Il y a des vies extraordinaires qui semblent sorties d’un livre « de contes pour enfants ». A faire rêver lorsque la nuit approche, pour accompagner les plus grands espoirs des enfants, dans le monde imaginaire qui nous fait faire, espèce humaine, les plus grands voyages de l’impossible. Qui, pour certains, deviendront possibles.

Il est tard. L’heure d’aller se coucher et lorsque le père entre dans la chambre des enfants, il reconnait le bruit que font ses enfants lorsqu’ils cherchent le sommeil. A tourner et à se retourner. A croire qu’ils se battent avec leur vie de la journée, pour la mettre « ipon » et pouvoir en vainqueur, partir dans le voyage de la nuit. Vers ce qui est si beau. Le rêve.

Ils ne dorment pas. Frère et soeur. Le plus âgé a entendu la clanche de la porte. La petite a vu le rai de lumière du couloir éclairer la nuit de la chambre. Les deux ‘écoutent au diapason. Que vont-ils avoir ? Les mots durs demandant le silence. Les mots doux de l’Histoire ?

Au premier ton, ils ont compris. Ils sourient intérieurement de bonheur. Le père s’est assis à même le sol. Dos au coffre de jouets qui laissent échapper les amis du jour, et sans attendre, comme un code familial qu’ils se sont crées entre eux, il commence à raconter les premiers mots. A demi-ton pour lui donner la force du secret. Calmement, pour assurer chacun d’un futur bonheur à écouter, à retenir.

« Ils étaient deux. Estelle et Tony. Ils sont partis aux Jeux Olympiques. Vous savez, cette grande fête où tous les meilleurs de chaque pays viennent, tous les quatre ans, pour se comparer et essayer de gagner une médaille. Des médailles qui sont tellement connues, reconnues et importantes que même les Présidents de la République et les Rois ne peuvent pas avoir. Qu’ils rêvent de toucher.

« Et les Reines ? » laissent échapper de sa petite voix fluette, la petite souris de la famille. Le père entend le sourire de son plus grand. Il devine les yeux de sa fille qui demande le billet « rose » de son voyage. A demi-mot, comme une toute petite. Déterminée mais aussi apeurée du « non ».

Oui. Petite souris. « Même les Reines ! Encore plus les Reines ! ».  Il y a quasiment autant de femmes que d’hommes qui font les Jeux avec 44% des épreuves réservées aux femmes ; seulement 2% sont mixtes. Tout le monde connait la force d’une médaille Olympique. Surtout si elle est d’Or !

Ah le mot est lâché. « L’Or ». A cet âge, ils savent que c’est le métal de la différence. De l’excellence. Le Père sourit. Il sent qu’il a trouvé les bons mots qui font que le voyage peut commencer. Le voyage du rêve. Lui-même commence à se laisser aller. L’Or Olympique … Quel univers. Le père reprend son histoire.

Des champions en herbe qui deviennent des champions en vrais.

« C’était en 2016 et à cette époque, les JO se passaient dans la ville de Rio au Brésil. C’était un moment difficile avec une crise pour les habitants. Ce grand pays avait été très fort, classée 8è dix ans avant et quand les Jeux sont arrivés, il était descendu à la 9è place (1) officiellement, plus loin dans le coeur des habitants et du Monde. Un peu avant, les brésiliens avaient reçu la Coupe du Monde de football, et ils avaient été éliminés en demi-finale en prenant 7 buts devant leur public. Le pays était énervé. La ville était énervée et le Monde entier savait que la Présidente allait être destituée. Obligée de partir. Oui, les Jeux se faisait dans un moment difficile.

Mais Estelle et Tony s’en fichait. Ils s’aimaient. Très fort. C’était deux champions de Boxe. Lui était grand, très grand. Aussi grand que la hauteur d’une porte ! 1m98 et il pesait trois fois le poids d’un enfant. A lui tout seul, avec son poing, il pouvait casser une brique. Il s’entraînait tous les jours dans le centre de champions de la France, à l’Insep. Il s’entraînait pour être Champion Olympique.

