parlais un petit peu. Quand je vois que face à Juvisy, le prix était de 10 € à l’entrée, je ne suis pas d’accord. Il faut réduire. Au maximum, 5 € et favoriser l’accès gratuit pour que les supporters viennent au stade.

De la même manière, cela me gêne que les supporters ne puissent pas venir aux entraînements car notre site à Bougival appartient à la Banque de France qui refuse que nos supporters entrent. Lyon a aussi des problèmes pour que les supporters viennent aux entraînements. C’est dommage. Il faut surtout pas que l’on enlève cette proximité et cette relation entre le public et les joueuses. C’est ce qu’il y a de plus sympa au niveau du football féminin notamment si on veut sensibiliser les gens à venir au stade.

Il faut passer un cap.

Il faut que les présidents de clubs professionnels s’intéressent plus à leur section. J’en parlais quand on était à Bordeaux. Il faut avoir un championnat qui se rapproche un petit peu des garçons.

Tu as des arrivées de prévus. Est-ce des arrivées par rapport à des ambitions dans le championnat ou des arrivées liées à des candidatures qui se forment et mieux vaut les avoir avec soi que contre soi ? 

Cela part toujours d’un principe. Si je recrute, c’est pour encadrer les jeunes joueuses que j’ai pour passer un cap. A Paris, je dois avoir des résultats. C’est toujours pareil, en début de saison, on m’a proposé une saison de transition. Non, j’ai refusé. C’est à moi de travailler pour avoir une équipe performante. Aujourd’hui, j’arrive à avoir une équipe qui tient la route, je veux l’améliorer. Je veux que l’on soit plus performant en 2017 et je veux vraiment que l’on soit capable de jouer le titre en 2018. En 2018, on doit être capable d’être champion de France (NDLR : Lyon est champion depuis 10 saisons de suite, le PSG est depuis quatre ans second).

Il y a des étapes à passer.

On a déjà passé celle de recréer un groupe. De retrouver de l’ambition. Maintenant il faut passer un cap supérieur et c’est pourquoi je vais prendre quelques joueuses d’expérience pour apporter un petit plus à mon groupe, de la plus value et faire progresser les jeunes joueuses autour.

J’ai de bonnes jeunes joueuses qui peuvent passer un cap. Actuellement, on a quelques petits manques (réflexion … puis dans un souffle), si elles sont comblées, cela peut peut-être nous donner quelques ambitions en 2017 et plus, si cela va. On a la chance d’être qualifié pour le quart de finale de la Ligue des Champions. Je pense que si on travaille bien, on peut avoir une carte à jouer contre le Bayern de Munich.

La Coupe d’Europe, cela donnerait un coup de fouet supplémentaire car c’est un objectif. Pour le championnat, on essayera d’être performant mais le titre, on y pense pas. Vu la qualité de l’effectif lyonnais qui va se renforcer encore, cela va être très compliqué. On peut leur poser des problèmes sur un match, après c’est compliqué.

Sur la Ligue des Champions et la Coupe de France, on a une carte à jouer.

Des noms ?

On sait déjà pour Amandine Henry. Elle va faire trois mois avec nous. Il y aura deux autres joueuses qui vont arriver. Elles n’ont pas passé la visite médicale donc je ne peux pas encore le dire mais ce sont des joueuses qui vont nous apporter un plus et qui vont surtout entrer dans l’état d’esprit du groupe. Je fais très attention à cela.

Américaines ?

On est bloqué par le nombre d’extra-communautaire. Cela ne peut pas être des américaines.

William Commegrain lesfeminines.fr

William Commegrain : Le PSG aurait pu tomber avec une telle reconstruction à réaliser. Cela n’a pas été le cas et c’est une performance des joueuses et du staff. Cette performance est fragile car trop récente et personne ne veut prendre l’étendard du challenger face à l’Olympique Lyonnais.

Il reste que le vent souffle sans qu’on puisse le commander, si ce n’est de le prévoir et d’avoir les outils pour le gérer. Dans un monde de football où les coachs ont appris à lutter contre la descente et surtout à ne jamais revendiquer la victoire ou le challenge, Patrice Lair est entre les deux mondes. A juste raison avec sa personnalité et l’apport du BEPF est dans ce sens, extrêmement utile.

Il reste que, lorsque l’alchimie d’une saison est là, il ne faut pas la refuser et bien l’identifier. Ce sont des mots que j’avais entendu de Jean Luc Vasseur, coach de National à l’US Créteil, en pleine formation du BEPF qui, après quatre matches consécutifs vainqueurs avait dit : « A un moment, il n’y a plus de hasard. Il faut prendre le costume de leadeur et le défendre. »

Au final, ils ont obtenu le record de la montée la plus précoce en Ligue 2. Lui, avait fait ensuite le saut en Ligue 1 avec le Stade de Reims.

L’Alchimie, c’est le mot que j’ai le plus entendu des coachs masculins depuis que je suis le football de l’élite.

On sent que l’apport d’une formation comme le BEPF est vraiment important quand on voit la performance du PSG avec Patrice Lair (2è) et celle de Sarah MBarek (4è) avec Guingamp. Sans oublier la réussite de Corinne Diacre à Clermont (L2), celle d’Elisabeth Loisel avec les militaires (championne du monde) et de Bruno Bini qui a réussi à s’adapter et faire rêver un autre monde, issu d’une autre culture : la Chine. Il faudrait certainement faire un module intermédiaire moins contraignant et plus adapté pour le football féminin.