Il était fort, pourtant il avait eu des défaites. 12 au total. Aux Jeux Olympiques de Londres, quatre ans avant. Alors qu’il était le plus jeune poids lourd de la compétition, il a perdu dès le premier match !

« Il avait quel âge ? » glisse son aîné. « 20 ans (3) ». La réponse fuse du père. Il ne faut pas qu’il perde le fil. Il devine les méninges de son fils qui se dit que 20 ans c’est grand ! Alors que 20 ans, dans l’histoire, c’est petit. Le père rajoute : »Les autres avaient 24 ans, 28 ans. » Le fils comprend. 20, c’est moins. Donc c’est petit. Donc c’est moins fort. Mais il a perdu. Alors pourquoi c’est un champion ?

« Il a perdu en étant volé en 2012. Et avant, il avait gagné les Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2010. C’était déjà le champion. Un champion. A Singapour, à l’autre bout du monde. »

« Singapour, Londres, Rio ». Le monde entre dans cette chambre de 12m2 d’une famille simple de France. C’est cela être champion. Aller dans toutes les villes de la Terre. Plus les mots sont grands, plus les enfants sont près au voyage. Alors, là, ils sont devenus trois à s’envoler vers cette histoire. Affaires de famille. Histoires de famille. Moments de famille.

C’était un tel champion qu’il a fait graver sur son bras, pour qu’elle reste tout le temps, une phrase très forte : « la chute n’est pas un échec, l’échec c’est de rester là où on est tombé » (4) et en travaillant de plus en plus, avec les meilleurs comme l’Ukrainien, Klitschko, champion du Monde professionnel des lourds pendant 9 ans. Avec le cubain, Luis Mariano Gonzalez, qui est un très grand pays de boxe (34 médailles d’Or). Il est devenu en 2015, juste avant les Jeux, Champion du Monde amateur de boxe à Dohar au Qatar, dans la plus grande des catégories : les poids lourds (+ de 91 kgs). En battant, le 1er, 2è, et 3è mondial quand lui était classé 17è !

C’était seulement la 3ème médaille d’Or pour la France de toute l’histoire de ces championnats du monde et c’était la 1ère française dans cette catégorie, les poids lourds quand Cuba en a gagné 71 au total !

Il avait gagné devant un Kazakhstan mais surtout devant celui qu’il allait rencontrer en finale aux Jeux de Rio, l’anglais Joseph Joyce, qui finira médaille de bronze (5).

Est-ce l’amour ou le travail qui donne des ailes ?

Certains disent que c’est le travail d’autres disent que c’est l’Amour qui donnent des ailes. La phrase est dite comme cela. Puis, elle se termine avec une pause. Afin que les mots résonnent dans le rêve des enfants. Chacun le sien. Ecoutant le même son. N’empruntant pas le même ciel.

Estelle a 24 ans. Elle est née à  Créteil dans le Val de marne et habite la petite ville de Chanteloup les Vignes avec Tony. Elle fait de la boxe dans la catégorie qui correspond à son poids qu’on appelle les poids légers (-60 kgs). Elle est plus petite que Tony mais adore ce sport qu’elle a découvert à 12 ans, par hasard au club mythique du Red Star Club de Champigny où elle continue de boxer.

La boxe, c’est à part et cela demande tellement d’efforts et de travail qu’il vaut mieux le partager avec quelqu’un qui fait la même chose. Alors les deux jeunes gens se sont mis ensemble et ils ont travaillé tous les deux, pour essayer d’avoir des titres quand au début, ils n’avaient rien.

Elle a continué ses études d’ingénieur et maintenant travaille pour developper des applications informatiques. Lui continue ses entraînements et tous les deux, n’ont fait que cela pour toucher l’Or Olympique. Quand l’un s’entraînait, l’autre travaillait. Quand l’autre travaillait, l’un s’entrainait. Et quand ils doutaient comme lorsqu’ils réussissaient, alors ils s’aimaient.

Les Jeux de Rio, une réussite et un amour planétaire.

En 2015, ils deviennent tous les deux, champions du Monde dans leur catégorie. Ils arrivent à être sélectionnés pour participer aux Jeux de Rio et partent ensemble, dans l’équipe de France de boxe.

Neuf athlètes parmi 396 autres dont 167 femmes. Pourtant à Londres en 2012, la boxe n’avait ramené aucune médaille.

Et bien, en 2016, c’est une equipe de neuf athlètes qui gagnera six médailles à eux tous seuls.

Il n’y n’avait que deux femmes. Elles auront toutes les deux une médaille et deviendront les premières françaises à être médaillées Olympiques en boxe, entrant dans l’Histoire de ce sport très masculin. Estelle aura l’Or, Sara Ourahmoune l’Argent (poids mouche -51 kgs). Et les hommes français remporteront quatre autres médailles, Tony avec l’Or en + de 91 kgs, l’argent avec Sofiane Oumiha (-60 kgs), le bronze avec Souleymane Cissokho (-69 kgs) et Mathieu BAUDERLIQUE (-81 kgs).

Tous ensemble, comme une famille, ils ont réussi le plus gros total de médailles de l’équipe de France olympique de Boxe, depuis que la boxe est aux Jeux Olympiques (6). 1920, 96 ans !

Il a fallu aller chercher au plus profond de soi, notamment pour le grand Tony, quand en demi-finale, il se blesse à la cheville face aux croate Filip Hrgovic. Il tient. Accepte les coups. Rends. Accepte. Rends. Boxe d’humilité et d’intelligence quand l’adversaire joue l’impact et la force.

https://youtu.be/fpWKGjnYxhw

Et Estelle et Tony seront les premiers à apporter deux médailles d’Or à la France en boxe depuis 1936 ! 80 ans que cela ne s’était pas fait … Ils sont certainement les deux seuls amoureux au Monde à être médailles d’Or Olympique dans la même discipline.

Alors, et pour finir cette histoire d’Amour et de réussite. Ils ont décidé de se marier après les Jeux. Estelle a été championne Olympique le jour de ses 24 ans. Elle s’est battue en avançant. Sans savoir ce qui était bien ou mal. Uniquement parce qu’elle savait que c’était son chemin. Elle est là. Unique. Seule avec elle-même. Offrant au Monde ce qu’elle est. Pour atteindre l’inaccessible étoile. Le rêve. Le titre Olympique. Une première pierre. Une grosse pierre à la construction de leur maison du Bonheur.

Deux jours après, Tony gagnait le titre olympique pour réussir ce qu’ils s’étaient promis, quand ils devaient rêver ensemble : « Et si on était champion Olympique tous les deux ? ».

https://youtu.be/8DpsIcn1iB4

Ils ont réussi. Il faut croire en ses rêves. On peut les atteindre, à la condition de ne jamais avoir triché. Car quand tu prends des coups, c’est parce que tu es clair que tu arrives à ne pas tomber. Et alors, en travaillant, tu vas avancer et t’améliorer. Jusqu’à devenir le meilleur. Pas qu’en sport.

Tu peux être le champion du bonheur !

Estelle et Tony sont champions olympiques du Bonheur.

Les enfants se sont endormis. Peut-être il y a longtemps. Le Père ne sait plus. Il ne sait plus si cette histoire, il leur a raconté à eux ou si elle n’était pas pour lui. En fermant doucement la porte, il ne pense qu’à une chose.

« Et s’il allait dormir .. pour rêver ».

L’Olympisme, c’est du rêve. Des fois, il peut être réalité.

William Commegrain lesfeminines.fr